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Analyse

Malgré la victoire de Pezeshkian, l’Iran reste dangereusement proche de la bombe

Le président élu pourrait influencer la politique intérieure et encourager les négociations sur les sanctions avec l'Occident, mais le pouvoir reste aux mains du Guide suprême

Lazar Berman

Lazar Berman est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Le candidat iranien réformiste Masoud Pezeshkian après avoir voté aux présidentielles à Shareh Qods, à l'Oest de Téhéran, le 5 juillet 2024. (Crédit : ATTA KENARE / AFP)
Le candidat iranien réformiste Masoud Pezeshkian après avoir voté aux présidentielles à Shareh Qods, à l'Oest de Téhéran, le 5 juillet 2024. (Crédit : ATTA KENARE / AFP)

Plus de 15 millions d’Iraniens ont voté vendredi dernier pour le candidat réformateur Massoud Pezeshkian, qui a battu son rival ultraconservateur Saeed Jalili.

Washington s’est empressé de souligner qu’il ne s’attendait pas à ce que le chirurgien cardiologue de 69 ans ait un impact significatif sur le régime. « Nous ne nous attendons pas à un changement fondamental dans la direction ou la politique de l’Iran à la suite de cette élection », a affirmé lundi le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, à la presse.

Miller a souligné que les principales décisions en Iran étaient prises par le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei. « Il est évident que si le nouveau président avait le pouvoir de prendre des mesures pour limiter le programme nucléaire iranien, cesser de financer le terrorisme et mettre fin aux activités déstabilisatrices dans la région, nous nous en réjouirions », a ajouté Miller. « Mais il va sans dire que ce n’est pas le cas. »

Le message d’Israël allait dans le même sens. Le ministère des Affaires étrangères a publié sur Instagram deux images identiques du guide suprême Khamenei, l’une portant la mention « avant » et l’autre « après ».

Mais alors, des millions d’Iraniens auraient-ils participé à un exercice dénué de sens et qui n’aurait aucune incidence sur le destin de leur pays et de la région ?

C’est bien ce que semble penser la moitié du pays. Le taux de participation au premier tour n’a été que de 40 %, le plus bas depuis la chute du Shah en 1979. Même Khamenei a admis que le taux de participation était « plus faible que prévu ».


Sur cette photo fournie par l’Agence de presse des étudiants iraniens (ISNA), l’ancien négociateur nucléaire iranien et candidat à l’élection présidentielle Saeed Jalili dépose son bulletin de vote dans un bureau de vote à Téhéran (Iran), le 28 juin 2024. (Crédit : Alireza Sotakabr, ISNA via AP)

Ce chiffre est passé à 50 % au second tour, mais cette augmentation était largement due à la peur de ce qu’une victoire de Jalili aurait signifié pour le pays, a expliqué Raz Zimmt, spécialiste de l’Iran à l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS) de Tel Aviv.

« La grande majorité de la population ne croit pas au régime et ne croit pas à la possibilité de provoquer des changements significatifs sous ce régime », a-t-il poursuivi..

Jusqu’à l’accident d’hélicoptère mortel survenu en mai dernier à flanc de montagne, qui a mis fin brutalement au mandat du précédent président, Ebrahim Raïssi, les archi-conservateurs du pays contrôlaient tous les leviers du pouvoir dans le pays depuis trois ans. L’économie stagnait sous l’impact des sanctions et l’inflation grimpait en flèche.

Des équipes de secours intervenant près du site de l’accident de l’hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raïssi, à Varzaghan, dans le nord-ouest de l’Iran, le 19 mai 2024. (Crédit : Azin Haghighi/Moj News Agency via AP)

Les soutiens du régime pouvaient attribuer une partie de la responsabilité des malheurs économiques de l’Iran aux sanctions imposées par l’Occident, mais ils ne pouvaient justifier la répression brutale des manifestations sous le régime de Raïssi.

Si la présence de la fameuse police des mœurs était moins marquée sous Hassan Rouhani, un modéré remplacé par Raïssi en 2021, elle est revenue en force lors des manifestations « Femmes, vie, liberté » qui ont éclaté en 2022, après la mort de Mahsa Amini, une jeune femme kurde, arrêtée par les responsables de l’application de la charia du régime.

Sur cette photo prise par une personne non employée par l’Associated Press et obtenue par l’AP à l’extérieur de l’Iran, des Iraniens protestent contre la mort de Mahsa Amini, 22 ans, après son arrestation par la police des mœurs le mois dernier, à Téhéran, le 27 octobre 2022. (Crédit : AP Photo/Middle East Images)

Certains ont bon espoir que Pezeshkian assouplisse la réglementation sur le filtrage de l’internet et l’application des lois sur le hijab.

« Avec Pezeshkian », explique Sina Toossi, chercheuse au Center for International Policy, « nous pouvons espérer un changement progressif, des améliorations sur certains points et, avec un peu de chance, une amélioration de la situation économique, s’il parvient à obtenir la levée des sanctions ».

Le pouvoir décisionnel entre les mains du Guide suprême

Pezeshkian ne pourra toutefois pas obtenir seul la levée des sanctions. Son influence sur la politique étrangère est limitée.

En ce qui concerne les politiques de l’Iran au Moyen-Orient, Pezeshkian ne joue tout simplement aucun rôle. Ces décisions sont prises par le Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI), qui dépend de Khamenei.

Des personnes en deuil assistent aux funérailles de Razi Moussavi, un haut commandant de la Force Al-Qods du Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran (CGRI) qui a été tué le 25 décembre lors d’une frappe israélienne présumée en Syrie, à Téhéran, le 28 décembre 2023. (Crédit : Atta Kenare/AFP)

Même s’il pouvait influencer la position de l’Iran par rapport à Israël, Pezeshkian se situe clairement dans la ligne du consensus du régime. « La République islamique a toujours soutenu la résistance des peuples de la région contre le régime sioniste illégitime », a ainsi affirmé Pezeshkian lundi dans un message adressé à Hassan Nasrallah, chef du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran, qui est actuellement engagé dans des combats contre Israël.

Le président a toutefois certains pouvoirs dans le domaine de la politique étrangère. Il est à la tête du pouvoir exécutif, nomme les ministres – y compris le ministre des Affaires étrangères – et gère l’économie et les budgets.

Il dirige également le puissant Conseil suprême de sécurité nationale.

« Le guide suprême dispose d’un droit de veto sur les décisions du Conseil suprême de sécurité nationale », a expliqué Toossi, « mais il se contente généralement de suivre le consensus qui s’est formé au sein du Conseil ».

Sur cette photo publiée par le site officiel du bureau du guide suprême iranien, le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, fait un geste lors d’une cérémonie marquant la fête chiite de l’Aïd al-Ghadir, à Téhéran, en Iran, le 25 juin 2024. (Crédit : Bureau du guide suprême iranien via AP)

En revanche, Khamenei ne laisse personne d’autre que lui décider de l’orientation du programme nucléaire iranien.

« La question principale est de savoir si Khamenei est prêt et souhaite relancer, maintenant ou après janvier, le dialogue bilatéral avec les États-Unis », a indiqué Zimmt. « Et je n’en suis pas du tout convaincu. »

Si Khamenei donne effectivement le feu vert à de nouveaux pourparlers avec les États-Unis, Pezeshkian sera certainement plus engagé dans le processus que ne l’était Raissi ou que ne l’aurait été Jalili. En effet, il s’est entouré de personnalités clés des négociations passées, dont l’ancien ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif et le diplomate de haut rang Abbas Araghchi.

Ces négociations seraient toutefois limitées. Des concessions similaires à celles prévues dans l’accord JCPOA de 2015 seraient probablement proposées, notamment des limites à l’enrichissement et au stockage, ainsi que des inspections de l’AIEA.

« Le programme nucléaire iranien est bien trop avancé pour permettre un véritable retour en arrière », a expliqué Jonathan Ruhe, directeur de la politique étrangère à l’Institut juif pour la sécurité nationale d’Amérique.

Selon lui, l’Iran aurait tout de même intérêt à engager des pourparlers : « Les États-Unis et l’Europe pourraient exercer des pressions sur Israël contre toute action militaire qui ferait dérailler leurs efforts diplomatiques, et cela leur permettrait de gagner du temps jusqu’à la levée définitive des sanctions de l’ONU, des États-Unis et de l’Europe d’ici un peu plus d’un an ».

Photo d’illustration : Un ouvrier iranien dans la structure de conversion de l’uranium d’Isfahan, à 40 kilomètres au sud de Téhéran, au mois de janvier 2014 (Crédit : AP /Vahid Salemi)

En Israël cette année, une grande partie de l’attention s’est concentrée sur la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza tandis qu’aux États-Unis et en Europe, elle s’est portée sur la politique intérieure et le conflit en Ukraine. Pendant ce temps, l’Iran s’est rapproché de la capacité de produire des armes nucléaires.

Récemment, le New York Times a rapporté que la direction iranienne mène un « débat stratégique » pour décider s’il est temps de commencer à fabriquer des armes nucléaires.

L’Iran a enrichi suffisamment d’uranium à 60 % de pureté pour fabriquer au moins trois bombes. Ce n’est qu’une question de jours avant que l’Iran puisse convertir l’uranium enrichi à 60 % en combustible de qualité militaire.

Ces dernières semaines, l’Iran a également installé 1 400 « centrifugeuses de nouvelle génération » dans son installation d’enrichissement de Fordo, et serait donc en mesure de doubler ce stock en quelques semaines ou quelques mois s’il le souhaitait, selon l’article.

Selon Axios, qui cite trois responsables israéliens, le Premier ministre Benjamin Netanyahu aurait rétabli en juin plusieurs groupes de travail sur le programme nucléaire iranien, craignant que la République islamique ne cherche à se doter de la bombe dès janvier 2025.

« À ce stade, les menaces de l’Iran de franchir les dernières étapes de la fabrication d’une bombe sont plus crédibles que les menaces de quiconque de l’arrêter », a déclaré M. Ruhe. « Lorsque Netanyahu a tracé sa ligne rouge à l’ONU en 2012, il était impensable qu’aucune action militaire sérieuse ne soit entreprise par qui que ce soit avant que l’Iran n’atteigne son stade actuel, incroyablement avancé. »

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