L’esprit sportif du monde arabe s’arrête à Israël
Le refus des Emirats arabes unis de jouer l'hymne pour saluer la victoire du judoka israélien médaillé d'or est le dernier exemple en date d'un état sunnite qui se sera donné du mal pour sembler boycotter un pays dont tout le monde sait qu'il coopère avec l'Etat juif
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Le mois dernier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a certifié que les relations d’Israël avec le monde arabe n’avaient jamais été aussi bonnes.
« Il y a une coopération sous formes diverses, à des niveaux variés, mais elle ne s’affiche pas encore ouvertement. Mais ce qui ne s’affiche pas encore ouvertement est bien plus important que ce qui a pu exister à n’importe quel autre moment de l’histoire israélienne. C’est un changement majeur », s’est-il épanché.
En effet, il y a eu beaucoup de coopération sécuritaire et de partage de renseignements depuis qu’Israël et les régimes arabes pragmatiques se sont découvert des ennemis communs dans l’Iran et les islamistes sunnites radicaux. Mais alors même que Netanyahu invoque souvent ces collaborations, ses partenaires arabes insistent sur leur caractère top secret.
Actuellement, les pays arabes refusent de reconnaître l’Etat d’Israël et rejettent toute manifestation de collaboration avec l’entité sioniste – sans exception, sans courtoisie élémentaire, sans fair play.
C’est pour cela que jeudi, lorsqu’un athlète israélien a remporté la médaille d’or lors d’un tournoi de judo à Abu Dhabi, capitale des Emirats arabes unis, l’hymne n’a pas été joué et les couleurs israéliennes n’ont pas été hissées. En effet, en raison du boycott d’Israël par les Emirats, les judokas israéliens dans le tournoi se sont illustrés sous le « drapeau » de la Fédération internationale de judo (FIJ).
Après que le natif de Herzliyah Tal Flicker l’a emporté face à Nijat Shikhalizada d’Azerbaïdjan, s’adjugeant la médaille d’or, c’est « l’hymne national de la fédération internationale de judo » qui a retenti dans la salle. Pour sa part, Flicker a articulé silencieusement son propre chant, « Hatikvah », éveillant un sentiment de fierté chez ses compatriotes israéliens.
« La fédération internationale de judo est en deuxième place avec une médaille d’or et une médaille de bronze », a indiqué le site de la fédération de judo jeudi soir, de manière risible, se référant à Israël.
La responsabilité de cette situation absurde ne revient pas à la fédération de judo internationale. Avant le tournoi, le président de l’organisation, Marius Vizer, avait envoyé une lettre au président de la fédération des EAU Mohamed Bin Thalub condamnant cette discrimination attendue contre l’équipe israélienne et demandant qu’elle soit traitée « absolument à égalité sous tous les aspects, sans exception ».
Ce plaidoyer n’aura servi à rien.
Même si les règles appliquées par les Emirats étaient connues de tous avant même le début du tournoi, les responsables israéliens se sont montrés véhéments après l’incident de jeudi.
« C’est un affichage répugnant d’hypocrisie contre l’esprit même du sport », s’est exclamé le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Emmanuel Nahshon auprès du Times of Israel.
« C’est un scandale. Honteux », a-t-il ajouté sur Twitter.
« Cela déshonore l’esprit sportif », a tweeté l’ambassade israélienne à Washington.
Israeli judoka Tal Flicker won a gold medal at #JudoAbuDhabi2017! No Israeli anthem or flag. A disgrace to the spirit of sports. pic.twitter.com/XiP1YrwBms
— Embassy of Israel to the USA (@IsraelinUSA) October 26, 2017
« Au vu du statut d’Israël qui ne cesse de s’élever dans le monde arabe, il est regrettable et méprisable que l’hymne israélien n’ait pas été joué », a indiqué la vice-ministre des Affaires étrangères Tzipi Hotovely. « Il est temps que les états arabes comprennent qui sont leurs amis dans le monde et qui sont leurs ennemis ».
Les discriminations pratiquées par les états arabes à l’encontre des athlètes israéliens ne sont pas une nouveauté. En 2009, les EAU ont refusé un visa à Shahar Peer, menant la fédération internationale de tennis à donner aux organisateurs du tournoi à Dubaï une amende record de 300 000 dollars.
L’année dernière, le judoka égyptien Islam El Shahaby a refusé de serrer la main à son adversaire israélien, Or Sasson, lorsque ce dernier l’a vaincu lors des jeux Olympiques de Rio. El Shahaby a fait l’objet d’une « réprimande sévère » de la part du comité olympique international.
Alors que les athlètes israéliens s’illustrent de plus en plus sur les podiums, il sera intéressant de voir si les pays arabes seront encore en mesure de conserver leur politique d’interdiction des symboles nationaux israéliens sur leurs territoires. Peut-être que le ridicule de l’incident survenu jeudi, combiné à l’indignation internationale croissante face à une discrimination semblable et telle qu’elle a eu lieu, aidera à faire changer les choses.
La devise de cette journée mondiale du judo, qui a lieu samedi 27 octobre, dernière journée du Grand chelem d’Abu Dhabi, est « courage ». Les gouvernants d’Abu Dhabi en auront singulièrement manqué.