Israël en guerre - Jour 496

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Les pays du Golfe pressent Washington pour éviter qu’Israël ne frappe des sites pétroliers iraniens

Ryad, Abou Dhabi et Doha refusent de laisser Jérusalem utiliser leur espace aérien pour répondre à l'attaque de Téhéran, craignant que l'Iran ne vise leurs propres sites énergétiques

Des réservoirs de stockage à l'usine de Jeddah, une installation pétrolière d'Aramco, en Arabie saoudite, le 21 mars 2021. (Crédit : Amr Nabil/AP)
Des réservoirs de stockage à l'usine de Jeddah, une installation pétrolière d'Aramco, en Arabie saoudite, le 21 mars 2021. (Crédit : Amr Nabil/AP)

DUBAI, Émirats arabes unis – Les États du Golfe font pression sur Washington pour qu’Israël n’attaque pas les sites pétroliers iraniens, car ils craignent que leurs propres installations pétrolières ne soient la cible de tirs des mandataires de Téhéran en cas d’escalade du conflit, ont déclaré trois sources du Golfe à Reuters.

Afin d’éviter d’être pris entre deux feux, les États du Golfe, dont l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar, refusent également de laisser Israël survoler leur espace aérien en cas d’attaque contre l’Iran et l’ont fait savoir à Washington, ont déclaré les trois sources proches des cercles gouvernementaux.

Israël a promis que l’Iran paierait pour son attaque de missiles balistiques de la semaine dernière, tandis que Téhéran a déclaré que toute riposte entraînerait de vastes destructions, ce qui fait craindre une guerre plus large dans la région, qui pourrait impliquer les États-Unis.

Les mesures prises par les États du Golfe font suite à une offensive diplomatique de l’Iran chiite non arabe visant à persuader ses voisins sunnites du Golfe d’user de leur influence auprès de Washington, alors que l’on craint de plus en plus qu’Israël ne prenne pour cible les installations de production de pétrole de l’Iran.

Lors de réunions tenues cette semaine, l’Iran a averti l’Arabie saoudite qu’il ne pouvait pas garantir la sécurité des installations pétrolières du royaume du Golfe si Israël recevait une aide quelconque pour mener une attaque, ont déclaré à Reuters un haut responsable et un diplomate iraniens.

Ali Shihabi, un analyste saoudien proche de la cour royale saoudienne, a déclaré que « les Iraniens ont dit que ‘si les États du Golfe ouvrent leur espace aérien à Israël, ce sera un acte de guerre’ ».

Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi, à Ryad, le 9 octobre 2024. (Crédit : Agence de presse saoudienne/AFP)

Le diplomate a déclaré que Téhéran avait envoyé un message clair à Ryad selon lequel ses alliés dans des pays comme l’Irak ou le Yémen pourraient réagir en cas de soutien régional à Israël contre l’Iran.

Une éventuelle frappe israélienne a été au centre des discussions mercredi entre le prince héritier saoudien de facto, Mohammed ben Salmane, et le ministre des Affaires étrangères iranien, Abbas Araghchi, qui effectuait une tournée dans le Golfe pour rallier des soutiens, ont indiqué des sources du Golfe et iraniennes.

La visite du ministre iranien, ainsi que les communications saoudo-américaines au niveau du ministère de la Défense, font partie d’un effort coordonné pour faire face à la crise, a déclaré à Reuters une source du Golfe proche des cercles gouvernementaux.

Une personne à Washington au fait des discussions a confirmé que des responsables du Golfe avaient contacté leurs homologues américains pour leur faire part de leurs inquiétudes quant à l’ampleur potentielle des représailles attendues de la part d’Israël.

La Maison Blanche s’est refusée à tout commentaire lorsqu’on lui a demandé si les gouvernements des pays du Golfe avaient demandé à Washington de veiller à ce que la riposte d’Israël soit « proportionnelle ». Le président américain Joe Biden et le Premier ministre Benjamin Netanyahu se sont entretenus mercredi au sujet des représailles israéliennes lors d’un appel qualifié de productif par les deux parties.

Jonathan Panikoff, ancien responsable adjoint du renseignement national américain pour le Moyen-Orient, qui travaille actuellement au sein du groupe de réflexion Atlantic Council à Washington, a déclaré que « l’inquiétude des États du Golfe sera probablement un point de discussion clé avec leurs homologues israéliens pour tenter de convaincre Israël d’entreprendre une riposte soigneusement calibrée ».

Le pétrole en danger

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), dirigée de facto par l’Arabie saoudite, dispose d’une capacité pétrolière de réserve suffisante pour compenser toute perte de l’offre iranienne si une riposte israélienne mettait hors d’état de nuire certaines installations du pays.

De la fumée s’échappant d’une installation pétrolière d’Aramco, à Abqaiq, à environ 60 km au sud-ouest de Dhahran, dans la province orientale de l’Arabie saoudite, le 14 septembre 2019. (Crédit : AFP)

Mais une grande partie de cette capacité de réserve se trouve dans la région du Golfe, de sorte que si les installations pétrolières de l’Arabie saoudite ou des Émirats arabes unis, par exemple, étaient également visées, le monde pourrait être confronté à un problème d’approvisionnement en pétrole.

L’Arabie saoudite se méfie d’une invalidation iranienne de ses installations pétrolières depuis qu’une attaque en 2019 contre son champ pétrolier Aramco a interrompu plus de 5 % de l’approvisionnement mondial en pétrole. L’Iran a nié toute implication.

Ryad a opéré un rapprochement avec Téhéran ces dernières années, mais la confiance reste un problème. Le Bahreïn, le Koweït, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis accueillent tous des installations ou des troupes militaires américaines.

Selon une autre source du Golfe, les préoccupations concernant les installations pétrolières et le risque d’un conflit régional plus large ont également été au cœur des discussions entre les responsables émiratis et leurs homologues américains.

En 2022, le groupe terroriste des Houthis du Yémen, alliés à l’Iran, avaient tiré des missiles et des drones sur des camions de ravitaillement près d’une raffinerie de pétrole appartenant à l’entreprise pétrolière publique des Émirats arabes unis ADNOC et avaient revendiqué l’attaque.

« Les États du Golfe ne laissent pas Israël utiliser leur espace aérien. Ils ne laisseront pas passer les missiles israéliens et il y a aussi l’espoir qu’ils ne frapperont pas les installations pétrolières », a déclaré la source du Golfe.

Les trois sources du Golfe ont souligné qu’Israël pourrait faire passer ses frappes par la Jordanie ou l’Irak, mais que l’utilisation de l’espace aérien saoudien, émirati ou qatari était hors de question et stratégiquement inutile.

Les analystes ont également souligné qu’Israël disposait d’autres options, notamment de capacités de ravitaillement en vol qui permettraient à ses avions à réaction de descendre la mer Rouge jusqu’à l’Océan Indien, de se rendre dans le Golfe, puis de revenir.

Des roquettes au-dessus de Jérusalem alors qu’une sirène émet un avertissement de missiles entrants tirés depuis l’Iran, à Jérusalem, le 1er octobre 2024. (Crédit : Mahmoud Illean/AP)

Au cœur d’une guerre de missiles

Selon deux hauts responsables israéliens, Israël va calibrer sa réponse et, mercredi, il n’avait pas encore décidé s’il frapperait les champs pétrolifères iraniens.

Cette option a été présentée aux dirigeants israéliens par l’establishment de la défense, selon ces responsables.

« Notre frappe sera létale, précise et particulièrement surprenante. Ils ne comprendront pas ce qui s’est passé et comment cela s’est passé. Ils verront les résultats », a déclaré mercredi le ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Une installation pétrolière iranienne sur l’île de Kharg, sur la côte du golfe Persique, sur une photo du 12 mars 2017. (Crédit : Atta Kenare/AFP)

Les trois sources du Golfe ont déclaré que l’Arabie saoudite, en tant que principal exportateur de pétrole, ainsi que ses voisins producteurs de pétrole – les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït, Oman et Bahreïn – avaient tout intérêt à désamorcer la situation.

« Nous nous retrouverons au milieu d’une guerre de missiles. Il y a de sérieuses inquiétudes, surtout si la frappe israélienne vise les installations pétrolières de l’Iran », a déclaré une deuxième source du Golfe.

Les trois sources du Golfe ont déclaré qu’une frappe israélienne sur les infrastructures pétrolières iraniennes aurait un impact mondial, en particulier pour la Chine – premier client de l’Iran pour le pétrole – ainsi que pour la candidate démocrate Kamala Harris à l’approche de l’élection présidentielle du 5 novembre où elle s’opposera à Donald Trump.

« Si les prix du pétrole grimpent à 120 dollars le baril, cela nuirait à la fois à l’économie américaine et aux chances de Kamala Harris lors de l’élection. Ils [les Américains] ne permettront donc pas à la guerre du pétrole de s’étendre », a estimé la première source du Golfe.

Les sources du Golfe ont déclaré que la protection de toutes les installations pétrolières restait un défi, malgré les systèmes de défense avancés de missiles et du Patriot, et que la principale approche restait donc diplomatique : signaler à l’Iran que les États du Golfe ne représentaient pas une menace.

Bernard Haykel, professeur d’études sur le Proche-Orient à l’Université de Princeton, a fait remarquer que Ryad était vulnérable « parce que les Iraniens peuvent envahir ces installations en raison de la courte distance qui les sépare du continent ».

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