Les ministres furieux contre une procureure-générale « anarchiste » qui tenterait de « tuer » Netanyahu
Après des tirs de fusée éclairante au domicile du Premier ministre, les alliés de ce dernier ont accusé Baharav-Miara "d'inaction" ; Karhi a été fustigé pour avoir invoqué un proverbe juif sur les tentatives de meurtre
De nouveaux appels à la démission de la procureure-générale Gali Baharav-Miara se sont faits entendre dimanche alors que les membres du gouvernement l’ont attaquée pour son « indulgence », ont-ils dit, à l’égard des manifestants qui s’opposent au gouvernement. Ce torrent de critiques a déferlé après que des fusées éclairantes ont été tirées, samedi soir, en direction du domicile privé du Premier ministre Benjamin Netanyahu à Césarée.
Des appels à son limogeage qui surviennent aussi au moment où la procureure-générale a clairement fait part de son opposition à une proposition faite par le gouvernement qui vise à réguler les retraites forcées des conseillers juridiques gouvernementaux – une proposition qui obligera ceux qui sont restés à leur poste pendant plus de sept ans à se retirer avant la fin de l’année 2024. Un avis juridique diffusé par le bureau de la procureure-générale, dimanche, avertissait qu’une telle initiative pouvait avoir pour objectif de supprimer des fonctionnaires assument un rôle « de gardiens » en raison de considérations « étrangères ».
Dans un post incendiaire qui a été diffusé sur X, le ministre des Communications, Shlomo Karhi – qui s’est déjà disputé avec Baharav-Miara dans le passé – a réclamé son renvoi tout en invoquant les principes de la loi juive relatifs aux tentatives de meurtre pour justifier son positionnement.
Accusant la procureure-générale assaillie de toute part d’être incapable de s’attaquer aux violences et aux incitations à la haine des opposants au gouvernement, Karhi a prétendu que Baharav-Miara « restait là, les bras croisés, accordant aux manifestants une légitimité et refusant de mettre un terme à cette détérioration dangereuse » de la situation.
L’incapacité présumée de la procureure-générale à agir contre « l’anarchie » dont font preuve les protestataires anti-gouvernementaux rapprochent « Israël de la catastrophe à pas de géant – avec l’assassinat du Premier ministre », a ajouté Kahri.
Trois protestataires de premier plan, des opposants à la coalition, ont pourtant été arrêtés dans la nuit de dimanche à lundi en lien avec l’incident survenu samedi à la résidence de Netanyahu.
« La procureure-générale doit retourner chez elle et elle doit le faire aujourd’hui », a poursuivi Karhi. « Si quelqu’un vient vous tuer – que ce soit en exploitant notamment la faiblesse et l’accord tacite qu’apporte le silence – redressez-vous et éliminez-les », a-t-il écrit, paraphrasant un extrait du Talmud consacré à l’autodéfense : « Si quelqu’un vient pour vous tuer, levez-vous et tuez-le le premier ».
Les propos de Karhi ont suscité l’indignation des députés de l’opposition et notamment celle du chef de cette dernière, Yair Lapid, qui a accusé le ministre des Communications « d’inciter ouvertement au meurtre de la procureure-générale », appelant à ce qu’il soit renvoyé.
Le Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël a estimé que Karhi « a franchi une ligne rouge dangereuse » et il a averti que les propos tenus par le ministre entraient dans le cadre « d’incitations graves à la haine lancées à l’encontre des gardiens de la démocratie israélienne ».
Le groupe de veille a demandé à Netanyahu de condamner « une rhétorique violente et dangereuse ».
Le ministre des Affaires de la Diaspora, Amichai Chikli, s’en est également pris à Baharav-Miara, affirmant qu’elle empêchait à l’état de droit d’être appliqué de manière égalitaire au sein de la société israélienne.
Dans un post écrit sur X, Chikli a demandé la destitution « immédiate » de la procureure qui, a-t-il déclaré, a entraîné « des dégâts sans précédent à l’état de droit et à l’ordre public ».
« Dans son mépris en série des incitations les plus sauvages, elle en est la silencieuse complice », a ajouté Chikli, disant que « l’État d’Israël ne peut pas se permettre d’avoir une anarchiste à la fonction de conseillère juridique ».
Pour sa part, au cours d’un entretien accordé au journal ultra-orthodoxe Kikar HaShabbat, le ministre de la Coopération régionale, David Amsalem, a affirmé que les manifestants anti-gouvernement avaient illégalement acquis les fusées éclairantes qui ont été lancées sur le domicile de Netanyahu « sous les auspices de Miara. »
« La prochaine étape consistera en un missile léger, peut-être en un tir de mortier », a ajouté le député connu pour ses provocations.
« Elle est assurément la personnalité qui est la plus dangereuse pour l’État d’Israël », a continué Amsalem. « Elle permet à la gauche de se déchaîner, de faire tout ce qu’elle veut. Elle place des obstacles sur le chemin que voudrait suivre le gouvernement. Elle a interdit presque 50, 60, voire 70 décisions prises par le gouvernement – dont des lois. Elle a décidé qu’elle était elle-même l’incarnation de la loi. »
Les propos au vitriol tenus à l’encontre de Baharav-Miara ont débordé des réseaux sociaux pour s’infiltrer également au sein de la rencontre hebdomadaire du cabinet de dimanche, dans le sillage de l’opposition exprimée par la procureure-générale à l’initiative qui limiterait le mandat d’un conseiller juridique à sept ans.
Selon la chaîne publique Kann, cette proposition permettrait d’écarter sept conseillers de leurs postes – avec parmi eux le conseiller juridique du ministre des Finances Asi Messing, qui s’est disputé avec le ministre des Finances Bezalel Smotrich.
Seraient également concernés par cette mesure de licenciement, qui interviendrait à la fin de l’année 2024, les conseillers stationnés aux ministères des Affaires sociales, de l’Éducation, de l’Immigration et de l’intégration, des Affaires de la Diaspora, de l’Agriculture et de l’Égalité sociale.
Si cette proposition n’aurait pas d’impact sur Baharav-Miara à court-terme – elle avait pris ses fonctions en 2022 – les ministres, au sein du cabinet, ont toutefois saisi l’occasion pour appeler à ce qu’elle soit congédiée au cours d’un débat animé.
Amsalem a accusé les conseillers juridiques du gouvernement d’être des « gangsters » tandis que le ministre de la Justice, Yariv Levin, a affirmé qu’ils avaient agi « par abus de confiance pendant 15 ans » en ne respectant pas une décision gouvernementale adoptée en 2009, en conformité aux conclusions de la commission interministérielle Abramovitch. Cette dernière avait recommandé que les mandats soient limités à sept ans, une directive qui n’avait jamais été mise en œuvre.
Netanyahu a été Premier ministre depuis l’époque où la commission Abramovitch avait été formée – à l’exception d’un petit passage dans les rangs de l’opposition quand le gouvernement dirigé par Naftali Bennett et Yair Lapid avait été au pouvoir, du mois de juin 2021 au mois de décembre 2022.
De son côté, le ministre de la Sécurité nationale d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir, a profité une nouvelle fois de cette opportunité pour faire part de ses griefs à l’encontre de la procureure-générale. Comme Levin, il a déclaré que la conduite des conseillers juridiques était « illégale ».
« Mais », a-t-il continué, « vous passez à côté de l’essentiel : les conseillers juridiques ont déclaré la guerre au gouvernement ».
« On le constate bien dans la gestion des incitations à la haine lancées à l’encontre du Premier ministre ; de l’incompétence abjecte qui est affichée dans la prise en charge du dossier [Eli] Feldstein et en fin de compte, dans tout ce dont ils nous accusent, » a-t-il expliqué. « Faites bien attention à mon cas : ainsi, ils exigent du Premier ministre mon renvoi parce que j’ai soutenu nos soldats, parce que j’ai dénoncé l[les députés Hadash-Taal] Ahmad Tibi et Ofer Cassif, parce que j’ai critiqué les tribunaux ».
« Aujourd’hui, c’est moi et demain, ce sera le Premier ministre », a affirmé Ben Gvir.
La procureure-générale avait fait savoir à Netanyahu, la semaine dernière, que le mandat de Ben Gvir devait être réexaminé au vu de ses interventions ininterrompues et répétées dans les affaires internes de la police et du caractère politique des nominations qu’il faisait à la tête des forces de l’ordre. A aucun moment, son éventuel soutien aux soldats de Tsahal avait pu être évoqué par Baharav-Miara, comme le ministre d’extrême-droite a pu le laisser entendre lors de la réunion du cabinet.
Netanyahu lui-même avait estimé que Baharav-Miara affichait un comportement « conflictuel » pendant une rencontre du cabinet, au début du mois, demandant à Levin de trouver « une solution » pour résoudre le problème, des propos qui avaient entraîné une vive controverse.
Son Bureau avait tenté de faire marche arrière peu après, disant que le rôle de la procureure-générale était « d’aider le gouvernement à mettre en œuvre des décisions et à promouvoir des législations en son nom, pas le contraire ».
Lazar Berman a contribué à cet article.