Levin qualifie le système actuel de sélection des juges « d’absurde » et de « biaisé »
Ces propos ont été tenus alors que la Knesset se prépare au second vote qui désignera le représentant qui sera appelé à siéger au sein de la commission de sélection des juges
Carrie Keller-Lynn est la correspondante politique et juridique du Times of Israël.
Le ministre de la Justice Yariv Levin a dénoncé mercredi la méthode actuelle qui permet de nommer les juges en Israël, dénonçant un processus « absurde » et « biaisé » et laissant entendre qu’il ne réunira pas la commission de sélection des juges avant que la coalition ne restructure le panel et son mode de fonctionnement.
Modifier la constitution de ce comité de manière à ce que les politiques en aient le contrôle est un élément qui se trouve au cœur du plan de refonte du système israélien avancé par Levin, un plan qui vise à limiter le pouvoir du système de la justice face à la potentielle toute-puissance des politiques.
S’exprimant à la tribune de la Knesset, le ministre de la Justice a qualifié la composition actuelle de la commission de « faussée », prétendant qu’elle entérine les intérêts libéraux sans pour autant refléter l’orientation politique du gouvernement.
« C’est une situation absurde, inacceptable qui doit absolument être corrigée », a-t-il dit.
Levin a prononcé ces paroles alors que l’opposition parlementaire exerce des pressions en faveur d’une réunion du panel – mais également quelques heures avant un vote, à la Knesset, sur une législation qui modifierait sa composition et une semaine avant un deuxième vote des députés qui permettra de désigner le représentant de la Knesset au sein du panel.
La première élection, le 14 juin, avait exacerbé la crise politique en ne sélectionnant qu’un des deux députés appelés à intégrer le panel.
C’est Karine Elharrar, élue sous l’étiquette Yesh Atid, qui avait été désignée après une tentative de la coalition de faire avorter le vote en réponse à la rébellion qui s’était déclarée dans son propre camp. Les formations de l’opposition avaient crié au scandale lorsqu’un représentant de la coalition n’avait pas été élu, accusant cette dernière d’avoir utilisé une ruse visant à retarder encore la convocation de la Commission.
Yesh Atid et HaMahane HaMamlahti, deux partis d’opposition, avaient alors gelé leur participation à des pourparlers dont l’objectif était de trouver un compromis dans le cadre de ce projet de refonte du système judiciaire, disant qu’ils n’accepteraient pas de négocier tant que la commission ne serait pas réunie et en capacité de mener à bien sa mission.
En réponse, la coalition a rapidement relancé un projet de loi prévoyant de limiter l’usage, par les juges, de la notion juridique de « raisonnabilité » lors de leur réexamen des décisions prises par les politiciens – le Premier ministre Benjamin Netanyahu confirmant que la coalition changerait le processus de nomination des magistrats pendant la session hivernale de la Knesset.
« Malheureusement, les factions d’opposition ont décidé de se retirer des pourparlers, les torpillant dans la foulée », avait dit Levin.
« Dans ces circonstances », avait-il ajouté, faisant référence à la fin des discussions de compromis sous l’égide du président israélien Isaac Herzog, « il est nécessaire de faire un amendement en ce qui concerne la commission et en fin de compte, j’en ai bon espoir, cela se fera également ».
Les députés occupent deux sièges au sein du panel formé de neuf membres et l’élection de la semaine prochaine désignera le second représentant du parlement – ce sera sans doute Yitzhak Kroizer, législateur d’extrême-droite du parti Otzma Yehudit.
Alors que la loi accordait 30 jours à la coalition pour organiser le nouveau vote permettant de nommer le second délégué du parlement au sein de la commission, cette dernière a repoussé au maximum l’échéance, même si l’élection de Kroizer figurait dans les promesses faites à Otzma Yehudit pendant les pourparlers de coalition, l’année dernière.
Avant l’échéance du dépôt des candidatures au scrutin, mercredi prochain, les partis d’opposition ont soumis les noms de députés de Yesh Atid aux côtés de Kroizer pour garantir que le vote aura un résultat et que la Knesset ne sera plus dans l’impasse pour convoquer le panel.
Des sources, au sein de l’opposition, ont expliqué qu’elles n’avaient pas la certitude que la coalition élirait son représentant la semaine prochaine, considérant cette dernière comme indigne de confiance. Elles ont ajouté qu’en présentant ses propres candidats, elle espère ainsi forcer la main au gouvernement lors de cette élection à bulletin secret, ce qui garantirait de ne plus retarder la convocation du panel.
Moshe Solomon, député de Hatzionout HaDatit, a aussi présenté sa candidature.
Toutefois, l’élection de Kroizer n’est pas le seul obstacle à franchir pour le panel.
Levin doit encore désigner un second ministre qui se trouvera à ses côtés au sein de la commission – la loi exige qu’il s’agisse de l’une des six femmes siégeant au sein du cabinet. Il n’a pas encore fait son choix.
La Cour suprême doit aussi choisir deux juges qui rejoindront dans le panel sa présidente, Esther Hayut.
La réponse apportée par Levin aux demandes soumises par l’opposition – qui le somme de désigner enfin les membres de la Commission et de réunir cette dernière – pourrait encore tarder davantage. L’Association du barreau israélien, par le biais de son Conseil national, ne sélectionnera ses deux délégués au panel que le 31 juillet, ce qui signifie qu’elle ne sera pas convoquée ce mois-ci.
« La commission de sélection des juges ne se réunira pas même si je pouvais le souhaiter moi-même », a dit Levin à la tribune de la Knesset.
Le parlement a fait avancer mercredi un projet de loi dépouillant l’Association du barreau d’une grande partie de ses pouvoirs – et potentiellement de ses sièges au sein de la commission de sélection judiciaire.
Même si le parrain du projet de loi, le député du Likud Hanoch Milwidsky, a indiqué à la plénière que le projet de loi ne priverait pas l’Association du barreau d’une représentation au sein de la commission de sélection judiciaire, la version qui a été avancée, mercredi, comprend une disposition prévoyant de priver les avocats de leurs sièges dans le panel.
Levin a aussi affirmé que si la commission devait se réunir, les six membres n’appartenant pas à la coalition feraient en sorte de neutraliser les trois délégués de la coalition, accusant la représentante de l’opposition de prévoir de s’allier aux magistrats et aux membres de l’Association du Barreau « pour travailler de concert et s’entendre au détriment des trois membres seulement de la même coalition qui a remporté la majorité des voix lors des élections ».
Une super-majorité de sept membres est nécessaire pour nommer des juges à la Cour suprême mais une majorité simple de cinq membres suffit à désigner les magistrats qui siègeront dans des tribunaux inférieurs.
Levin a estimé que, même s’il y avait des changements politiques en raison de la présence de gouvernements de droite ou de gauche se succédant à la barre du pays, la structure de la commission de sélection judiciaire restait « stable et constante », répétant une fois encore que les représentants du système judiciaire soutenaient des candidats « de gauche » aux postes de magistrats.
Levin avait déjà, dans le passé, estimé que la commission était « invalide » dans le cadre d’une démocratie et à huis-clos, il avait menacé de ne pas la convoquer sous sa forme actuelle.
Disant qu’il pensait que sa composition « n’est pas juste », Levin a ajouté que le panel de neuf membres rassemblant politiques et professionnels du système judiciaire « est composé d’une manière unique au monde – non pas en terme de division intérieure des pouvoirs entre les élus et les représentants de la profession – ou qui sont supposés l’être – et ce qui est devenu, avec le temps, les représentants d’une profession dont les positionnements politiques sont connus et clairement établis ».
Levin et les partisans du plan de refonte judiciaire dans son ensemble affirment que les politiques de droite ont été bloquées par des juges qu’ils considèrent comme outrageusement libéraux et intrusifs, et ils déclarent qu’une plus grande influence des politiques sur le processus des nominations permettra de diversifier la représentation.
Ses opposants, pour leur part, notent qu’une influence politique plus forte sur le choix des magistrats est une menace pour l’indépendance du système judiciaire tout entier.