Maladie incurable : Bruxelles s’alarme d’une étude sur l’antisémitisme dans l’UE
"La communauté juive doit se sentir en sécurité et chez elle en Europe. Si nous n'y parvenons pas, l'Europe cesse d'être l'Europe", a dit le numéro deux de la Commission européenne
Le numéro deux de la Commission européenne s’est alarmé lundi d’une étude selon laquelle neuf juifs européens sur dix (90 %) ont le sentiment que l’antisémitisme a progressé dans leur pays au cours des cinq dernières années, avant d’épingler le Premier ministre hongrois Viktor Orban.
« Le vingtième siècle a connu beaucoup de maladies. La seule qui reste incurable est l’antisémitisme », a déclaré le Néerlandais Frans Timmermans, en présentant cette étude à Bruxelles.
« La communauté juive doit se sentir en sécurité et chez elle en Europe. Si nous n’y parvenons pas, l’Europe cesse d’être l’Europe », a lancé le commissaire néerlandais, qui sera chef de file des socialistes aux européennes de mai.
Selon cette étude de l’Agence des droits fondamentaux (FRA), 85 % des juifs interrogés considèrent que l’antisémitisme est le plus important problème social ou politique dans leur pays et 70 % pensent que les efforts entrepris par les Etats membres de l’UE pour le combattre ne sont pas efficaces.
Cette étude a été réalisée sur internet de mai à juin 2018, auprès de plus de 16 000 juifs âgés de 16 ans ou plus, dans 12 Etats membres où vit 96 % de la population juive de l’UE (Autriche, Belgique, Danemark, France, Allemagne, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, Espagne, Suède et Royaume-Uni).
La méthode utilisée ne fournit cependant pas un échantillon aléatoire répondant aux critères statistiques de représentativité nécessaires aux sondages.
L’antisémitisme est, selon les juifs interrogés, plus problématique sur internet et les réseaux sociaux (89 %), suivi de l’espace public (73 %), des médias (71 %) et de la politique (70 %).
Près d’un tiers des répondants (28 %) disent avoir été harcelés à au moins une reprise l’an passé, mais la plupart (79 %) n’ont pas rapporté l’incident à la police ou à une autre organisation.
Parmi les personnes interrogées, 3 % affirment avoir été attaquées physiquement parce qu’elles étaient juives au cours des cinq dernières années.
« En ce qui me concerne, je cache mon étoile de David en fonction de la situation dans laquelle je me trouve. C’est une honte », raconte une Française proche de la cinquantaine, citée dans l’étude.
Près de la moitié des sondés (47 %) affirment avoir peur d’être la cible d’une insulte verbale ou d’être harcelés au cours des 12 prochains mois et 40 % d’être attaqués physiquement, tandis que 34 % d’entre eux disent éviter les évènements ou lieux liés à la communauté juive car ils ne s’y sentent pas en sécurité.
En conséquence, 38 % des personnes interrogées déclarent avoir envisagé d’émigrer, dont les deux tiers en Israël et un sur dix aux Etats-Unis.
« J’ai vraiment peur pour la sécurité de mon enfant qui va à l’école dans une école juive. Tous les jours, je me demande si je dois l’envoyer à l’école ailleurs », explique une trentenaire belge.*
Interrogé sur le Premier ministre hongrois Viktor Orban, accusé d’avoir attisé l’antisémitisme dans son pays lors de la campagne lancée contre le milliardaire juif américain d’origine hongroise George Soros, M. Timmermans a souhaité que le responsable soit « plus clair dans la façon dont il fonctionne ».
« Nous avons vu dans la campagne contre George Soros (…), bien que les autorités hongroises nient avec véhémence qu’il s’agit d’antisémitisme, la réaction de certains Hongrois. Les mots écrits sur les affiches sont clairement, fortement antisémites », a déclaré le commissaire européen.
Epilogue d’un long bras de fer avec le gouvernement Orban, l’Université d’Europe centrale (CEU) fondée par Soros a annoncé le déménagement de l’essentiel de ses activités de Budapest à Vienne.