Mandelblit : le projet de loi de la coalition est un « coup d’État », une « tyrannie »
L'ex-chef du Mossad Tamir Pardo estime que la réforme signe la "fin de la démocratie" et que Netanyahu devrait être "traduit en justice" pour "coup d'État"

L’ancien procureur général Avichai Mandelblit a déclaré jeudi que le projet de loi de la coalition visant à abroger le critère du « caractère raisonnable » des décisions du gouvernement « pulvériserait » la Cour suprême et constituerait « un véritable coup d’État ».
S’exprimant lors d’une « conférence d’urgence » organisée par l’Association du barreau israélien à Tel Aviv, Mandelblit a déclaré que le projet de loi « vise à détruire l’indépendance de l’ensemble du système judiciaire », insinuant qu’il serait suivi par d’autres projets de loi de refonte.
Mais même isolée, la loi sur le caractère raisonnable « pulvérisera la dernière ligne de défense de la démocratie israélienne : la Cour suprême », a-t-il déclaré.
Mandelblit a ajouté que le projet de loi « pourrait conduire à la tyrannie, sans contrepoids ni défense, et constitue donc en soi un coup d’État ».
Les deuxième et troisième lectures du projet de loi, un amendement à la loi fondamentale : Le pouvoir judiciaire, commenceront dimanche à la plénière de la Knesset. Le projet de loi devrait être approuvé et promulgué lundi ou mardi. Il interdirait à la Cour suprême et aux juridictions inférieures d’utiliser le critère du caractère raisonnable pour réexaminer toute décision prise par le gouvernement et les ministres.
Mandelblit, nommé par Netanyahu et autrefois considéré comme son confident avant qu’il ne supervise sa mise en accusation en 2019, a soutenu jeudi que la seule chose qui empêchait les ministres de limoger l’actuelle procureure générale Gali Baharav-Miara était la clause de la raisonnabilité.

Les ministres du gouvernement se sont opposés à Baharav-Miara à plusieurs reprises depuis le début de l’année, l’accusant récemment d’être trop clémente à l’égard des manifestants opposés aux réformes. Plusieurs d’entre eux ont même demandé qu’elle soit démise de ses fonctions.
« En ce qui les concerne, dès que [le projet de loi] sera adopté, ils pourront la limoger sans que la Cour suprême ne puisse intervenir », a déclaré Mandelblit.
Tamir Pardo, ancien chef de l’agence d’espionnage Mossad, a également fait part de ses craintes concernant le projet de loi « raisonnable » jeudi, affirmant qu’il « constitue la fin de la démocratie et permet à la Cour pénale internationale de La Haye d’enquêter et de convoquer les soldats de Tsahal devant les tribunaux », lors d’une conférence de presse conjointe avec le Mouvement pour un gouvernement de qualité et le groupe de protestation Paratroopers pour la démocratie (Parachutistes pour la démocratie).
Les propos de Pardo se réfèrent aux craintes des opposants à la refonte du système judiciaire selon lesquels, si le système judiciaire indépendant du pays était affaibli, Israël perdrait sa légitimité sur la scène internationale et exposerait ses soldats à des poursuites de la part d’organismes internationaux tels que la Cour pénale internationale.

Le projet de loi, a déclaré Pardo, « menace les soldats de Tsahal » et s’il est adopté, « nous ne devrons pas nous étonner si les parents décident de ne plus envoyer leurs enfants à l’armée. »
« Nous deviendrons similaires à l’Iran et à la Hongrie. En apparence, une démocratie, dans les faits, une dictature », a-t-il ajouté. « D’ici deux ou trois jours, on pourra parler d’Israël comme d’une ancienne démocratie ».
Plus tard jeudi, Pardo a confié à la Douzième chaîne que Netanyahu devrait être traduit en justice pour avoir perpétré un « coup d’État » avec son projet de loi sur la refonte de la justice.
Pardo a ajouté qu’il « avait une grande admiration » pour les réservistes de Tsahal qui ont menacé d’arrêter de se présenter au service de réserve volontaire si le projet de loi était adopté, ajoutant que « chacun doit prendre sa propre décision. »
« Celui qui est en train de détruire l’armée du peuple, c’est le Premier ministre d’Israël », a ajouté Pardo. « Il n’a pas le droit de faire cela… C’est un coup d’État, avec tous les éléments d’un coup d’État tels qu’ils sont décrits dans tous les livres d’Histoire. C’est ce qu’il est en train de faire, et j’espère qu’un jour il sera traduit en justice devant un tribunal ».
« Un Premier ministre qui transforme un État démocratique en dictature, devrait être traduit en justice », a affirmé Pardo. « Il a reçu un mandat pour un gouvernement légitime dont la tâche est de gouverner. Pas pour un gouvernement dont la tâche ou l’objectif est de changer la nature du régime en Israël ».
Nadav Argaman, un ancien chef de l’agence de sécurité du Shin Bet, a également soutenu les réservistes militaires qui menacent de ne plus se présenter à leur poste pour protester contre la refonte, lors d’une interview à la radio de l’armée jeudi, quelques heures après que la commission Constitution du Droit et de la Justice de la Knesset a approuvé le projet de loi en dernière lecture.
« C’est un coup d’État. Nous avons tous servi sous des gouvernements différents… et reçu des ordres différents ; nous avons cru davantage en certains et moins en d’autres ; cela n’avait pas d’importance. Aujourd’hui, c’est une autre réalité, le changement de régime est une nouvelle réalité », a-t-il déclaré.