L’extension de la loi sur l’État-nation fait débat
Adoptée mardi, la loi permet à plus de villes d'avoir recours à des commissions d'admission pour évaluer des "résidents-candidats" en fonction de leur compatibilité "socioculturelle"
La Knesset a élargi la portée de la loi controversée sur les « commissions d’admission » mardi soir, lors d’un vote décisif qui a uni la coalition de droite au pouvoir avec de nombreux députés de l’opposition.
Les commissions d’admission sont des groupes qui sélectionnent les résidents potentiels dans de petites communautés très unies, et qui ont toute latitude pour décider qui ils acceptent ou rejettent. Ces commissions peuvent rejeter des candidats en raison de leur manque ostensible de compatibilité avec le « tissu socio-culturel » d’une communauté.
Critiqués par les organisations de défense des droits de l’Homme comme une forme de discrimination en matière de logement à l’encontre des citoyens arabes d’Israël, les commissions d’admission existent depuis des décennies dans les kibboutzim et les moshavim, sous la direction de l’Autorité foncière israélienne.
La Knesset n’a officialisé leur rôle qu’en 2011, lorsqu’elle a adopté une loi stipulant que les localités du Néguev et de la Galilée comptant moins de 400 logements permanents sont autorisées à faire fonctionner des commissions d’admission.
La loi qui a été adoptée mardi augmente ce nombre à 700 logements permanents et permet aux commissions d’admission de fonctionner en dehors du Néguev et de la Galilée dans les villes désignées comme étant des « zones de priorité nationale » qui reçoivent des aides au logement et à l’infrastructure de la part du gouvernement.
Parrainé par les députés de droite Simcha Rothman (HaTzionout HaDatit), Sharren Haskel (HaMahane HaMamlahti) et Yitzhak Kreuzer (Otzma Yehudit), la loi a été adoptée par 42 voix contre 11.
Tous les députés présents des partis Hadash-Taal et Raam, ainsi que les députés Avoda Gilad Kariv et Naama Lazimi, ont voté contre le projet de loi.
Selon le porte-parole de Kreuzer, Elior Azran, la loi garantit qu’au bout de cinq ans, les villes comptant plus de 700 foyers permanents pourront mettre en place des commissions d’admission si elles sont approuvées par le ministre de l’Économie en tant que localités situées dans une zone de priorité nationale.
Azran soutient que l’introduction de commissions d’admission dans des villes un peu plus grandes garantira « la croissance de la communauté, mais aussi la protection du ’tissu unique’ de cette même communauté ».
Adalah, une organisation qui défend les intérêts des citoyens arabes d’Israël, a publié une réaction.
« Personne n’essaie de dissimuler l’objectif raciste de la loi, qui vise à poursuivre et à promouvoir les valeurs ancrées dans la loi sur l’État-nation juif afin d’établir et d’étendre les implantations juives. À chaque étape du processus législatif, y compris en présentant les opinions du personnel [de l’agence de sécurité intérieure] du Shin Bet, les membres de la Knesset ont souligné leur intention de promouvoir les mêmes valeurs nationalistes. »
L’organisation prévoit de déposer un recours auprès de la Haute Cour de justice contre cette loi. Bien que la Cour ait annulé des décisions spécifiques prises par des commissions d’admission dans le passé, elle confirme leur existence dans l’ensemble et a rejeté de nombreux recours contestant leur légalité.
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, président du parti Otzma Yehudit, a affirmé que la loi « renforcera le Néguev et la Galilée, renforcera la périphérie et apportera de grandes nouvelles à l’ensemble du peuple d’Israël ».
Cette loi est une fusion de deux projets de loi distincts. Le projet de loi initial – de Kreuzer – qui a fait l’objet d’une première lecture en juin, proposait que les localités comptant jusqu’à 1 000 foyers permanents, ainsi que les implantations de Cisjordanie, soient en mesure de gérer des commissions d’admission.
La question de savoir si les implantations de Cisjordanie sont autorisées à gérer des commissions d’admission n’est pas soulevée dans la loi, mais nombre d’entre elles le font de toute façon sous la protection juridique d’une ordonnance militaire de 2019.
Le député Ofer Cassif (Hadash) a déclaré lors du débat sur le projet de loi à la Knesset qu’en plus d’exclure les citoyens arabes, l’extension des commissions d’admission à davantage de villes du pays nuirait aux Juifs séfarades et éthiopiens ainsi qu’à d’autres minorités en Israël.