Mauvais départ pour Ben Gvir qui s’attaque à la procureure générale
Le ministre de la Sécurité nationale reprend ses vieilles habitudes d'activiste, proférant cris et insultes au lieu de prendre des mesures concrètes pour vaincre le terrorisme
Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, leader du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, a offert un spectacle navrant aux médias, samedi soir. Après avoir passé la journée à courir dans tous les sens suite à l’attentat terroriste commis la veille à Jérusalem, l’homme n’a rien trouvé de mieux à faire que d’accuser la procureure générale Gali Baharav-Miara d’être responsable des attaques terroristes.
Parallèlement à sa diatribe à l’encontre de Baharav-Miara – comme si elle était personnellement responsable du terrorisme palestinien – Ben Gvir a aussi suggéré plusieurs « solutions » au problème.
La première solution consiste donc à accélérer l’adoption de son projet de loi sur la « peine de mort pour les terroristes », raccourcissant le processus législatif de deux semaines seulement. De surcroît, l’idée d’imposer la peine de mort à des terroristes prêts à mourir pour leur cause est en réalité risible. Force est de reconnaître que la start-up nation n’avait encore jamais eu une idée aussi brillante que de condamner à la peine capitale des terroristes parfaitement conscients qu’ils seront probablement tués au cours de l’attentat qu’ils commettront. Les utilisateurs des réseaux sociaux ont d’ailleurs immédiatement suggéré un slogan percutant en réponse à la suggestion de Ben Gvir : « Mort aux kamikazes ».
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L’idée de peine de mort n’est pas nouvelle, elle a été évoquée à maintes reprises dans divers forums ces huit dernières années et, à chaque fois, elle a été balayée par de hauts responsables et par une grande majorité de membres de la Knesset, y compris par certains des partisans de la ligne dure comme le ministre des Finances Bezalel Smotrich. Un haut responsable de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet avait déclaré à la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, en 2018, qu’une telle loi risquait de provoquer une nouvelle escalade de la violence. Il est peu probable que les choses aient beaucoup changé depuis.
Ben Gvir a ensuite préconisé la mise immédiate sous scellé du domicile du terroriste, une mesure qui, selon lui, « transmet un message dissuasif très clair. » Il a affirmé avoir contacté la procureure générale à 8 heures, le matin même de l’attentat, pour exiger que la mesure soit exécutée dans l’heure.
Mais ce qu’il a « oublié », c’est que le processus de mise sous scellés des maisons n’est pas du ressort exclusif de la police israélienne. Pour les terroristes résidant dans les territoires placés sous le contrôle de l’Autorité palestinienne (AP), c’est à l’armée israélienne qu’il faut s’adresser et pour les résidents de Jérusalem-Est, le processus doit être coordonné entre l’armée et la police.
Quoi qu’il en soit, le ministère de la Sécurité nationale de Ben Gvir – qui n’est autre qu’un ministère de la Police magnifié – n’est pas autorisé à prendre cette mesure de son propre chef, ce qui signifie que son indignation feinte à l’égard de la procureure générale coupable, selon lui, de ne pas avoir autorisé les forces de sécurité à sceller la maison du terroriste n’était qu’un énième coup d’éclat. S’il avait été sérieux, il lui aurait simplement suffi d’appeler le ministre de la Défense, Yoav Gallant.
Le ministre de l’Agriculture Avi Dichter, ancien chef de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, a critiqué Ben Gvir et ses idées. « La mise sous scellés des maisons n’empêche pas le terrorisme », a-t-il déclaré dans des interviews à la presse samedi soir.
Au lendemain d’attentats meurtriers comme celui de Jérusalem, il est préférable que les Israéliens suivent l’exemple de Dichter et qu’ils gardent leur sang-froid.
La troisième suggestion de Ben Gvir a été de « doubler » la taille du département qui est chargé des licences de port d’armes au sein de son ministère, une décision qui, comme les deux précédentes, ne relève pas de sa seule compétence. Un ministère qui souhaite agrandir l’un de ses départements doit se voir allouer un budget, puis il doit créer de nouveaux postes et lancer des offres pour les pourvoir, le tout en étroite coordination avec la commission de la Fonction publique. Ce qui, naturellement, prend du temps.
La prochaine victime de la colère du ministre pourrait donc être Daniel Hershkowitz, le commissaire à la Fonction publique – Ben Gvir semblant convaincu que ses accès de colère en prime time sont finalement l’arme la plus efficace pour faire face au fléau qu’est le terrorisme.
Lorsqu’il a pris ses fonctions, Ben Gvir semblait persuadé que la modification de son titre de ministre – si ses prédécesseurs avaient hérité du portefeuille de la « Sécurité publique », lui a endossé le costume de ministre de la « Sécurité nationale » – aurait un effet dissuasif ou apporterait des solutions magiques sur le terrain. Certains responsables de la police semblaient partager sa conviction et, dit-on, ils auraient même cru que la nomination de Ben Gvir, huit fois condamné pour incitation à la violence et pour terrorisme, susciterait la peur chez certains Palestiniens.
Il semble hélas que les terroristes n’aient guère été impressionnés par les apparitions publiques hystériques de Ben Gvir, ni par les nuances du titre de son poste.
Pour ce qui est de faire bouger les choses au sein des forces de police, l’homme s’avère être toujours aussi peu à la hauteur. Si seulement il avait manifesté le moindre désir d’apprendre son travail, nous aurions pu nous montrer plus clément et lui accorder le bénéfice du doute accordé au débutant dans sa première ligne droite.
Ben Gvir semble, en outre, penser qu’il mérite d’être salué pour avoir « travaillé de longues heures ». Il a souligné dans plusieurs tweets récents – ainsi que dans sa déclaration le lendemain de l’attaque – qu’il avait travaillé « toute la nuit », qu’il était « 15h30, que le Shabbat approchait et que ce n’est que maintenant [qu’il quittait] le bureau », qu’il avait passé « une nuit blanche à la Knesset » et « quitté la maison pour le Néguev à 6 heures du matin ».
Mais avec tout le respect que je dois au ministre, de nombreuses personnes dans ce pays servent dans l’armée, la police et les services d’urgence et de secours. Ils quittent tous leur maison tôt le matin ou passent des nuits blanches. Il en va de même pour les médecins, les infirmières et même certains employés de sociétés technologiques. Les Israéliens ont une forte éthique du travail et il y a très peu de chômeurs. Personne n’est impressionné par le fait qu’un ministre doive se lever tôt le matin ou rentrer tard le soir.
Il devient de plus en plus évident que Ben Gvir continue à agir comme il le faisait à l’époque où il était un activiste kahaniste, et plus tard, un législateur fanatique. À l’époque, comme aujourd’hui, sa principale préoccupation était d’attiser les tensions, de hurler et de proférer des insultes, et non de diriger ou de faire avancer les choses.
Ce texte a d’abord été publié en hébreu sur le site frère du Times of Israel, Zman Israel.
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