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Les procureurs retirent des preuves judiciaires obtenues par Pegasus, une première

Un réexamen a établi que les enquêteurs avaient illicitement extrait des données de l'ordinateur d'un suspect dans une affaire de meurtre

Illustration : Un homme tapant sur un clavier d'ordinateur, le 24 janvier 2017. (Crédit : Flash90)
Illustration : Un homme tapant sur un clavier d'ordinateur, le 24 janvier 2017. (Crédit : Flash90)

Les procureurs de l’État ont informé le tribunal de Haïfa lundi qu’ils allaient retirer certaines preuves figurant dans le dossier d’une affaire de meurtre parce qu’elles avaient été obtenues illégalement par la police à l’aide d’un logiciel espion.

Bien que la police ait reçu une ordonnance du tribunal autorisant des écoutes dans l’affaire, l’utilisation finale du logiciel a dépassé les limites de l’ordonnance, ont déclaré les procureurs.

C’est la première fois que des preuves obtenues illégalement à l’aide d’un logiciel espion sont utilisées dans une affaire depuis que la police a commencé à s’intéresser à l’utilisation de méthodes de surveillance controversées – notamment au fameux logiciel Pegasus du groupe NSO, qui avait été accusé d’abus dans les médias.

Toutefois, les procureurs ont déclaré que les charges retenues contre le suspect seraient maintenues, car il reste suffisamment de preuves pour obtenir une condamnation.

Les avocats de la défense ont été informés de l’évolution du dossier.

L’infraction policière avait été révélée lors de l’examen, par la cyber-unité du ministère public, d’une affaire impliquant trois habitants de la ville de Tulkarem, en Cisjordanie, qui sont accusés d’avoir assassiné deux frères arabes israéliens en avril 2021.

Shafa Abu Hussein et son frère Salah, tous deux âgés d’une vingtaine d’années, avaient été abattus dans leur véhicule lors d’une fusillade à Tulkarem. Ils étaient tous les deux originaires de la ville arabe israélienne de Baqa al-Gharbiya.

Si la police avait été autorisée à mettre sur écoute les communications entre les ordinateurs appartenant à l’un des suspects dans cette affaire – un suspect qui n’a pas été inculpé – elle avait également extrait des données de l’ordinateur, ce qui n’était pas permis dans le cadre de l’ordonnance du tribunal.

« Les mêmes moyens ont servi à effectuer des actions équivalant à une recherche secrète (copier des informations stockées sur l’appareil), ce qui va bien au-delà des actions de mise sur écoute », ont déclaré les procureurs.

C’est sur la base des informations obtenues que la police avait reçu une autre ordonnance du tribunal qui lui permettait de mener une enquête plus approfondie. Elle avait pu recueillir des preuves supplémentaires qui ont été utilisées dans le dossier et qui ont été présentées au tribunal.

Les conclusions de l’examen de la cyber-unité ont été remises au procureur Amit Aisman, qui a ordonné le retrait des preuves ainsi obtenues.

Amit Aisman prenant la parole lors d’une cérémonie au ministère de la Justice, à Jérusalem, le 28 juin 2021. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Annonçant leur décision, les procureurs ont noté que depuis février 2022, le bureau du procureur de l’État avait examiné 27 cas « dans lesquels des moyens ont été utilisés pour écouter les communications entre ordinateurs, ce qui inclut une intrusion dans les appareils ».

Les enquêtes menées jusqu’à présent ont révélé que, bien que les enquêteurs « aient recueilli des informations abusives, dépassant les limites de ce qui est autorisé dans le cadre des écoutes téléphoniques », aucune preuve ni aucun renseignement n’avait été utilisé à partir des contenus qui franchissaient les limites autorisées.

« Il s’agit de la première affaire dans laquelle l’utilisation à des fins de preuve d’informations abusives qui ont été recueillies illégalement, dans le cadre de l’utilisation d’un outil d’espionnage, a été révélée », a déclaré l’accusation.

Le mois dernier, la commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset a annoncé qu’elle créerait une sous-commission chargée d’enquêter sur l’utilisation par la police du logiciel d’écoute Pegasus, de fabrication israélienne, pour espionner les citoyens israéliens en piratant leurs téléphones.

Selon des accusations persistantes, la police aurait eu accès à une version édulcorée de Pegasus, connue sous le nom de Saifan, qui lui permettait d’accéder aux téléphones des Israéliens, et notamment d’écouter secrètement leurs conversations.

Le logo du NSO Group sur un smartphone placé sur un clavier. (Crédit : Mundissima/Alamy)

Début 2022, le journal Calcalist avait rapporté, sans fournir de preuves ni citer de sources, que des dizaines de personnalités israéliennes de premier plan – dont d’anciens directeurs de ministères, des personnalités du monde des affaires, des membres de la famille et des associés du Premier ministre Benjamin Netanyahu – avaient été espionnées par la police à l’aide du logiciel espion Pegasus du groupe NSO, sans aucun contrôle judiciaire.

Les enquêtes menées par la police et un rapport d’enquête du procureur général adjoint Amit Marari ont révélé que les informations fournies par Calcalist étaient largement erronées, aucune des 26 personnes prétendument piratées n’ayant en fait été ciblée par la police.

Néanmoins, le rapport d’enquête a noté que la police avait dépassé les limites de ses mandats de mission pour pirater des téléphones à quatre reprises, et qu’elle avait donc pu obtenir des informations auxquelles elle n’avait pas légalement accès.

Dans ces quatre cas, le rapport Marari avait noté que la police avait tenté en vain de pirater un téléphone, sans obtenir aucune information à l’issue de cette tentative. Dans deux de ces cas, la police disposait d’un mandat lui permettant de pirater et d’enregistrer secrètement des appels téléphoniques, mais pas de pirater des communications numériques ; dans un troisième cas, l’opération avait été menée peu après l’expiration du mandat ; et dans le quatrième cas, la police croyait disposer d’un mandat avant de découvrir, par la suite, qu’elle n’en avait pas.

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