Les leaders du mouvement de protestation vont renforcer les manifestations
Les activistes anti-refonte judiciaire prévoient de bloquer l'aéroport ; les réservistes de l'armée de l'air déclarent qu'ils refuseront de servir si le projet controversé avance
Les leaders du mouvement de protestation anti-gouvernemental ont juré de renforcer leurs manifestations massives contre le projet de refonte du système judiciaire israélien et ils prévoient notamment de bloquer l’aéroport Ben Gurion, la semaine prochaine.
Alors que les activistes avaient relativement calmé leurs activités au cours des derniers mois dans un contexte de pause du plan de refonte du système de la justice, les organisateurs ont indiqué qu’ils reprenaient la lutte alors que le gouvernement a recommencé à faire avancer certains éléments de son projet extrêmement controversé devant la Knesset.
Lors d’une conférence de presse, mardi, des personnalités de premier plan à l’origine des manifestations ont expliqué qu’elles prévoyaient un blocage de l’aéroport Ben Gurion lundi et qu’elles réfléchissaient à d’autres actions d’envergure.
Shikma Bressler, co-organisatrice du mouvement de protestation, a indiqué que les journées nationales dites « de perturbations » qui avaient lieu, dans le passé, chaque semaine pourraient dorénavant se produire quotidiennement.
« Nous en faisons la promesse à ceux qui détruisent le pays – au Premier ministre Benjamin Netanyahu et au ministre de la Justice Yariv Levin — il y aura des surprises. Tous les groupes qui prennent part à ce combat mèneront des actions de résistance conformément à ce qui leur semble juste », a dit Bressler.
En réponse, le ministre du Tourisme, Haim Katz, a envoyé un courrier au ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir et à la procureure-générale Gali Baharav-Miara visant à empêcher les protestataires de bloquer les entrées et les sorties de l’aéroport.
« Le droit de manifester et d’exprimer son mécontentement est sacré mais bloquer les principales entrées et sorties du pays est une initiative disproportionnée qui devrait gravement porter atteinte à la liberté de déplacement », a écrit Katz.
Alors que les écoles fermeront leurs portes à la fin de la semaine pour la pause estivale, il devrait y avoir plus de trafic à l’aéroport, la semaine prochaine, avec le départ en vacances de nombreuses familles israéliennes.
L’annonce faite par les leaders du mouvement de protestation a eu lieu quelques heures après une manifestation houleuse qui était organisée aux abords de l’habitation de Levin, à Modiin – un rassemblement au cours duquel les protestataires ont brûlé des pneus et bloqué la circulation. La conférence de presse s’est aussi tenue au lendemain d’une importante manifestation, à Petah Tikva, qui avait suivi l’arrestation d’un activiste à son domicile.
Par ailleurs, des centaines de réservistes appartenant à une unité d’élite de l’armée de l’air ont signé, mardi, une lettre avertissant qu’ils refuseraient de servir si le projet de refonte du système de la justice israélien devait aller de l’avant.
« Tant que des initiatives unilatérales qui visent à faire disparaître le régime démocratique continueront à être entreprises, nous cesserons de notre côté de nous porter volontaires au service actif », explique la lettre.
L’armée a fait savoir qu’elle pourrait prendre des mesures disciplinaires contre les réservistes qui refuseraient de se présenter pour assumer leur devoir mais elle a souligné qu’aucune sanction ne sera prise contre ceux qui se contentent de menacer de le faire.
Des sources, au sein de Tsahal, ont confié aux journalistes qu’il y avait, en effet, une différence entre un refus clair et net de servir et une pétition menaçant de se soustraire aux obligations induites par le statut de réserviste.
La manifestation qui a eu lieu devant l’habitation de Levin, mardi matin, avait été organisée par un groupe de réservistes, l’organisation Frères d’armes. Six personnes ont été arrêtées pour avoir mis le feu à des pneus, pour s’être heurtées aux agents et pour avoir tenté de bloquer des routes. La police a utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser le rassemblement et sur des images, les forces de l’ordre apparaissent en train de tenter d’obliger des manifestants assis dans la rue à partir, utilisant la force pour ce faire.
Les six personnes appréhendées ont été assignées à résidence en fin de matinée par les juges de la Cour des magistrats de Rishon Lezion. Il leur a été interdit de se rendre à Modiin, lieu de résidence de Levin, pendant deux semaines et il leur est aussi interdit de prendre part à des manifestations pendant dix jours.
« Dans les prochaines semaines, nous intensifierons la lutte pour préserver le caractère du pays et la nation d’Israël doit, avec toute sa puissance, s’unir à ces efforts qui ont pour objectif de sauver la démocratie », a fait savoir le groupe Frères d’armes dans un communiqué qui a été émis mardi.
Ben Gvir, ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite, qui a vivement recommandé aux forces de l’ordre d’utiliser la force avec les protestataires, a appelé les agents à arrêter « les anarchistes » qui s’étaient rassemblés devant le domicile privé de Levin, affirmant que des dizaines de citoyens auraient d’ores et déjà été appréhendés si la manifestation avait été organisée par la droite de l’échiquier politique.
« Malheureusement, une poignée d’émeutiers paralyse Israël avec le soutien de la procureure-générale Gali Baharav-Miara, » a ainsi déploré Ben Gvir.
Après des mois de mise en sourdine du mouvement de protestation dénonçant la refonte du système judiciaire au moment même où des négociations entre l’opposition et la coalition étaient en cours dans le but de trouver un compromis, des pourparlers qui se déroulaient sous les auspices du président Isaac Herzog, le gouvernement a finalement décidé d’avancer certains éléments de son projet qui, s’il est mené à bien, bouleversera totalement le système de la justice dans le pays.
Mardi, la Commission de la Constitution, du droit et de la justice s’est réunie une nouvelle fois pour délibérer sur un projet de loi qui empêcherait les magistrats de procéder au réexamen judiciaire des décisions des responsables élus sur la base de la notion juridique de « raisonnabilité ». Des personnalités de la coalition ont promis que la loi ad-hoc serait adoptée avant que la Knesset ne parte en congé d’été, dans un mois.
Emanuel Fabian a contribué à cet article.