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Inside story

Les juifs libéraux partagés sur Elise Stefanik après les audiences sur l’antisémitisme

Certains soutiennent la républicaine dans sa lutte contre les discours de haine sur les campus, d'autres rappellent son soutien à Trump et à la théorie du Grand Remplacement

La représentante américaine Elise Stefanik arrive à une réunion du caucus des républicains de la Chambre des représentants au Longworth House Office Building sur la colline du Capitole à Washington, DC, le 23 octobre 2023. (Crédit : Julia Nikhinson / AFP)
La représentante américaine Elise Stefanik arrive à une réunion du caucus des républicains de la Chambre des représentants au Longworth House Office Building sur la colline du Capitole à Washington, DC, le 23 octobre 2023. (Crédit : Julia Nikhinson / AFP)

WASHINGTON (JTA) – Au cours du week-end, un représentant démocrate juif s’est joint à Elise Stefanik, la troisième républicaine de la Chambre des représentants, pour exiger des comptes en matière d’antisémitisme.

Un autre a en revanche contesté sa crédibilité en la matière sur les plateaux de télévision.

La divergence entre les deux démocrates juifs – Jared Moskowitz (Floride) et Jamie Raskin (Maryland) – reflète un conflit plus large entre les Juifs libéraux. Moskowitz s’est joint à Stefanik pour demander le renvoi des directrices de trois universités prestigieuses pour n’avoir pas protégé les Juifs sur leurs campus, alors que Raskin a affirmé sur MSNBC que Stefanik était une des principales instigatrices de l’antisémitisme en s’étant fait l’écho d’une théorie de la conspiration qui a alimenté des violences antisémites.

La division au sujet de Stefanik fait suite à une audience tenue au Congrès la semaine dernière, au cours de laquelle elle a demandé aux présidentes des universités de Harvard, du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de Pennsylvanie (Penn) si « appeler au génocide des juifs » était une violation au code de conduite de ces universités. Les trois universités, soucieuses de concilier les codes de conduite des campus avec les impératifs de la liberté d’expression, ont répondu que la réponse à cette question dépendait du contexte. Devant le tollé provoqué par ces réponses, la présidente de Penn, Liz Magill, a démissionné et les pressions se sont multipliées pour que Claudine Gay, de Harvard, fasse de même. Mais Gay a été maintenue à son poste.

Certains ont vu en Stefanik une championne inattendue dans la lutte contre l’antisémitisme. Dans une interview accordée à Fox News, Moskowitz a affirmé que Stefanik avait « fait du bon travail » en interpellant les présidentes d’université et en signant une lettre exigeant leur démission.

La républicaine du nord de l’État de New York a été condamnée par le passé pour ses remarques qui reprenaient la « théorie du Grand Remplacement » avancée par les suprémacistes blancs. Dans sa version originale, cette théorie affirme que les Juifs sont les architectes de l’immigration massive de personnes de couleur dans les pays occidentaux dans le but d’y remplacer les populations blanches. En 2021, la campagne de Stefanik sur les réseaux sociaux a mentionné que les démocrates prévoyaient « le renversement de notre électorat actuel » en autorisant les immigrés sans papiers à entrer dans le pays.

La présidente de Harvard, Claudine Gay, à gauche et la présidente de l’Université de Pennsylvanie, Liz Magill, lors d’une audition de la commission de l’Éducation de la Chambre, au Capitole, à Washington, le 5 décembre 2023. (Crédit : Mark Schiefelbein/AP)

Les propos de Stefanik ont suscité des sentiments contraires chez certains Juifs, étonnés de voir qu’ils l’applaudissaient.

« C’était très étrange, je me suis surprise à l’applaudir pendant qu’elle posait ses questions », se souvient Lisa Greer, une philanthrope juive. « Je me suis dit ‘c’est vraiment génial’. Puis je me suis dit : ‘On dirait Elise Stefanik, mais est-ce vraiment elle ?’ Je n’arrivais pas à croire qu’il s’agissait de la même personne ».

Betsy Sheerr, donatrice démocrate et philanthrope qui a soutenu de nombreuses causes juives et pro-israéliennes, a déclaré qu’elle appréciait Elise Stefanik parce qu’elle obtenait des résultats.

« À mon avis, elle a dit ce que beaucoup d’entre nous pensaient en écoutant les témoignages, et aussi sévère qu’elle ait été – elle les a vraiment mis sur la sellette – je pense que beaucoup d’entre nous ont regardé cela et se sont dits : C’est tout à fait vrai, c’est inacceptable, c’est ridicule, c’est de la lâcheté », a expliqué Sheerr depuis Israël, où elle se trouvait dans le cadre d’une tournée de solidarité. « Je dois donc admettre à contrecœur qu’elle a attiré l’attention sur le problème et que certains des résultats obtenus ne l’auraient peut-être pas été si elle n’avait pas été aussi directe. »

Raskin, qui s’est exprimé dimanche sur MSNBC, a déclaré que la facilitation de l’antisémitisme au sein de son propre parti par Stefanik la disqualifiait de tout rôle dans la lutte contre l’antisémitisme sur les campus.

« Comment Elise Stefanik peut-elle donner des leçons sur l’antisémitisme, alors qu’elle est la plus grande supportrice de Donald Trump, qui véhicule constamment des messages antisémites ? » a souligné Raskin, selon un article paru dans le quotidien The Hill. Il a ajouté que lorsque Trump a dîné avec Kanye West, le rappeur antisémite, et Nick Fuentes, un négationniste, il y a un an, elle n’a rien dit.

Stefanik a répondu sur X en affirmant que Trump était « le meilleur ami que le peuple juif ait jamais eu à la Maison Blanche à notre époque ». Elle a cité en exemple plusieurs politiques israéliennes de Trump, comme le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, ainsi que son décret de 2019 sur l’antisémitisme.

Jamie Raskin au Capitole, à Washington, le 21 décembre 2022. (Crédit : AP Photo/J. Scott Applewhite)

Les actions passées de Stefanik n’ont pas empêché le principal organisme de surveillance de l’antisémitisme du pays de partager la vidéo de l’audience du Congrès.

En 2022, l’Anti-Defamation League (ADL) avait critiqué Stefanik, l’accusant, à la suite d’une fusillade de masse à Buffalo inspirée par la théorie du « grand remplacement », d’être l’une des propagatrices de cette théorie. Le groupe avait affirmé que les publications diffusées dans le cadre de sa campagne « jouaient stratégiquement sur la rhétorique extrémiste pour exacerber les angoisses des Américains blancs qui se sentaient attaqués et qui pensaient que les minorités cherchaient à les expulser ».

Et pourtant, Jonathan Greenblatt, le PDG du groupe, a publié le jour de cette audience une vidéo où figurait en vedette Stefanik. « Le manque de clarté morale de ces dirigeants en réponse à ce type de questions est honteux », a-t-il écrit sur X, anciennement Twitter.

Greenblatt et Stefanik n’ont pas réagi aux demandes de commentaires.

Amy Spitalnick, directrice générale du Jewish Council for Public Affairs (JCPA), a indiqué que Stefanik ne pouvait pas dissocier l’antisémitisme de gauche, que Stefanik réprouve, de l’antisémitisme de droite, que Stefanik ignore.

« Il est important de comprendre à quel point tout cet antisémitisme est profondément lié, ils sont tous enracinés dans des théories du complot axées sur le contrôle et le pouvoir des Juifs », a expliqué Spitalnick, qui a joué un rôle primordial dans le succès des poursuites contre les organisateurs néo-nazis de la marche meurtrière de Charlottesville, durant laquelle ils avaient scandé « Les Juifs ne nous remplaceront pas. »

« En normalisant le grand remplacement et l’extrémisme qui y est associé, on obtient une convergence inattendue qui nourrit l’idée, de manière involontaire ou intentionnelle, que les juifs ont un pouvoir et un contrôle démesurés », a constaté Spitalnick. « Et tout cela finit par rejaillir de manière très dangereuse, non seulement pour la communauté juive, mais aussi pour tout le monde. »

Sheerr est contrariée par sa conviction que Stefanik ne reviendra pas sur ses remarques incendiaires de 2021, et qu’elle ne s’opposera pas plus vigoureusement à l’antisémitisme au sein de son propre parti. Elle souligne que Stefanik était à ses débuts une modérée, et qu’elle est aujourd’hui une fidèle de Trump – qui a également colporté des versions de la théorie du « Grand remplacement ».

« Elle s’est vraiment transformée en l’une des plus viles propagatrices de l’antisémitisme », a affirmé Sheerr. « Elle ne dénonce personne dans son parti, ni quoi que ce soit, que ce soit [en colportant] le thème de la double loyauté, ou tout autre thème, donc je pense qu’elle nous a rendu service d’une certaine manière, mais c’est une membre du Congrès très dangereuse ».

Des manifestants en soutien à Israël réunis pour dénoncer l’antisémitisme et appeler à la libération des otages de Gaza, au National Mall à Washington, le 14 novembre 2023. (Crédit : Stefani Reynolds/AFP)

Greer s’est également demandé si Stefanik allait revenir sur ses positions antérieures. « Tout ce que je peux dire à ce sujet, c’est que dans un monde parfait, j’aurais aimé la voir changer, l’entendre dire : ‘je ne crois plus en cela’, et la voir utiliser cette voix pour le bien. Ce serait formidable », a-t-elle déclaré. « Mais je n’ai pas l’impression que cela va se produire. »

D’autres sont plus optimistes. Esther Panitch, représentante démocrate à la législature de l’État de Géorgie, qui n’a pas hésité à faire face au sentiment anti-Israël dans son propre parti, a dit espérer qu’une partie de ce qui a incité Stefanik à prendre les devants en confrontant les présidentes des universités a été les leçons qu’elle a tirées de son flirt avec la théorie du Grand remplacement.

« Il semble qu’elle se soit éduquée depuis ses propos de l’année dernière », a indiqué Panitch lors d’une interview. « J’espère que c’est effectivement ce qui s’est passé et qu’elle n’essayait pas juste de marquer quelques points. J’apprécie ce qu’elle a fait ».

De son côté, Kathy Manning, une démocrate juive de Caroline du Nord, a accusé Stefanik d’avoir agi de mauvaise foi et d’avoir copié des passages d’une lettre écrite par Manning où elle critiquait les présidentes d’université. Manning a publié deux lettres sur Twitter, la sienne et celle rédigée par Stefanik et Moskowitz.

Les trois premiers paragraphes sont identiques et Manning a accusé Stefanik de plagiat. « La députée Stefanik essaie de faire parler d’elle et d’attirer l’attention des médias », a-t-elle déclaré.

Kathy Manning, représentante à la Chambre américaine, lors d’une conférence de presse au Capitole à Washington, le 19 juillet 2022. (Crédit : AP Photo/Mariam Zuhaib, File)

Stefanik a répondu sur X qu’elle avait apporté des modifications à la lettre et l’avait ensuite fait circuler parmi les membres républicains. Elle a accusé Manning « d’essayer de faire un article choc pour aider des démocrates paniqués qui sont clairement du mauvais côté de l’histoire en protégeant ces présidentes d’université ».

Les universités américaines ont été accusées de ne pas protéger leurs étudiants juifs alors que l’antisémitisme est en hausse depuis l’attaque barbare du Hamas contre Israël le 7 octobre, au cours de laquelle les terroristes de Gaza ont tué 1 200 personnes et pris en otage plus de 240 personnes, pour la plupart des civils.

En réponse à l’assaut du Hamas, Israël a lancé une vaste opération aérienne et terrestre visant à détruire la capacité du Hamas à gouverner et à commettre des actes terroristes. L’Etat juif a été fortement critiqué pour le nombre de plus en plus élevé de victimes civiles palestiniennes.

Les administrations des campus ont été accusées de tolérer le harcèlement antisémite, l’intimidation et les discours de haine à l’encontre des étudiants juifs.

L’ADL a indiqué lundi avoir enregistré 2 031 incidents aux États-Unis entre le 7 octobre et le 7 décembre, soit le chiffre le plus élevé jamais atteint sur deux mois depuis que l’ADL a commencé à recenser les cas d’antisémitisme dans le pays en 1979. Cela représente également une augmentation de 337 % par rapport à la même période en 2022.

L’équipe du Times of Israël a contribué à cet article.

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