Malgré la guerre, les chrétiens s’accrochent à l’esprit de Noël en Israël et en Cisjordanie
A Jérusalem, Bethléem et Nazareth, les célébrations publiques ont été annulées - mais certains insistent sur le fait que le message d'espérance de Noël doit encore prévaloir
Au fil des dernières années, une tradition s’est développée à Jérusalem au mois de décembre – un marché de Noël qui est organisé le long de la rue qui part de la Nouvelle porte, l’une des entrées menant au quartier chrétien de la ville. Si ce marché est resté limité en taille en comparaison avec ceux qui sont déployés dans le monde entier, il est devenu une tradition précieuse pour les locaux comme pour les touristes.
Cette année, toutefois, les festivités de Noël ont été annulées pour cause de guerre opposant Israël aux terroristes du Hamas dans la bande de Gaza. Les responsables des plus grandes églises ont annoncé, au mois de novembre, que les célébrations de Noël seraient suspendues sur toute la Terre sainte, en solidarité avec ceux qui souffrent en résultat du conflit.
La Vieille Ville de Jérusalem est calme depuis le 7 octobre en l’absence des touristes et alors que de nombreux propriétaires de magasins et de restaurants décidé de fermer le rideau.
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Aucun gérant des commerces et autres restaurants qui ont fait le choix de rester ouverts, le long de la rue de la Nouvelle porte n’a souhaité, au cours d’une visite récente, commenter la décision prise d’annuler ce marché, qui est une aubaine majeure pour le secteur, expliquant simplement le désir « de ne pas tremper dans la politique ». De leur côté, les résidents semblent être en accord avec cette mesure. « Annuler les festivités est le minimum qu’on puisse faire alors que les gens vivent un génocide à Gaza », dit une jeune Palestinienne.
Ce qui ne signifie pas que les chrétiens sont prêts à renoncer totalement à l’atmosphère si particulière de Noël. Issa Kassissieh, un chrétien de Jérusalem, a métamorphosé, il y a quinze ans, le rez-de-chaussée de son habitation, construite il y a 700 ans, en maison du père Noël.
Chaque jour, pendant trois heures et au cours de tout le mois de décembre, il enfile son habit rouge et sa fausse barbe et il accueille les visiteurs de toutes les confessions chez lui en chantant « ho, ho, ho ». Dans cette grotte du père Noël, il y a un arbre de Noël, un atelier, une cuisine et une petite boutique qui vend des souvenirs, des cookies et du vin cuit.
Dans un entretien avec le Times of Israel, Kassissieh indique que la majorité des habitants, dans la Vieille Ville, vivent du tourisme et qu’un grand nombre d’entre eux seront affectés par l’annulation des fêtes de Noël – mais qu’il a décidé qu’en tant que père Noël, il se devait de continuer à accueillir les visiteurs, Israéliens et Palestiniens, dans l’intimité de sa maison pour convoyer et préserver l’esprit de Noël.
« Cette année en particulier, je veux transmettre un message spécial d’espérance, d’amour et de paix au monde, depuis le cœur de Jérusalem. Il y a trois ans, nous étions au beau milieu de la pandémie de COVID-19 et nous ne pouvions pas nous embrasser. Et maintenant, c’est également difficile à cause de la guerre », explique-t-il.
« Habituellement, les gens feraient la queue pendant des heures pour entrer dans la maison du père Noël. En ce moment, nous avons un nombre beaucoup plus réduit de visiteurs. Et pourtant, les gens arrivent encore de tout Israël et de tout le secteur. Il y a deux jours, une famille est venue de Bethléem et elle m’a dit : ‘Dieu merci, la maison du père Noël est ouverte et ainsi, les enfants pourront au moins avoir le sentiment que quelque chose se passe à cette saison’, » poursuit Kassissieh.
« Nous sommes tristes pour tous ces gens qui meurent. Mais d’un autre côté, nous devons apaiser le stress qui est ressenti par tout le monde et transmettre aussi un message de paix. Chez moi, je souhaite la bienvenue aux Juifs, aux musulmans, aux chrétiens. Tout le monde aime le père Noël. Jérusalem est au cœur du monde. Si nous pouvons créer la paix ici, alors nous créerons la paix partout ».
La guerre a éclaté entre Israël et le Hamas suite au massacre commis par le groupe terroriste dans le sud d’Israël, le 7 octobre – 3 000 hommes armés avaient franchi la frontière avec la bande de Gaza et ils avaient tué 1200 personnes, des civils en majorité, prenant environ 240 otages.
En réponse, Israël a juré d’éliminer le Hamas et il a lancé une offensive à grande échelle au sein de l’enclave côtière, qui vise à détruire les capacités militaires et de gouvernance du groupe terroriste.
Ce sont plus de 19 000 Gazaouis qui ont été tués jusqu’à présent dans les combats, a fait savoir le ministère de la Santé contrôlé par le Hamas – un chiffre invérifiable et qui comprend également les terroristes qui ont perdu la vie, ainsi que les civils morts sous les roquettes à destination d’Israël qui sont retombées dans la bande. Israël, de son côté, indique avoir tué 7 000 membres du Hamas.
Bethléem, lieu de naissance traditionnel de Jésus, a aussi annulé les festivités de Noël – qui comprennent habituellement la présence d’un sapin dominant la place de la Mangeoire, une crèche, des étals de marché tout autour de la place et des décorations lumineuses dans tout le centre de la ville, une fête qui attire généralement des milliers de visiteurs venus du monde entier.
Les autorités de la ville s’inquiètent de l’impact que l’annulation de ces festivités et que la fermeture des magasins auront sur la petite économie palestinienne de Cisjordanie, qui est d’ores et déjà aux prises avec une chute spectaculaire du tourisme depuis le début de l’année. Le secteur palestinien du tourisme a essuyé une perte de 2,5 millions de dollars par jour et ces pertes devraient atteindre la somme de 200 millions de dollars d’ici la fin de l’année, a déclaré mercredi le ministre du Tourisme de l’Autorité palestinienne.
Le point culminant de la saison de Noël à Bethléem, la messe de minuit traditionnelle du 24 décembre, aura bien lieu à l’église de la Nativité, organisée par le patriarche catholique de Jérusalem.
Le père Ibrahim Faltas, vicaire de la Custodie en Terre sainte, a déclaré au Times of Israel que la communauté chrétienne de Bethléem – qui constitue environ un tiers des habitants de la ville, un chiffre en forte baisse dans la mesure où elle représentait 85 % de la population en 1950 – était « très, très triste », parce que « Bethléem, sans touristes et sans pèlerins, est une ville morte. Les rues de la ville qui étaient si animées sont dorénavant vides ».
« J’organise des festivités de Noël depuis 1992 et je n’avais jamais rien vu de pareil. C’est pire que sous la Seconde intifada », a-t-il continué, en référence au soulèvement palestinien meurtrier contre Israël qui s’était déroulé entre l’an 2000 et 2005. En 2002, un bras de fer avait opposé l’armée israélienne aux terroristes palestiniens qui s’étaient reclus dans l’église de la Nativité pendant 38 jours. Huit personnes avaient été tuées.
« La ville de Bethléem, aujourd’hui, s’est transformée en prison en plein air – personne ne rentre et personne ne sort », dit le père Faltas, faisant référence aux limitations imposées par Israël sur l’accès à cette localité et à d’autres, en Cisjordanie, depuis le 7 octobre.
Daniel Aqleh, guide touristique à Bethléem et membre actif de la communauté évangélique locale, déclare que dans les semaines qui précèdent Noël, les rues de la ville sont habituellement remplies de touristes et que des concerts, des fanfares et autres événements publics sont normalement organisés.
Évoquant les dégâts essuyés par l’économie dans le contexte de la guerre, Aqleh déclare que cela fait des mois que l’industrie touristique est en difficulté. « Les mois d’octobre et de novembre marquent le pic de la saison touristique, ici. Pendant l’été, il y a eu peu de touristes alors nous étions impatients de pouvoir compter sur les mois d’automne. Mais après le 7 octobre, le tourisme s’est complètement arrêté ».
La famille est propriétaire d’un hôtel et d’une petite chapelle qui a accueilli des cultes de l’Avent pour la petite communauté évangélique, et qui a permis aux membres de la paroisse de se rassembler et de prier avant la fête. Aqleh indique que son père a refusé qu’il installe un arbre de Noël à cause de la guerre à Gaza.
Comme les deux autres sites de pèlerinage chrétien, Nazareth, dans le nord d’Israël, a annulé la plus grande partie de ses festivités annuelles. « L’atmosphère n’est pas propice aux célébrations », déclare Hanan Sabbah, directeur de l’Association culturelle et du tourisme de la ville.
Parmi les événements traditionnels, à cette période, un marché, un arbre de Noël gigantesque, une procession à la veille de Noël – autant de réjouissances qui attirent généralement de nombreux touristes étrangers ou Juifs israéliens.
« Noël est une fête des lumières, des décorations ; c’est une fête de joie – et de nombreuses personnes ont estimé que ce n’était pas une bonne chose d’organiser des réjouissances après le 7 octobre en Israël et au vu de ce qui est en train de se passer à Gaza », explique Sabbah. « Nous sommes encore en deuil ».
Le festival annuel de musique liturgique, dans la ville, a eu lieu comme prévu, même s’il a été plus court – et il devrait y avoir d’autres concerts à l’intérieur des églises dans les jours qui mèneront à Noël. « Le public est majoritairement constitué d’Arabes locaux et pas de Juifs, cette année », commente Sabbah.
« Si la municipalité de Nazareth n’a pas mis de décorations de Noël, certaines sont encore là parce qu’elles datent des années précédentes. De nombreuses personnes, ici, cherchent aussi une lueur d’espérance dans les lumières, ce sentiment que la vie continue – et ils ont donc décoré leurs habitations, leurs balcons, leurs commerces », continue-t-il.
« Si nous n’avons pas eu de groupes importants de visiteurs israéliens comme c’est normalement le cas à l’époque de Noël, nous avons reçu de nombreux appels téléphoniques depuis le sud d’Israël », poursuit Sabbah. « Les gens veulent venir à Nazareth pour y passer une nuit ou deux, pour permettre à leurs enfants de voir quelque chose de différent et de sortir de cette atmosphère de guerre ».
« Nous pensions qu’il n’y aurait pas de fête de Noël cette année mais il s’avère que de nombreux Juifs israéliens veulent voir les lumières », s’exclame-t-il. « Ils veulent voir quelque chose qui leur apportera un peu d’optimisme ».
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