Les pluies stimulent la récolte de blé ; les agriculteurs n’en sont pas moins inquiets
Les averses des deux dernières semaines ont été bienvenues dans le grenier à blé du nord du Néguev, mais il faudrait que ça continue pour éviter une mauvaise récolte
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
De nombreux cultivateurs de cultures pluviales telles que le blé et l’orge se sont réjouis du temps pluvieux qui a arrosé une grande partie du pays au cours des deux dernières semaines.
Environ 110 000 hectares sont cultivés en blé en Israël chaque année, dont la moitié est utilisée pour le foin, principalement pour l’industrie laitière, et l’autre moitié pour les céréales et la paille, selon David Levy, directeur-général de l’Association israélienne des producteurs de grandes cultures. En outre, 5 000 hectares sont utilisés pour l’orge, qui résiste mieux à la sécheresse que le blé. L’orge est principalement utilisée pour l’alimentation animale.
Selon les données du Service météorologique israélien (IMS), plus de 700 millimètres d’eau sont tombée sur certaines régions du pays jusqu’à présent, cet automne et cet hiver – soit près du double de la moyenne saisonnière. Dans le Néguev occidental, une région connue comme le grenier à blé d’Israël, les totaux ont été plus faibles, mais ont tout de même frôlé les moyennes saisonnières, une grande partie de la pluie étant tombée au cours des dernières semaines.
« Il y a eu quelques inondations, mais les dégâts sont négligeables par rapport aux bénéfices », a déclaré Levy.
Environ 40 000 hectares de terres dans le sud d’Israël sont utilisés pour la culture du blé, dont 12 000 hectares se trouvent à moins de sept kilomètres de la frontière de Gaza, une zone largement évacuée à la suite de l’assaut du groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre.
Une grande partie de l’orge est également cultivée dans le Néguev.
Malgré les récentes pluies, les agriculteurs affirment qu’il faudrait que les averses se poursuivent au cours des deux prochains mois pour que la récolte soit vraiment bénéfique.
« Nous commençons à semer au début du mois de novembre », a expliqué Levy. « Les graines sont enfouies dans le sol et attendent la pluie. Nous avons maintenant besoin de pluie en février et surtout en mars, quand les graines [de blé] commenceront à se développer. Sinon, elles seront petites et ne seront pas dans un état optimum pour la mouture. »
Au kibboutz Negba, dans le nord du Néguev, à l’est d’Ashkelon, l’agriculteur Idan Kaufman, 49 ans, a déclaré que le blé cultivé par Negba en partenariat avec le moshav Masuot Yitzhak avait fière allure.
Du 1er août au 5 février, 351 millimètres de pluie sont tombés sur le kibboutz, soit 98 % de la moyenne pour la période correspondante. Plus de 40 % de ce total sont tombés depuis le 21 janvier, selon les données officielles. En moyenne 485 millimètres de pluie tombent par an sur le kibboutz.
« Nous avons manqué les premières pluies et le blé a germé autour du 20 décembre », a déclaré Kaufman. « Ensuite, il n’a pas fait trop chaud. Il y a eu de petites quantités de pluie, puis une grosse averse. Il y en aura probablement un peu plus dans quelques semaines, et en mars, il ne tombe généralement que quelques gouttes. »
Plus au sud, cependant, Yaniv Blushtein, 64 ans, du kibboutz Mishmar HaNegev, au nord-ouest de Beer Sheva, n’était pas aussi sûr.
En partenariat avec le kibboutz Beit Kama, Mishmar HaNegev cultive 2 000 hectares de blé et d’orge.
Seuls 90 millimètres de pluie sont tombés sur la région jusqu’à présent cette saison, soit une baisse de 28 % par rapport à la moyenne saisonnière, selon les relevés officiels de Beer Sheva.
Blushtein a déclaré que le kibboutz avait enregistré des chutes de pluies importantes jusqu’à présent cet hiver, bien qu’il ne soit tombé que 35 millimètres au cours des deux dernières semaines. En moyenne, le kibboutz reçoit 220 millimètres par an.
« Nous avons semé en novembre, il y a eu un peu de pluie, les graines ont germé, puis les plantes [alimentées par la pluie] ont jauni », a déclaré Blushtein. « La pluie des quinze derniers jours les a ramenées à la vie. Il y a des dégâts, mais nous devons en évaluer l’ampleur. Aucune pluie n’est prévue pour les dix prochains jours. »
Le kibboutz irrigue environ la moitié de son blé avec ce qui reste de l’arrosage des autres cultures. Il utilise un mélange d’eau potable, d’eau traitée et recyclée provenant de Shafdan, une station d’épuration située dans le centre d’Israël, et d’eaux usées recyclées provenant de la ville bédouine voisine de Rahat, qui sont stockées dans un réservoir situé à proximité.
« L’année ne sera probablement pas bonne », a indiqué Blushtein. « L’hiver n’a pas bien commencé. Il a été chaud. Nous ne savons pas où cela va nous mener. L’incertitude fait partie de la culture des champs. »
Le dérèglement climatique se traduisant par des hivers plus chauds, une diminution des précipitations et des périodes de fortes pluies plus concentrées lorsqu’il y a des averses, les agriculteurs se demandent ce qui les attend au cours des mois et des années à venir.
Israël importe un million de tonnes de blé chaque année et en produit 100 000 à 150 000 tonnes localement, selon Levy. Cette année, la culture devrait être encore plus réduite en raison de l’assaut du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre, au cours duquel les communautés agricoles israéliennes proches de la frontière de Gaza ont été brutalement attaquées, avec environ 1 200 personnes tuées et 253 autres enlevées.
L’un des principaux facteurs limitant la culture du blé en Israël est l’accès à l’eau, en particulier dans les régions sèches comme le Néguev et la vallée du Jourdain. Si les agriculteurs pouvaient arroser leurs champs à un prix abordable, « nous pourrions probablement doubler la production de céréales dans le pays », a souligné Levy.
Selon Blushtein, de plus grandes quantités d’eau, un réseau de distribution élargi et des prix de l’eau plus bas (un mètre cube coûte actuellement 1,40 shekels) seraient nécessaires pour cultiver des céréales à mesure que le climat se réchauffe.
Par ailleurs, les scientifiques du Centre national israélien de recherche et de développement agricoles, Volcani, créent des variétés de céréales plus résistantes à la sécheresse, tout comme les sociétés commerciales de semences israéliennes telles que Hazera Seeds et Agridera Seeds.
« La population mondiale augmente, la situation climatique ne s’améliore pas, la quantité de terres arables sur lesquelles le blé peut être cultivé est limitée, et la question des produits agricoles de base, et du blé en particulier, deviendra un problème au cours des deux ou trois prochaines décennies », a ajouté Levy.
Levy a fait remarquer que la culture locale du blé était essentielle pour la sécurité alimentaire du pays, ajoutant que la réduction des importations permettrait également de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au transport des denrées alimentaires, ainsi que le fait que la majeure partie du blé provenait de Russie.
« Nous soutenons [le président russe Vladimir] Poutine », a-t-il déclaré.
« C’est insensé. »
« Nous pouvons être boycottés, il peut y avoir une guerre et les ports peuvent être fermés », a poursuivi Levy.
« Penser que tout peut être réglé par les importations n’a aucun sens. »