Lev Tahor : Enfants et adultes séparés lors du raid, par crainte de représailles
Un ancien agent du Mossad, qui a participé à l'opération, a salué la conduite de la police mexicaine tout en notant que les membres de la secte ne s'étaient pas laissés faire
Les autorités ont séparé les jeunes enfants des adultes membres de la secte juive extrémiste Lev Tahor, lors du raid mené vendredi au Mexique, par crainte que leur vie ne soit mise en danger par d’autres membres, selon des informations rapportées mardi.
Les forces de l’ordre mexicaines ont arrêté plus d’une vingtaine de personnes lors du raid de vendredi qui a été mené dans la ville de Tapachula, dans le sud-est du Mexique. L’opération a été approuvée suite à une enquête menée par les autorités mexicaines qui ont trouvé des preuves de l’implication de membres de la secte dans la traite d’êtres humains, de viol, de trafic de drogue et d’autres infractions graves.
Une équipe israélienne, engagée par des parents de certains des membres de la secte, est venue sur place, ainsi que le consul israélien Lior Batzov, qui a été envoyé pour s’assurer que les membres de la secte soient traités avec décence et que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents, a rapporté le ministère des Affaires étrangères.
Toutefois, citant une source israélienne, la BBC a rapporté que les enfants ont été rapidement isolés des autres membres de la secte, notant que des hommes et des femmes d’une unité d’élite de la police mexicaine ont pris part au raid en raison de la présence de femmes et d’enfants dans l’enceinte.
« Les autorités mexicaines ont fait leur devoir de la meilleure façon possible », a déclaré la source, soulignant qu’elles ont agi « avec beaucoup de précaution et sans recourir à aucune violence ».
L’ancien agent du Mossad Danny Limor, qui a participé à l’opération, a également salué la conduite de la police mexicaine tout en notant que les membres de la secte n’ont pas quitté l’enceinte de leur plein gré.
« Les membres de la secte n’ont bien sûr pas accepté d’être arrêtés et ne se sont pas laissés faire », a-t-il déclaré au site d’information Ynet. « Nous n’avons pas été bien accueillis. »
A migrant from the Orthodox Jewish community Lev Tahor interacts with a Mexican National Guard while demanding the release of members of their community outside a SDIF facility, in Huixtla, Mexico, 27 September 2022.
???? epa/EFE/Juan Manuel Blanco#Mexico #epaimages #epaphotos pic.twitter.com/mOtbw2UF0p— EPA Images (@EPA_Images) September 28, 2022
Limor a exprimé l’espoir que certains des membres de la secte accepteraient de retourner dans leur famille en Israël après avoir pris conscience du « comportement horrible » que les dirigeants de Lev Tahor leur ont imposé. Il a toutefois noté que de petits groupes continuaient d’exister au Guatemala, et ailleurs.
« Il s’agit, cependant, d’un coup très fort. Maintenant que les membres de la secte sont dispersés et que leur leadership est terminé, Lev Tavor s’affaiblit », a-t-il déclaré.
Le ministère des Affaires étrangères a indiqué dans un communiqué que 26 membres de la secte avaient été arrêtés par les autorités mexicaines, dont deux de ses dirigeants. Certains des membres risquent jusqu’à 20 ans de prison s’ils sont reconnus coupables par un tribunal mexicain.
Un responsable des forces de l’ordre de l’État, qui n’était pas autorisé à parler publiquement de l’affaire, a déclaré que l’un des dirigeants du groupe, Menachem Endel Alter, avait été arrêté.
Deux membres de la secte, recherchés par la police locale, ne se trouvaient pas dans l’enceinte de l’établissement au moment du raid et seraient partis deux jours plus tôt. Cinq autres membres ont été emmenés dans un centre de rétention administrative et devraient être expulsés du Mexique dans les prochains jours.
Le reste du groupe, qui détient des passeports israéliens, a jusqu’à présent refusé de retourner en Israël. Le ministère des Affaires étrangères a déclaré qu’il pensait que le Mexique accepterait d’expulser le groupe vers Israël, mais il a souligné qu’il tenterait d’éviter une confrontation violente et qu’il continuerait à essayer de convaincre les membres de la secte de rentrer en Israël de leur plein gré.
Au cours du raid, la police mexicaine a sauvé le fils – âgé de 3 ans – d’Israël Amir, un ancien membre de la secte qui a essayé de récupérer son enfant depuis qu’il s’en était échappé, il y a trois ans. Ils ont finalement été réunis au cours du week-end et ont atterri mardi à l’aéroport Ben Gurion.
« Maintenant, je peux commencer à construire ma nouvelle vie de jeune père en Israël », a déclaré Amir dans une interview accordée à Uvda, une célèbre émission israélienne d’investigation et d’actualité de la Douzième chaîne.
בנו הקטן של ישראל עמיר, צעיר שברח מכת "לב טהור" – הושב לזרועותיו בעקבות הפשיטה במקסיקו, והם נחתו בארץ pic.twitter.com/673mM6Brxr
— ynet עדכוני (@ynetalerts) September 27, 2022
La secte ultra-orthodoxe extrémiste a été fondée par le rabbin Shlomo Helbrans à Jérusalem dans les années 1980. Le groupe s’est enfui au Canada puis au Guatemala en 2014 après avoir fait l’objet d’une surveillance intense de la part des autorités canadiennes pour des allégations de maltraitance et de mariage forcé d’enfants. Le plus jeune des Helbrans a pris les rênes du groupe en 2017, quand son père s’est noyé au Mexique dans des circonstances mystérieuses.
Un groupe d’opposition, Lev Tahor Survivors, a évalué le nombre de membres de la secte entre 300 et 350 personnes.
Le groupe a été décrit comme une secte et est souvent surnommé les « Talibans juifs », car les femmes et les filles de plus de trois ans doivent porter de longues robes noires qui couvrent l’ensemble de leur corps, ne laissant que leur visage exposé. Les hommes passent la plupart de leurs journées à prier et à étudier des portions spécifiques de la Torah. Le groupe adhère à une lecture extrême et idiosyncrasique des lois alimentaires de la casheroute.
Au début du mois, trois membres de la secte ont été condamnés par un tribunal fédéral américain pour leur rôle dans un enlèvement en 2018, dans le cadre d’une affaire qui avait déjà conduit à l’éclatement du groupe et à l’emprisonnement de la plupart de ses dirigeants.