L’interdiction du burkini, excellent pour les affaires, confie une fabricante franco-israélienne
La fondatrice de la marque Sea Secret, pour femmes religieuses prévoit une hausse des ventes après l’interdiction controversée qui a suscité de vifs débats
JTA – Selon les derniers calculs, au moins trente municipalités françaises ont émis un arrêté visant à interdire le produit que la femme d’affaires d’origine parisienne vend.
Yardena, une mère de neuf enfants, ultra-orthodoxe qui vit à Jérusalem. Elle a fondé Sea Secret, une marque qui fabrique des maillots de bain pudiques destinés aux femmes pratiquantes. Pour elle, cet arrêté sur l’interdiction faite aux femmes de porter le burkini, ce maillot de bain qui couvre intégralement le corps est « la meilleure des publicités pour les maillots de bain pudiques ».
Dans une interview accordée au JTA, Yardena prédit que cet arrêté, très controversé aura pour effet de « doper les ventes » (Pour des raisons de protection de la vie privée, elle a demandé à ce que son nom de famille ne soit pas mentionné dans l’article).
Yardena, qui s’est installée en Israël il y a de cela 14 ans, propose différents modèles de maillots de bain intégraux, qui ne laissent que les mains et les jambes découverts.
L’arrêté sur le maillot de bain typiquement musulman a animé des débats passionnés dans une France divisée, qui peine à trouver son équilibre entre la liberté de culte et ses autres valeurs libérales – à savoir la lutte contre l’islam radical et l’oppression des femmes.
Manuel Valls, Premier ministre français, a défendu cette mesure comme étant « la traduction d’un projet politique, de contre-société, fondé notamment sur l’asservissement de la femme ». L’interdiction du port du burkini et son application ont mis en rogne des millions de Français, qui la perçoivent comme une violation de la vie privée, et une discrimination injustifiée à l’égard des musulmanes.
Yardena, 45 ans, qui a démarré sa collection de maillots de bain pudiques avec une associée, « pour responsabiliser les femmes » qui adhérent à différentes lois religieuses – partagées par les musulmans et les juifs – est consternée par le fait qu’on puisse demander aux femmes de se couvrir (ou découvrir, en l’occurrence) à un certain degré.
« La France est complètement chamboulée », dit-elle. « Au lieu de promouvoir la pudeur et les valeurs, comme devraient le faire les leaders et les autorités politiques, ils incitent les femmes à se découvrir.
« Je ne sais pas ce qui se passe, mais je sais, en tant que personne qui veille à respecter les règles de la pudeur, que de telles mesures ne réussiront pas à décourager les femmes comme moi. »

La douzaine de revendeurs de Sea Secret en France ont confié à Yardena que les femmes juives françaises, qui représentent la plus grande part de la clientèle, sont inquiètes des effets que cet arrêté aura sur elles.
« Cela crée un problème pour les femmes juives, parce que cela empoisonne l’atmosphère pour tout le monde – musulmans, chrétiens, et tous ceux qui refusent qu’un agent de police leur dicte leurs choix vestimentaires », explique Yardena.
Certains modèles de la collection Sea Secret pourraient entrer dans la catégorie des burkinis. Yardena évoque notamment un modèle qui intègre un châle élastique qui peut être utilisé comme un hijab ou comme un foulard traditionnel, souvent porté par les femmes religieuses modernes.
Parmi plusieurs commerces de maillots de bain pudiques, Sea Secret compte quelques femmes musulmanes parmi ses clientes. Mais beaucoup de femmes musulmanes refusent d’acheter ses produits car ils proviennent d’une entreprise tenue par des juifs, et basée en Israël.
« Elle perçoivent cela comme un enjeu politique, » dit Yardena.
Les femmes chrétiennes, en revanche, représentent un tiers des ventes.
« Je pense que les femmes qui respectent les lois de la pudeur font honneur à la sainteté de D.ieu, indépendamment de leur religion » explique Yardena. « Je pense que notre marque est une lumière parmi les nations. »
Les représentants du judaïsme français, d’ordinaire prompts à s’exprimer sur l’actualité – particulièrement l’actualité religieuse – sont restés étonnamment silencieux sur cette affaire.
Le Conseil des Représentants des Juifs Britanniques s’est plaint de « harcèlement policier » au sujet des nageuses musulmanes à Nice. Cette démarche est inhabituelle de la part du Conseil, qui s’exprime rarement sur des affaires étrangères sans avoir préalablement consulté les communautés juives concernées.
Moshe Sebbag, grand rabbin de la Synagogue de Paris, lors d’une interview accordée au JTA jeudi, a évoqué la réticence des leaders juifs français à s’exprimer. « C’est une problématique compliquée, et les deux parties ont des arguments probants ». Il a ajouté que la France est un « pays laïc qui prône la liberté de culte. »
Mais Sebbag a fini par défendre cette interdiction, donc les partisans, dit-il « comprennent qu’aujourd’hui, une guerre de religion a lieu, qui s’en prend à la laïcité, le propre de la République française, et c’est inacceptable. » Lorsqu’on lui demande s’il est d’accord avec cet arrêté, il répond « Oui, parce qu’en porter [un burkini], ce n’est pas anodin, ça envoie un message. »
Cette interdiction du burkini éloigne la France de ses valeurs fondamentales, selon David Isaac Haziza, chroniqueur pour le site La Règle du Jeu, créée par le philosophe Bernard-Henri Lévy.
Haziza se montre critique à l’égard de celles qui portent le burkini. Il le décrit comme un signe de radicalisation, au détriment de l’intégration. Néanmoins, Haziza désapprouve le fait de légiférer cette lutte. « La question du burkini ne sera pas réglée légalement mais moralement. »
NB : Le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative française, a suspendu vendredi 26 août un arrêté d’interdiction du burkini, sans éteindre la controverse.
A défaut de ces « risques avérés », interdire ces tenues de bain porte « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales », a asséné le Conseil d’Etat.
Cette décision, saluée par les représentants du culte musulman en France, doit faire autorité dans tout le pays où une trentaine d’autres communes ont pris une décision similaire, suscitant une polémique enflammée, particulièrement à l’étranger.
L’AFP a contribué à cet article.
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