Israël en guerre - Jour 434

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Les playlists post-7 octobre, des musiques empreintes de rage et de résilience

Alors que la guerre entre Israël et le Hamas fait rage, les chansons à succès s'accordent avec la psyché de la société israélienne dans cette période tragique et difficile

Images extraites de divers clips musicaux israéliens sur la guerre entre Israël et le Hamas. (Crédit : Captures d'écran YouTube ; utilisées conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Images extraites de divers clips musicaux israéliens sur la guerre entre Israël et le Hamas. (Crédit : Captures d'écran YouTube ; utilisées conformément à l'article 27a de la loi sur le droit d'auteur)

Le clip démarre sur un rythme martial et inquiétant, accompagné d’un kaléidoscope d’images : un bébé dans un berceau ; des scènes de destruction dans les communautés voisines de Gaza ; des soldats de l’armée israélienne marchant dans un champ brumeux ; des chars alignés ; un homme juif debout avec un talit – châle de prière – et des tefillin – phylactères ; des bâtiments qui explosent dans un paysage urbain dévasté.

Alors que le rythme principal s’installe, l’homme se révèle être le rappeur israélien confirmé Subliminal, qui, de sa voix rocailleuse, se lance dans ses premiers couplets : « Bonsoir, Gaza, un autre jour, un autre nazi mort/Les Nova People sont sur la plage, la Brigade Golani est au Parlement/Ils disent à Yahya Sinwar/Ouais (…) nous avons vu la guerre/ Boom bye bye bitch ton temps est fini ! »

Présente sur les playlists depuis fin janvier, cette chanson n’est qu’un exemple parmi d’autres de la nouvelle musique populaire israélienne produite en réponse aux événements du 7 octobre et à la guerre entre Israël et le groupe terroriste palestinien du Hamas, une production prolifique qui sert de fenêtre sur la psyché de la société israélienne à un moment de fragilité et de transformation.

La chanson de Subliminal, « Ze Aleinu » (« C’est à nous de jouer »), est interprétée avec son complice hip-hop de longue date The Shadow, ainsi qu’avec le jeune chanteur Raviv Kaner. Il s’agit d’un hymne rageur sur un pays qui cherche à remporter la victoire dans une guerre où sa survie est en jeu tout en se tournant vers l’avenir. Son aspect clairement militariste et émotionnel survient après que d’autres chansons hip-hop sur la guerre, telles que « Harbu Darbu » (en argot, « Épées et Frappes ») du duo Ness Ve Stilla et « Horef ’23 » (« Hiver ’23 ») d’Odiah et Izi, sont devenues des succès retentissants.

Le 7 octobre, au petit matin, l’assaut du Hamas depuis Gaza vers le sud d’Israël a ravagé des communautés entières, dont le gigantesque festival de musique trance Supernova. Les terroristes ont tué près de 1 200 personnes au total et ont emporté de force 253 otages à Gaza. Israël a déclaré la guerre et a lancé un appel massif aux réservistes de Tsahal. En raison du conflit, des dizaines de milliers d’Israéliens ont été évacués des zones situées autour de Gaza et le long de la frontière nord du Liban, où le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah a engagé des hostilités en appui au Hamas.

Avec la guerre en cours et les bouleversements qui en résultent, en comparaison avec la musique des guerres précédentes d’Israël, « la différence la plus frappante est la rage ». « C’est quelque chose que nous n’avions jamais connu auparavant dans la musique israélienne en général », a expliqué l’auteur Yossi Klein Halevi, chercheur à l’Institut Shalom Hartman de Jérusalem.

Au sujet du moment présent, Klein Halevi a dit « aimer cette musique. J’aime sa rage et son authenticité. Elle donne une véritable perspective sur ce que vivent les jeunes. J’ai l’impression que ce qui se passe dans cette guerre, c’est que le rap israélien est arrivé à maturité. »

Klein Halevi, auteur prolifique sur la société israélienne et contributeur pour le Times of Israël, a dit être quelqu’un « qui passe trop de temps à écouter de la musique israélienne » et a noté que la colère « de renommée mondiale » exprimée par la communauté hip-hop israélienne n’est qu’une facette de l’environnement musical actuel.

La récente sortie en février du chanteur populaire Benaia Barabi, « Bein Hanahar Layam » (« De la rivière à la mer »), est « une belle chanson d’amour adressée à la Terre d’Israël et au peuple d’Israël », a indiqué Klein Halevi.

Ce titre est un exemple récent, influencé par l’Orient, d’un ancien genre sioniste hébraïque de chansons et de poèmes faisant l’éloge de la Terre d’Israël, et démontre « une continuité sans faille du genre, et montre comment il peut s’adapter à de nouveaux goûts musicaux », a précisé Klein Halevi.

À la fin du mois d’octobre, le chanteur orthodoxe Hanan Ben Ari avait déjà sorti un titre populaire, « Moledet » (« Patrie »), un autre titre du même genre, a noté Klein Halevi.

La phrase en hébreu « Eïn li makom aher » (« Je n’ai pas d’autre endroit ») est devenue un leitmotiv dans de nombreuses chansons.

« Cette phrase renferme tant d’anxiété », a noté Klein Halevi. « Que vais-je faire si l’État échoue ? Nous avons perdu Israël le 7 octobre, nous avons échoué et nous essayons de le reconquérir. Voilà l’enjeu de la guerre. »

La chanson « Shir Shel Noam 2 » (« Le chant de Noam 2 ») du rappeur Maor Ashkenazi est un exemple frappant de l’esprit du temps. Le morceau, sorti en novembre, met en scène Noam Cohen, un survivant du massacre du Festival Supernova. La vidéo présente une reconstitution de l’expérience éprouvante vécue par Cohen le 7 octobre, rappée par Ashkenazi au son d’une guitare mélancolique et un rythme minimaliste, et énumère les noms de plusieurs amis de Cohen qui n’ont pas survécu.

Dans « Shir Shel Noam 2 », on entend le chanteur dire « Je n’ai pas d’endroit où courir/J’entends les explosions/Je suis plein de sang/Je me suis échappé par chance/La plupart de mon corps a survécu/Mais mon esprit est toujours là-bas ».

Ces paroles témoignent de « l’extériorisation et de la régulation des émotions », une fonction « très importante » de la musique populaire, selon le Dr. Avi Bar Eitan, maître de conférences au département de musique de l’université Bar Ilan et spécialiste de la musique populaire israélienne.

Les chansons actuelles « créent un espace » pour aborder « toutes les questions liées aux sentiments et à la gamme très large d’émotions » que les gens traversent, a expliqué Bar Eitan. « La peur, le post-traumatisme, les difficultés, la guerre (…) tout cela fait désormais partie de ces chansons. »

Parmi les morceaux les plus émouvants, nombreux sont ceux qui établissent un lien direct ou rendent hommage à des personnes touchées par les événements actuels. L’un des principaux sujets abordés est le rapatriement des otages retenus à Gaza, ce qui fait de ces chansons « un vecteur émotionnel, mais aussi politique. La musique est un moyen de donner un pouvoir aux otages », a noté Bar Eitan.

Un exemple récent est « Eïn Li Makom » (« Je n’ai pas de place »), chantée par Alin Golan, 18 ans, la fille de la superstar Eyal Golan. Dédiée aux otages de Gaza, la vidéo montre Michal Lubnov, épouse de l’otage Alex Lubnov, enceinte, avec les mots « Papa reviens » écrits sur son ventre.

Le rockeur Aviv Geffen a également sorti un morceau qui lui est personnel : « Zeriha Shehora » (« Sombre lever de soleil »), une chanson pop inspirée des années 80. Ce titre met en scène la jeune chanteuse Mia Leimberg, qui a elle-même été otage à Gaza. Elle a été libérée au bout de 51 jours, lors d’une trêve fin novembre, en même temps que son chien Bella, qu’elle avait réussi à garder en vie pendant sa captivité.

Eyal Golan, qui malgré ses démêlés avec la justice est considéré par beaucoup comme le meilleur chanteur israélien dans le style pop-mizrahi (oriental), a composé plusieurs titres sur la guerre, dont l’hymne patriotique « Am Yisrael Chaï » (« Le peuple d’Israël vit »), sorti une semaine et demie seulement après le 7 octobre.

Ce type de chansons à caractère patriotique joue un rôle très important dans le renforcement de l’identité israélienne, de la cohésion de la société et du moral général, a expliqué Bar Eitan.

« Ce n’est pas pour rien que nous avons le slogan ‘Ensemble, nous vaincrons' », a-t-il noté, en référence à un slogan populaire omniprésent depuis le 7 octobre.

Comme lors des précédentes guerres, différentes chorales de l’armée israélienne ont publié des morceaux dans ce sens, parfois en collaboration avec des artistes de renom, comme la nouvelle version de la « Tefilat HaDerech » (« Prière du voyage ») de Yehoram Gaon. Ce morceau classique, inspiré de la prière juive traditionnelle, est ici réactualisé sous la forme d’un plaidoyer pour le retour en toute sécurité des soldats qui partent à la guerre.

Le sentiment de nostalgie qui imprègne le morceau est un autre facteur important dans ce que les gens écoutent en ce moment, a expliqué Bar Eitan. Certaines chansons plus anciennes, dont le message a touché une nouvelle corde sensible dans le climat actuel, sont revenues dans les listes de lecture populaires en ligne ou à la radio, comme « Habaïta » (« [On rentre] À la maison »), un titre datant de 2020 du groupe reggae-pop HaTikvah 6.

« Le retour à la maison » est un autre thème récurrent : une chanson rock plus ancienne et bien connue du même nom, « Habaïta », écrite en 1982 par Ehud Manor et Yair Klinger pendant la première Guerre du Liban, a été mise en scène en décembre à l’amphithéâtre de Césarée. L’événement, dédié aux otages israéliens à Gaza, a rassemblé 1 000 musiciens et membres des familles des otages.

Des artistes plus jeunes remixent ou actualisent également des morceaux plus anciens et plus percutants dans des styles plus contemporains, comme la version séfarade d’Omer Adam du tube classique des années 80 d’Ariel Zilber « Veeich Shelo » (« Et comment cela pourrait-il ne pas être le cas ? »). Omer Adam, en collaboration avec les légendes israéliennes de la musique trance Infected Mushroom, a également sorti « Tirkod Lanetzach » (« Danser pour toujours »), un titre au rythme endiablé dédié aux survivants de Supernova.

Depuis les dernières grandes guerres d’Israël – la Guerre de Kippour en 1973 et la première Guerre du Liban dans les années 1980 – l’ère du numérique et d’Internet a bouleversé la manière dont la musique est produite, diffusée et écoutée. Cela se reflète dans la nouvelle musique dont il est question ici, les morceaux étant souvent produits rapidement dans de petits studios informatisés et mis en vente presque instantanément sur diverses plates-formes internet et canaux de réseaux sociaux.

De nombreuses personnes ont des listes de lecture personnalisées sur Spotify ou YouTube, souvent créées par des algorithmes qui se basent sur les préférences des utilisateurs, et peuvent facilement écouter presque n’importe quoi, et pas seulement ce qui passe à la radio ou ce qui est sorti physiquement, comme c’était le cas dans le passé.

Les clips sont également plus faciles à produire aujourd’hui, et les images qui les accompagnent font partie intégrante du message et de la popularité d’une chanson. Presque toutes les vidéos des chansons liées à la guerre présentent des séquences et des images frappantes, souvent tirées d’images réelles des événements.

Israël a toujours eu un paysage musical dynamique, influencé par les différentes guerres que le pays a menées. Les nouvelles chansons « reflètent vraiment l’évolution de la musique israélienne » et, en raison de l’évolution contemporaine vers le rap et la production de musique par ordinateur, « il m’a fallu un peu de temps pour m’y retrouver, mais j’y suis parvenu », a souligné l’auteur Klein Halevi.

« Même si les chansons changent, il y a un sentiment de continuité organique d’une guerre à l’autre », a-t-il noté.

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