Les législateurs US s’inquiètent des retombées de la réforme sur la sécurité
Selon un vétéran de Tsahal de retour d'une visite à Washington, les sénateurs sont préoccupés par la chaîne de commandement, le moral des troupes et le boycott des réservistes
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël
NEW YORK – « Les sénateurs américains des deux bords sont préoccupés par les implications sécuritaires du plan de réforme du système judiciaire du gouvernement israélien et d’autres politiques radicales », a déclaré un réserviste de haut rang de Tsahal à l’issue d’une série de réunions à Washington.
La délégation d’officiers de haut rang de Tsahal s’est rendue aux États-Unis cette semaine pour faire connaître leurs craintes quant aux retombées potentielles de la politique du gouvernement sur la sécurité.
« Notre point de vue est important pour eux et c’est la principale raison pour laquelle nous avons pu rencontrer des gens des deux côtés », a déclaré le colonel de réserve Joab Rosenberg, ancien analyste en chef adjoint des services de renseignement de Tsahal, qui a rencontré les sénateurs pendant environ cinq heures cette semaine, en compagnie du colonel de réserve Ophir Bear, qui a piloté des avions de chasse F-16 pendant 27 ans, et du général de brigade de réserve Roy Riftin, ancien chef de l’artillerie de Tsahal.
« Il ne s’agit pas d’être progressiste ou conservateur. Il s’agit d’Israël et je pense qu’ils se soucient tous d’Israël », a déclaré Rosenberg. « Ils ont tous été très sensibles à nos préoccupations et à nos inquiétudes. Ils voulaient en savoir plus sur notre point de vue spécifique concernant la sécurité nationale et Tsahal.
Les vétérans ont fait part aux membres du Congrès de leurs craintes concernant les effets du nouveau gouvernement sur la sécurité nationale et sur Tsahal, notamment les perturbations de la chaîne de commandement, le moral des troupes, le boycott du service par les réservistes et la position supplémentaire du ministre des Finances d’extrême-droite Bezalel Smotrich en tant que ministre délégué au sein du ministère de la Défense.
Le groupe a rencontré Richard Blumenthal, un démocrate du Connecticut, et d’autres élus qui ont préféré garder l’anonymat pour des raisons politiques, a indiqué Rosenberg.
La délégation s’est rendue aux États-Unis cette semaine afin de faire pression sur le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour qu’il mette fin au blitz législatif de son gouvernement. Outre leur rencontre avec des membres du Congrès, les vétérans se sont entretenus avec des médias américains et des membres de la communauté juive.
Les vétérans ont affirmé que le paquet de réformes judiciaires, associé aux déclarations belliqueuses des députés de la coalition, menace la sécurité d’Israël en sapant la réputation de l’armée de Tsahal en tant qu’armée morale et en ouvrant des fissures dans la société, entre autres raisons.
Ils sont venus en tant que simples citoyens et non au nom d’une quelconque organisation, et représentaient plus de 140 officiers qui ont signé une lettre mettant en garde contre les « graves implications » des politiques du gouvernement pour la sécurité nationale et la stabilité régionale.
Dans le cadre de cette restructuration judiciaire, un nombre croissant de réservistes de nombreuses unités ont annoncé qu’ils ne serviraient pas si la coalition poursuivait son projet d’entraver le système judiciaire, ce qui, selon les opposants, ferait d’Israël une démocratie affaiblie, voire une dictature. Ces appels ont bouleversé les dirigeants militaires et politiques au cours des dernières semaines, se multipliant alors même qu’ils sont condamnés par de hauts responsables politiques de l’opposition et de la coalition.
Des centaines de réservistes d’élite de Tsahal ont annoncé jeudi qu’ils cesseraient leur service volontaire à partir de dimanche, mettant ainsi à exécution les menaces lancées il y a plusieurs semaines en réponse aux projets du gouvernement visant à modifier radicalement le système judiciaire.
Par ailleurs, jeudi, 100 officiers supérieurs de réserve d’une unité d’élite de l’armée de l’Air israélienne ont publié une lettre indiquant qu’ils n’étaient pas sûrs de pouvoir continuer à servir à l’avenir.
Le paquet de réformes de la coalition la plus à droite jamais vue en Israël, ont suscité des manifestations publiques de masse en Israël depuis plus de deux mois, ainsi que de vives réactions de la part des politiciens de l’opposition et des mises en garde sévères de la part d’économistes, de chefs d’entreprise, d’experts juridiques, d’universitaires et de responsables de la sécurité.
Selon les opposants, ce projet portera profondément atteinte au caractère démocratique d’Israël en bouleversant son système d’équilibre des pouvoirs, en accordant presque tous les pouvoirs à la coalition et en laissant les droits individuels sans protection et les minorités sans défense. Les partisans affirment qu’il s’agit d’une réforme indispensable pour mettre un frein à l’activisme de la Haute Cour et mettre fin à ce qu’ils considèrent comme un pouvoir de facto non démocratique exercé par des élites non élues.
Mercredi, la coalition a écarté une autre proposition de refonte judiciaire présentée par le président Isaac Herzog.
Jeudi, la Maison Blanche a apporté son soutien à la proposition de Herzog.
« Le génie de notre démocratie – et franchement de la démocratie israélienne – est qu’elle repose sur des institutions fortes, qu’elle comprend des freins et des contrepoids qui favorisent l’indépendance du pouvoir judiciaire », a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, lors d’une conférence de presse. « Nous soutenons les efforts déployés par le président Herzog pour trouver une solution conforme à ces mêmes principes démocratiques. »
Un certain nombre de sondages ont indiqué que la législation est largement impopulaire auprès du public.
Jacob Magid a contribué à cet article.