Les protestations en Israël s’intensifient, et risquent de dégénérer
Le clip du manifestant dont la tête est visée par un canon à eau n'est qu'un exemple du risque qu'un affrontement se transforme, en un instant, en quelque chose de dévastateur
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Le mélange de protestations devant la résidence officielle du Premier ministre devient de plus en plus inflammable.
Un groupe largement ignoré d’activistes vétérans qui ont campé pendant des années pour exiger la démission de Benjamin Netanyahu a été rejoint, puis éclipsé, ces dernières semaines par des milliers et des milliers de jeunes Israéliens pour la plupart.
Les protestations – une occasion presque unique pour créer des contacts au sein d’un grand rassemblement, maintenant que d’autres rassemblements sont restreints ou interdits – ont été initialement alimentées par des entrepreneurs indépendants, des propriétaires de petites entreprises, divers secteurs de la population active en grève et d’autres personnes profondément affectées par les conséquences économiques de la lutte d’Israël contre la COVID-19, et furieuses que le gouvernement ne les aide pas financièrement.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
Mais aujourd’hui, elles sont devenues une sorte d’expression collective, non ciblée, de frustration et de désespoir, incarnée et saluée par des milliers d’habitants de Jérusalem, principalement laïcs, étudiants et autres, âgés de 20 à 30 ans. La grande majorité des participants, pendant l’écrasante durée des rassemblements, ont fait preuve d’une bonne humeur et d’un esprit de paix, bien qu’extrêmement bruyant, avec une minorité violente et une poignée d’extrémistes politiques d’extrême gauche qui ont fait la une des journaux.
Des rassemblements beaucoup plus restreints de militants pro-Netanyahu se sont opposés à eux et ont été tenus à l’écart, certains d’entre eux lançant des slogans virulents de l’autre côté – notamment un groupe qui, jeudi, a chanté les louanges d’Yigal Amir, l’assassin du Premier ministre Yitzhak Rabin – et, dans plusieurs cas signalés à la fin des manifestations de jeudi, ont agressé la foule qui se dispersait.
Chargée d’assurer le droit de manifester et de maintenir l’ordre, la police se déploie en grand nombre, faisant parfois appel à des officiers à cheval et, de plus en plus souvent, utilisant des canons à eau.
Jeudi soir, deux journalistes du Times of Israel présents sur les lieux ont rapporté que les tactiques de la police rendaient en fait la dispersion des manifestants plus difficile, car ils étaient pris en étau entre les policiers à cheval et les tirs de plus en plus fréquents des canons à eau.
Amir Ohana, le ministre israélien de la Sécurité publique – un loyaliste convaincu choisi par Netanyahu – aurait, mercredi, exhorté les hauts responsables de la police à repousser les manifestations dans un parc voisin ou à les interdire complètement, en invoquant les ravages qu’elles causaient aux résidents locaux, et on lui aurait dit que ce serait illégal.
Il aurait également laissé entendre que les forces de l’ordre étaient trop indulgentes envers les manifestants, demandant au chef de la police par intérim Motti Cohen : « Si cette manifestation était le fait d’ultra-orthodoxes, d’Arabes ou d’Éthiopiens, auriez-vous agi de la même
manière ? » Les trois groupes qu’il aurait cités ont en commun l’allégation selon laquelle la police a parfois fait un usage excessif de la force pour disperser leurs manifestations.
Pour sa part, Netanyahu a déclaré jeudi aux manifestants : « N’entraînez pas l’État dans l’anarchie, la violence et la destruction des biens. Ne l’entraînez pas dans des attaques contre la police, ils font leur travail ».
Israël ne connaît que trop bien les défis et les dangers lorsque les passions publiques sont intenses lors d’événements de masse, et que la sécurité est défaillante. Emil Grunzweig, enseignant, militant pour la paix, officier de réserve et père de famille, a été tué par une grenade lancée par un militant de droite lors d’un rassemblement de La Paix Maintenant qui s’est tenu à Jérusalem le 10 février 1983, alors que le cabinet israélien discutait des conclusions d’une commission d’enquête sur le massacre de Sabra et Chatila pendant la guerre du Liban. Rabin a été abattu à bout portant par Amir à l’issue d’un rassemblement pour la paix organisé le 4 novembre 1995 à Tel Aviv.
לכל מי שתהו איך קרה שהאנשים ששכבו בצידי המדרכות התעלפו מהמכתזית – הנה התשובה: pic.twitter.com/GODAWYLvGO
— Achiya Schatz (@schatzah) July 24, 2020
Manifestation après manifestation, l’intensité des protestations à Jérusalem augmente. Un clip vidéo dans lequel la tête d’un manifestant est littéralement renversée par la pression des tirs de canons à eau cette semaine n’est qu’une illustration du potentiel des affrontements et de la confrontation à se transformer, en un clin d’œil, en quelque chose de bien plus dévastateur.
Les dirigeants élus d’Israël, ses forces de l’ordre et les organisateurs des manifestations ont la responsabilité commune et urgente de se tenir à l’écart du danger.
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel