Les propos d’un cinéaste israélien en Inde condamnés par l’ambassadeur israélien
Selon Naor Gilon, Nadav Lapid devrait avoir "honte" de son manque de tact au festival de cinéma en Inde où il a qualifié le film "The Kashmir Files" de "vulgaire propagande"
L’ambassadeur d’Israël en Inde, Naor Gilon, a fustigé un cinéaste israélien mardi, après que ce dernier a provoqué une controverse la veille en qualifiant de « vulgaire propagande » un film indien populaire sur l’exode, dans les années 1990, des Hindous du Cachemire de la région administrée par l’Inde.
À l’issue du 53e Festival international du film de l’Inde (IFFI), lundi, le réalisateur Nadav Lapid, qui présidait le jury de l’événement, s’est dit surpris de voir figurer dans la compétition le film « The Kashmir Files », du producteur indien Vivek Agnihotri.
Les réalisateurs ont déclaré que ce film exposait ce qu’ils considèrent comme un « génocide » des Hindous de la région et l’ont comparé au film hollywoodien sur la Shoah « La liste de Schindler ». Mais de nombreux critiques, et parmi eux, certains des plus grands réalisateurs de Bollywood, ont jugé que le film était provocateur, plein d’inexactitudes factuelles et source de discorde.
S’exprimant au nom du jury, Lapid a déclaré lors de la cérémonie de clôture de l’événement que 14 des 15 films présentés dans le cadre du festival « avaient suscité des discussions animées », mais il a ajouté que « nous avons tous été troublés et choqués » de voir « The Kashmir Files » inclus dans l’événement.
« Il nous a fait penser à un film de propagande vulgaire, et était inapproprié au sein de la section artistique et compétitive d’un festival de films aussi prestigieux », a-t-il déclaré.
Lapid a affirmé se sentir « totalement à l’aise de partager ces sentiments » sur scène, « puisque le sentiment général ressenti lors de ce festival est que toutes les discussions critiques sont acceptables, chose essentielle pour l’art et pour la vie. »
Shocking! IFFI jury head Nadav Lapid, an Israeli filmmaker, quoted the block bluster film The Kashmir Files as “vulgar propaganda” from the stage. What a blunder by @MIB_India picking such an idiot who outrightly humiliated the emotions of Kashmiri Pundits.
1/ pic.twitter.com/Om2r5By5Xu— The Hawk Eye (@thehawkeyex) November 28, 2022
Mais pas tout le monde n’était aussi à l’aise avec les propos critiques de Lapid.
Mardi, Gilon a tweeté à l’adresse de Lapid : « VOUS DEVRIEZ AVOIR HONTE. »
« Dans la culture indienne, un invité est comme Dieu. Vous avez abusé de la pire des manières de l’invitation indienne à présider le jury du @IFFIGoa ainsi que de la confiance, du respect et de la chaleureuse hospitalité qu’ils vous ont accordés », a écrit l’envoyé israélien.
« Je ne suis pas un expert en cinéma, mais je sais que parler d’événements historiques avant de les avoir étudiés en profondeur relève d’un manque de tact et d’une certaine présomption. Ces événements sont une plaie ouverte en Inde, car de nombreuses personnes impliquées sont toujours là et paient encore le prix fort », a ajouté Gilon.
Se déroulant en grande partie à la fin des années 1980 et au début des années 1990, lorsque les attaques et les menaces des militants ont entraîné l’exode de la plupart des Hindous de la région contestée à majorité musulmane du Cachemire, « The Kashmir Files » est sorti en mars, remportant un franc succès. De nombreux critiques de cinéma et des musulmans du Cachemire ont déclaré que le film n’était qu’une propagande haineuse, mais pour les fans et les défenseurs du film, qui comptent parmi eux de nombreux ministres du gouvernement fédéral indien, c’est un témoignage essentiel de la situation critique des Hindous du Cachemire, appelés localement Pandits.
Agnihotri, qui a écrit et réalisé « The Kashmir Files », a déclaré dans un tweet que « la vérité est la chose la plus dangereuse. Elle peut faire mentir les gens », dans une réponse apparente aux remarques de Lapid.
Dans un autre tweet, le cinéaste indien a écrit : « Les partisans du terrorisme et les négationnistes du génocide ne pourront jamais me faire taire. »
L’acteur de « The Kashmir Files », Anupam Kher, a qualifié la critique du film de « planifiée à l’avance ».
« Si la Shoah est justifiée, alors l’exode des Pandits du Cachemire l’est aussi », a déclaré Kher dans une vidéo publiée sur Twitter.
Le jury du festival a pris ses distances par rapport aux remarques de Lapid, les qualifiant « d’opinion personnelle ». Réalisateur de renommée internationale, les films de Lapid « Synonymes » et « Le Genou d’Ahed » ont remporté des prix dans les plus grands festivals.
La grande majorité des habitants de la région du Cachemire – une zone divisée entre l’Inde, le Pakistan et la Chine – s’identifient comme musulmans. La vallée du Cachemire, une région contrôlée par l’Inde depuis 1947, fait l’objet d’un conflit permanent entre l’Inde et le Pakistan.
Des rebelles musulmans luttent contre le contrôle indien dans la région depuis 1989. La plupart des Cachemiris soutiennent la demande des rebelles de réunifier le territoire, soit sous la domination pakistanaise, soit en tant que pays indépendant.
Selon les données officielles, plus de 200 Hindous du Cachemire auraient été tués au cours des trente dernières années du conflit dans la région. Certains groupes hindous estiment que ce chiffre est beaucoup plus élevé. Les musulmans de la région contestent les accusations selon lesquelles les Hindous ont fait l’objet d’attaques systématiques.