Lors de la première israélienne, le réalisateur de « Miss Holocaust Survivor » célèbre la vie
Des survivantes de la Shoah qui jouent dans le documentaire primé, qui sortira mondialement le 27 janvier, sur un concours de beauté controversé ont assisté à la projection à Haïfa

Haïfa – Elles sont venues aidées de leurs cannes, leurs déambulateurs et de leurs amis.
Même sans tapis rouge, les cinq anciennes candidates à des concours de beauté, âgées de 80 à 102 ans, qui apparaissent dans le documentaire « Miss Holocaust Survivor », semblaient farouchement déterminées lorsqu’elles sont entrées dans l’auditorium de Haïfa pour la première projection du film en Israël mardi, à la veille de Yom HaShoah – le Jour du Souvenir de la Shoah.
Toutes ces femmes bénéficient de l’aide de « Baït Ham » (« Un foyer chaleureux »), un centre pour les survivants de la Shoah situé à Haïfa et géré par Yad Ezer LeHaver (« Une main tendue à un ami » en hébreu), une organisation qui vient en aide aux survivants de la Shoah dans le besoin en Israël, ainsi que de l’International Christian Embassy Jerusalem (ICEJ) à Jérusalem.
Ces deux organisations à but non lucratif ont lancé le concours de beauté « Miss Survivante de la Shoah » en 2012 afin d’apporter joie et reconnaissance aux membres de la communauté israélienne des survivants de la Shoah, dont le nombre diminue rapidement. Cette initiative a suscité à la fois l’intérêt et la controverse.
Le réalisateur polonais Radek Wegrzyn, 47 ans, qui a vécu la majeure partie de sa vie en Allemagne, a déclaré à l’auditoire de Haïfa qu’il avait projeté le film pour la première fois à Berlin, le 9 novembre 2023, soit un mois après le pogrom perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël, le plus meurtrier de l’histoire du pays et le pire mené contre des Juifs depuis la Shoah, ce qui a exacerbé les inquiétudes concernant la sécurité et l’antisémitisme en Europe et ailleurs.
« Des policiers accompagnés de chiens ont vérifié s’il n’y avait pas de bombes dans le théâtre », s’est souvenu Wegrzyn.

« Quand on me demande si c’est le moment de montrer des histoires comme celle-ci, je réponds que c’est très important », a expliqué Wegrzyn.
« Je suis toujours très catégorique : je ne laisserai pas la discussion dériver vers : ‘Vous avez fait un film sur les survivants de la Shoah. Et la Palestine ?’ », a déclaré mercredi le réalisateur primé au Times of Israel.
« Le film raconte la vie de ces survivantes de la Shoah, et ce sont elles qui méritent d’être au centre des discussions et de susciter l’émotion du public, et non la politique quotidienne. »
Cependant, la politique s’est immiscée dans l’événement quelques heures après la projection du film, lorsque les terroristes houthis du Yémen ont lancé un missile balistique en direction de Haïfa, où se tient chaque année le concours et où Wegrzyn séjournait depuis quelques jours.
Wegrzyn a déclaré qu’après avoir terminé un documentaire dans une Ukraine déchirée par la guerre, il n’était plus étranger aux sirènes d’alerte. Mais, a-t-il admis, « votre pouls s’accélère quand même ».
« Un tantinet controversé »
Le premier concours Miss Survivante de la Shoah a été organisé en 2012 par Shimon Sabag, directeur de Yad Ezer LeHaver, et par la Dr. Isabella Grinberg, psychiatre à l’hôpital Rambam et bénévole à « Baït Ham ».
Lors de la projection, Grinberg a déclaré au public que ce concours compensait, dans une certaine mesure, ce que les survivants avaient enduré par le passé.

Un organisme officiel israélien a annoncé mercredi que 120 507 rescapés de la Shoah vivent en Israël, soit une chute de près de 10 % en un an.
Wegrzyn a expliqué qu’il avait eu connaissance du concours Miss Survivante de la Shoah en lisant un article dans un journal en 2016, et qu’il avait alors « su que je voulais faire ce film ».
Le concours a toujours été « un tantinet controversé », a-t-il déclaré.
Après le premier défilé, Colette Avital, ancienne députée du parti Avoda à la Knesset et rescapée de la Shoah, a déclaré qu’une exposition « déguisant » les survivantes avec « de beaux vêtements » ne rendrait pas leur vie plus significative.

Malgré les critiques, le concours est resté populaire au fil des ans, les gagnantes étant davantage choisies pour leur histoire personnelle de survie et de reconstruction de leur vie que pour leur beauté physique, selon Sabag.
Le concours n’a eu lieu qu’une seule fois depuis 2018, en raison de la pandémie, de la guerre et d’autres facteurs, mais Sabag a indiqué qu’il espérait le relancer cette année.
« Beaucoup de gens ont un avis sur la question de savoir si c’est la bonne façon de commémorer la Shoah », a déclaré Wegrzyn.
« Mais pour moi, tant que ces femmes sont en vie, tant qu’elles décident si cela leur procure de la joie et si c’est une bonne chose pour elles, elles sont les seules à pouvoir juger si elles veulent y participer. »

Le réalisateur a déclaré que c’était un honneur pour lui de présenter son film à Haïfa, où la majeure partie du documentaire a été tournée. Plusieurs des personnes apparaissant dans le film étaient présentes dans l’assistance.
Le film, qui a été projeté dans plusieurs festivals et a reçu un prix spécial lors de la cérémonie des Prix Ernst Lubitsch à Berlin, sortira dans le monde entier le 27 janvier 2026, à l’occasion de la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste.
Le documentaire se concentre principalement sur Tova Ringer, aujourd’hui âgée de 102 ans, et Rita Krasimow, 89 ans, qui ont toutes les deux assisté à la projection. Ringer a remporté le concours en 2018 et Krasimow a terminé deuxième.
Tout comme le concours, le film est à la fois émouvant et bouleversant. L’une des scènes les plus captivantes est celle où Ringer raconte avoir été envoyée chez un dentiste à Auschwitz après s’être plainte d’une terrible rage de dents.

Sans anesthésie, le dentiste lui a arraché toutes les dents de devant, se souvient-elle, à l’exception de la dent qui la faisait souffrir.
À travers des flashbacks dans le documentaire, Krasimow se remémore comment elle a survécu à la Shoah avec sa sœur et ses parents, cachés dans une fosse dans la campagne polonaise pendant dix-neuf mois.
« C’était comme vivre dans une tombe », raconte-t-elle. Elle a tenté de se suicider en avalant des boutons, mais dès que sa famille a quitté la fosse, par une nuit étoilée, elle n’avait plus qu’une seule pensée en tête : « Je veux vivre. »
Des racines chaleureuses
Le film montre les participantes, dont plusieurs résidaient à « Baït Ham », parfois en train de plaisanter entre elles, parfois en train de se disputer.
Yudit Setz, directrice adjointe de l’ICEJ Aid et directrice des projets Shoah à « Baït Ham », a déclaré que Yad Ezer LeHaver gère le centre depuis 2008 afin de répondre aux besoins croissants des survivants de la Shoah vieillissants.
Selon le Bituah Leumi – l’Institut national d’assurance -, environ 25 % des survivants de la Shoah en Israël vivent sous le seuil de pauvreté.
La rue Kassel, où se trouve « Baït Ham » dans le quartier Hadar de Haïfa, donne au visiteur une impression de communauté.

Les riverains connaissent bien les résidents de « Baït Ham », a expliqué Rachel Azaria, 88 ans, qui vit dans un appartement situé juste en bas d’un escalier en pierre menant au bâtiment principal.
« Les Juifs, les Arabes, tout le monde m’aide ici », a-t-elle déclaré.
Le centre offre gratuitement des soins médicaux et psychologiques, des repas, des cours d’art, d’hébreu et de danse, des séances de kinésithérapie et d’autres activités aux survivants de la Shoah. Actuellement, cinquante survivants vivent dans des appartements de « Baït Ham » situés à proximité du bâtiment principal.
Une dizaine de bénévoles venus d’Allemagne, des Pays-Bas et de Suisse viennent en aide à ces résidents.

« Il y a dix-sept nouvelles personnes qui ont quitté l’Ukraine il y a deux ans et qui se sentent très seules. Elles font désormais partie de notre communauté », a déclaré Setz, ajoutant que l’objectif du centre était de les aider à « s’enraciner dans leur nouvelle terre ».
« Certains d’entre eux ne connaissent rien au judaïsme », a-t-il ajouté.
« C’est ironique, car récemment, pendant Pessah, les bénévoles chrétiens enseignaient aux Juifs la tradition juive consistant à manger du pain azyme. »
Assise sous son porche entourée de fleurs, Azaria a déclaré : « Les bénévoles nous entourent d’amour. »

Il arrive souvent que des délégations venues d’autres pays viennent rencontrer les résidents. Azaria s’est énervée en se rappelant l’histoire d’un visiteur allemand dont l’arrière-grand-père était un nazi responsable du massacre des Juifs de Białystok, en Pologne.
« Quand il a dit cela, j’ai eu l’impression d’être poignardée en plein cœur », a expliqué Azaria. Sa mère était originaire de Białystok. Toute sa famille y a été assassinée.
« L’homme a dit qu’il était désolé, mais qu’est-ce que ça change pour moi ? », a demandé Azaria de manière rhétorique.
« J’ai grandi sans famille. »
Quelques instants plus tard, son humeur a changé du tout au tout lorsqu’elle a parlé de ses vingt-quatre arrière-petits-enfants.
« Ils sont ma revanche », a-t-elle affirmé.
Basé à Berlin, Wegrzyn a déclaré que sa grand-mère, une femme catholique polonaise, était son seul lien personnel avec la Shoah puisqu’elle avait été prisonnière dans un camp de travail nazi pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’approche du film est de « célébrer la vie », a-t-il déclaré.

« Il est nécessaire de commémorer, de raconter ces histoires », a-t-il déclaré.
Les femmes du documentaire « avaient une force et une beauté incroyables, et des décennies de vie » après la guerre.
« C’est ce qui m’a vraiment frappé. »
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