Les Juifs allemands se félicitent de la volonté d’interdire le parti néo-nazi
Le procès montrera le "vrai visage" du NPD au monde, a déclaré le chef de la communauté juive allemande ; en 2003, la tentative d’interdire le parti avait échoué
La principale organisation juive allemande a applaudi une nouvelle tentative d’interdire le parti néo-Nazi du pays.
Josef Schuster, le chef du Conseil Central des Juifs en Allemagne a déclaré mardi qu’un procès « montrerait le vrai visage [du NPD] » au monde.
Schuster a déclaré : « Le NPD veut détruire notre démocratie et mettre en place un état nationaliste où il n’y a pas de place pour les minorités ». Un procès ne constituerait pas une publicité pour le parti mais plutôt un obstacle, a-t-il ajouté.
L’idée de bannir le NPD (Parti national-démocratique d’Allemagne), créé en 1964 notamment par d’anciens fonctionnaires du parti nazi, a ressurgi après la découverte en 2011 de l’organisation criminelle « Clandestinité national-socialiste » (NSU). Ses membres, proches du NPD, sont accusés d’avoir assassiné dix personnes, la plupart d’origine turque, entre 2000 et 2006.
Une précédente tentative d’interdiction du parti avait échoué en 2003 et tourné au camouflet pour la coalition Verts/SPD au pouvoir.
La Cour avait alors estimé ne pas pouvoir trancher tant que des informateurs des services du renseignement intérieur (Verfassungsschutz) travaillaient au sein de la direction du NPD. Pour les juges, le risque était trop grand que ces « indics » aient pu agir comme agents provocateurs et amener le NPD à enfreindre la Constitution.
La Cour constitutionnelle allemande a commencé mardi à examiner une demande d’interdiction du parti néo-nazi NPD, en prévenant d’emblée qu’une telle procédure était potentiellement problématique au regard des libertés publiques.
Interdire un parti est « une épée à double tranchant qui doit être maniée avec prudence. Elle limite la liberté pour préserver la liberté », a déclaré en préambule le juge Andreas Vosskuhle, qui préside l’audience. « Chaque procédure d’interdiction de parti représente un défi pour un État libre constitutionnel et démocratique », a-t-il encore dit.
La plus haute juridiction du pays, qui siège à Karlsruhe (sud-ouest), a prévu au minimum trois journées d’audience – mardi, mercredi et jeudi – pour examiner cette requête déposée en décembre 2013 par la chambre haute du Parlement, le Bundesrat, où siègent les représentants des Etats régionaux. Elle ne devrait pas rendre sa décision avant plusieurs mois.
Le Bundesrat estime que le NPD doit être interdit car il « veut déstabiliser et mettre à bas l’ordre libéral-démocratique (…) de manière agressive et combattive ».
Seuls deux partis ont été interdits en Allemagne depuis 1945 : un héritier du parti nazi, le SRP, en 1952, puis le Parti communiste allemand (KPD), quatre ans plus tard.
A l’audience, l’avocat du NPD, Peter Richter, a estimé que le Bundesrat n’avait pas « pu réfuter les preuves concrètes et les soupçons » liés la présence éventuelle de ces agents infiltrés. « Nous sommes d’avis que la procédure doit être interrompue » de ce fait, a-t-il ajouté.
Par ailleurs, la défense du NPD a demandé la récusation de deux des huit juges composant la cour, estimant que leurs carrières politiques passées chez les chrétiens-démocrates de la CDU créaient un « doute sur leur impartialité ».
« Les déclarations politiques ne sont pas, par principe, interdites aux juges constitutionnels », et « cela vaut à plus forte raison » pour leurs fonctions politiques passées, a tranché le président de la cour, rejettant la requête en récusation.
Les partisans de l’interdiction se montraient confiants mardi : « Nous sommes bien préparés et avons bon espoir que la procédure s’achève dans le bon sens », a jugé l’un des plaignants, le ministre de l’Intérieur de l’Etat régional de Saxe-Anhalt, Holger Stahlknecht.
Face aux juges, le président du Bundesrat, Stanislaw Tillich, a estimé que le NPD avait « un poids politique significatif », « dangereux » pour la démocratie allemande, en réponse à ceux qui estiment une telle procédure non prioritaire.
Financièrement en difficulté (le parti a été privé de subventions en février 2013), le NPD ne compte plus d’élus qu’en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale (est), et n’a réuni que 1,3 % des suffrages aux législatives de 2013, un poids politique jugé négligeable par certains. Udo Voigt représente ce courant au Parlement européen depuis les dernières élections qui s’étaient déroulées en mai 2014.
En outre, soutiennent d’autres opposants à l’interdiction, une telle procédure serait devenue caduque avec l’émergence du mouvement islamophobe Pegida ou le succès grandissant du parti Alternative für Deutschland (AfD) qui surfe sur les craintes liées à l’afflux de plus d’un million de migrants en 2015.
Pour Timo Reinfrank, coordinateur de la Fondation antiraciste Amadeu Antonio, « la priorité urgente, c’est d’empêcher que des attaques d’extrême droite se poursuivent contre les foyers de réfugiés ».
Le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas, a aussi mis en garde. « Même si le NPD devait être interdit, cela ne signifie malheureusement pas qu’il n’y aura plus d’extrême droite en Allemagne », a-t-il dit, jugeant par exemple « préoccupant que le débat sur les réfugiés donne lieu à la création de groupes extrémistes constitués ».