Liberman dit à la commission civile du 7 octobre avoir mis en garde contre une invasion du Hamas en 2016
"Il est impossible de vaincre le Hamas sans écraser l'Iran", a déclaré l'ex-ministre de la Défense ; "Nous sous-estimons l'ennemi" et l'attaque aurait pu survenir sous n'importe quel gouvernement, selon Saar
Le chef du parti Yisrael Beytenu et ancien ministre de la Défense Avigdor Liberman a indiqué à une commission civile indépendante, dimanche, qu’il avait émis des mises en garde face à une possible attaque du Hamas, une attaque similaire à celle qui a eu lieu le 7 octobre dernier. Des avertissements qu’il avait lancés dès 2016, a-t-il ajouté.
« Le 21 décembre 2016, j’ai écrit un document d’onze pages et je l’ai remis en présence du secrétaire militaire du Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu, au chef d’état-major Gadi Eisenkot et au responsable des Renseignements militaires, » a déclaré Liberman devant la dite Commission d’enquête civile à Tel Aviv.
L’ancien haut-responsable de la Défense, devenu un opposant à Netanyahu, a ajouté que les mises en garde présentées dans le document correspondaient très exactement à ce qui est arrivé au mois d’octobre dernier, même s’il avait initialement cru que le groupe terroriste lancerait un assaut à la fin de l’année 2022.
Des extraits de son document ont d’ores et déjà été publiés dans les médias israéliens.
Alors que Netanyahu a reporté la formation d’une commission d’enquête d’État qui sera chargée de lancer des investigations sur les manquements des gouvernements successifs qui, à terme, ont ouvert la porte à l’attaque du 7 octobre, plusieurs groupes représentant les survivants du pogrom et les familles des victimes avaient récemment annoncé l’ouverture de cette enquête indépendante qui, avaient-ils expliqué, vise « à établir la vérité et à prévenir un prochain désastre ».
Environ 3 000 terroristes palestiniens, majoritairement issus de l’organisation du Hamas, avaient franchi la frontière avec Gaza, le 7 octobre, semant la désolation dans le sud d’Israël. Les hommes armés avaient massacré près de 1 200 personnes, des civils en majorité, dans de nombreuses petites communautés frontalières de la région et sur le site où se tenait une rave-party, le festival de musique électronique Supernova. Ils avaient aussi kidnappé 251 personnes qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza et ils s’étaient livrés à des atrocités – des violences sexuelles à grande échelle, des actes de torture et autres crimes.
« J’avais accordé deux interviews, une à Israel National News dans laquelle j’avais dit que le Hamas allait attaquer et le dernier entretien avait été publié le 6 octobre », a raconté Liberman à la commission, établissant qu’il avait averti qu’Israël était, à ce moment-là, dans une situation pire qu’avant la guerre de Yom Kippour, en 1973, lorsque plusieurs armées ennemies avaient envahi l’État juif, surprenant de la même façon la communauté israélienne des renseignements.
« Le Premier ministre avait connaissance de toutes ces informations », a continué Liberman qui a déclaré que Netanyahu avait, dans le passé, tenu des propos similaires concernant une intention du Hamas d’envahir le territoire israélien pendant une réunion de commission, à la Knesset.
Liberman avait démissionné de son poste de ministre de la Défense au mois de novembre 2018, entraînant l’effondrement du gouvernement de Netanyahu, suite à un cessez-le-feu conclu entre Israël et les factions terroristes de Gaza dans le sillage de tirs de roquettes particulièrement féroces de la part des groupes palestiniens. 400 projectiles avaient été tirés en direction de l’État juif en l’espace de quarante-huit heures.
Évoquant la prise en charge, par Netanyahu, de la guerre actuelle, Liberman a affirmé que « le Premier ministre ne parle pas au ministre de la Défense ; le ministre de la Défense n’échange pas avec le ministre de la Sécurité nationale ». Il a ensuite déclaré qu’il y avait « une déconnexion totale » entre les différents hauts-responsables.
« Dans un pays qui fonctionne correctement, le Premier ministre et le ministre de la Défense s’entretiennent plusieurs fois par jour », a-t-il dit.
Liberman a aussi averti que « ce n’est pas possible de vaincre le Hamas et le Hezbollah sans écraser l’Iran et sans éliminer son programme nucléaire ».
« En conséquence, plus nous attendrons pour passer à l’action, plus le prix que nous aurons à payer sera élevé. Mais il est clair qu’une fois qu’il n’y aura plus d’Iran, il n’y aura plus de Hezbollah ou de Hamas », a-t-il poursuivi.
Liberman, un ancien allié proche de Netanyahu, s’était querellé avec lui en 2019 et il a depuis refusé d’intégrer ses gouvernements.
Gideon Saar, ancien membre du cabinet de sécurité, n’a pas non plus épargné Netanyahu de ses critiques. Son parti, Tikva Hadasha, avait quitté la coalition au début de l’année, furieux de ne pas avoir obtenu un siège au sein du cabinet de guerre – la cellule de commandement militaire gouvernementale aujourd’hui défunte – comme il l’avait demandé.
Il s’est montré depuis très critique de la prise en charge du conflit par Netanyahu, accusant le Premier ministre de ne pas être suffisamment agressif. Il y a des années, Saar était un membre de premier plan du parti du Likud – faction dont il a été, semble-t-il, poussé depuis vers la porte de sortie par Netanyahu.
S’adressant aux membres de la commission, Saar a dénoncé le mode de pensée stratégique erroné qui a prévalu pendant trois décennies – « Où douze ans de retrait ont été suivis par 18 ans de retenue ».
Le transfert du contrôle de certaines parties de la Cisjordanie à l’Autorité palestinienne dans le cadre des Accords d’Oslo avec, ensuite, le retrait du pays du sud Liban, en l’an 2000, et de la bande de Gaza, en 2005, ont « permis l’établissement d’armées terroristes sur les frontières nord et sud du pays », a-t-il dit – insistant sur le fait que le pogrom du 7 octobre aurait pu survenir sous n’importe quel gouvernement.
« Les cercles politiques et sécuritaires ont été unanimes à estimer qu’il fallait faire des ‘cadeaux’ au Hamas », a-t-il ajouté, se référant à l’argent qatari qui a été remis pendant des années au groupe terroriste ainsi qu’à l’autorisation donnée aux travailleurs palestiniens originaires de Gaza d’entrer en Israël.
Évoquant le plan de refonte radicale du système judiciaire avancé par le gouvernement de Netanyahu – il a depuis été suspendu – Saar a déclaré qu’il avait averti que cette initiative faisait planer « un risque supplémentaire sur notre sécurité ».
« Malheureusement, nous sous-estimons l’ennemi et c’est une leçon historique que nous devons tirer. Il y a cette tendance à sous-estimer l’ennemi qui s’exprime dans des discours remplis d’arrogance et à ce jour, nous n’avons toujours pas perdu cette habitude », a-t-il indiqué.
Dénonçant les informations qui fuitent suite aux rencontres des forums sécuritaires les plus importants au sommet de l’État, Saar a ensuite noté qu’il s’est opposé à la conclusion d’un cessez-le-feu avec le Hamas depuis l’Opération bordure protectrice, en 2014, ajoutant que « sa force militaire, à ce moment-là, représentait moins d’un tiers de ce qu’elle est devenue aujourd’hui ».
Évoquant la situation au nord du pays, Saar a rejeté l’idée qu’Israël ait besoin de temps pour se réarmer et remettre en ordre ses forces. Il a fait remarquer que les ennemis d’Israël, selon lui, utiliseraient eux aussi une trêve pour se réarmer.
Dans son témoignage devant la commission, au début du mois, l’ancien Premier ministre Ehud Olmert avait accusé Netanyahu de réduire au silence les voix divergentes au sein de l’establishment sécuritaire israélien, avec pour conséquence que certains responsables de premier plan s’abstiennent dorénavant de lui transmettre des informations qu’il est susceptible de trouver déplaisantes à entendre.
« Depuis 15 ans, il y a cette idée que les hauts-responsables de la sécurité qui vont dire quelque chose [de critique] feront l’objet de calomnies et de censure de la part du Premier ministre lui-même et de tout son entourage. Un climat a ainsi été créé dans lequel les gens ne lui communiquent pas les faits ni leurs opinions afin d’éviter de déclencher des querelles qui seront susceptibles de nuire à leur statut et à leur capacité d’action », avait indiqué Olmert.