Moshe Koppel : La refonte du système judiciaire a été précipitée et mal préparée
Selon le directeur de Kohelet Policy Forum, les membres de la coalition n'ont pas appris à "gouverner de manière responsable"

Le directeur d’un groupe de réflexion conservateur, dont les idées ont constitué la base idéologique du programme de refonte du système judiciaire du gouvernement actuel, a déclaré dans une récente interview que la coalition avait avancé le plan de manière hâtive et irresponsable.
Le professeur Moshe Koppel dirige le Kohelet Policy Forum, qui défend des idées libertaires et conservatrices en Israël depuis une dizaine d’années dans divers domaines, notamment l’économie et le commerce, ainsi que le système judiciaire qui, selon lui, a conféré au gouvernement, au cours des dernières décennies, des pouvoirs excessifs qu’il convient de rééquilibrer.
Au début de l’année, Kohelet a appelé à un compromis sur cette refonte largement controversée, dont la forme initiale était radicale et qui a été poussée sans relâche pendant des mois à la Knesset, malgré la large opposition des manifestants qui y voyaient une tentative de saper la démocratie en accordant au gouvernement des pouvoirs incontrôlés.
Un mouvement de protestation populaire et massif a finalement contraint le gouvernement à suspendre la refonte. Un seul projet de loi a été adopté jusqu’à présent et le Premier ministre Benjamin Netanyahu a indiqué qu’il n’avait pas l’intention d’en faire avancer la majeure partie, même s’il prévoit toujours d’adopter un élément central du programme, à savoir le remaniement de la commission de sélection des juges du pays.
« Si vous voulez faire quelque chose d’important, vous devez le faire de manière très réfléchie et en toute connaissance de cause », a déclaré Koppel au Wall Street Journal dans une interview publiée vendredi. « Le gouvernement ne s’est pas préparé correctement. Il s’est précipité. »
« Ceux qui font maintenant partie de la coalition vont devoir apprendre à gouverner de manière responsable – et ils ne l’ont [toujours] pas fait », a-t-il ajouté.

Le mouvement de protestation a visé Kohelet, ses membres et ses donateurs. Les bureaux du groupe de réflexion avaient été envahis par des manifestants en avril, et des manifestants basés aux États-Unis avaient traqué son principal donateur, Arthur Dantchik, jusqu’à ce qu’il cesse de financer Kohelet.
Après l’adoption d’un projet de loi interdisant à la Haute Cour de justice de réexaminer les décisions du gouvernement sur la base du critère juridique du « caractère raisonnable », Netanyahu a déclaré à plusieurs reprises qu’il souhaitait uniquement modifier le mode de sélection des juges israéliens, afin de supprimer le droit de veto dont jouissent actuellement les juges de la Cour suprême en exercice au sein du panel. Les plans précédents visaient à accorder à la coalition le contrôle quasi-total de la plupart des nominations judiciaires, ce qui, selon les critiques, éliminerait l’indépendance du système judiciaire et supprimerait le dernier outil de supervision efficace du pouvoir gouvernemental.
« Je pense que le gouvernement devrait parvenir à un compromis, puis dire qu’il ne va pas plus loin », a déclaré Koppel alors qu’il était interrogé sur la suite à donner à la refonte.
Il a toutefois précisé que la composition de la commission de sélection des juges devrait être modifiée « à peu près dans le sens du système allemand ». Selon le Wall Street Journal, il s’agit d’une « commission de sélection, nommée proportionnellement par la Knesset, [qui] aurait besoin d’une supermajorité pour nommer un juge ».
Plusieurs mois après la présentation de la refonte, Koppel avait publiquement critiqué une partie essentielle de celle-ci, qui aurait accordé à la Knesset le pouvoir de contourner le contrôle de la Haute Cour sur l’adoption des lois en utilisant ce que l’on appelle la clause dite « dérogatoire ». Koppel avait qualifié cette idée de « stupide« .
Koppel a déclaré vendredi qu’il avait passé le plus clair de son temps, depuis l’annonce de la refonte le 4 janvier, à discuter avec les opposants au projet, soutenant que la plupart d’entre eux ne sont pas intéressés par un véritable équilibre entre les branches du pouvoir, mais plutôt par la préservation du pouvoir actuel du système judiciaire, qu’il considère – comme beaucoup d’autres à droite – comme excessif.
Il a noté que les opposants à la refonte lui font généralement valoir que le gouvernement israélien ne dispose pas des freins et contrepoids qui prévalent dans la plupart des démocraties. Il est tout à fait d’accord avec eux et propose, en conséquence, des réformes renforçant le pouvoir de la Knesset pour qu’elle fasse contrepoids au gouvernement.
« La solution à la relation mal calibrée entre l’exécutif et le législatif n’est pas que les juges s’arrogent plus d’autorité. Si vous avez un problème avec le législatif et l’exécutif, réglez-le », a-t-il déclaré.

Mais son auditoire « perd généralement tout intérêt » lorsqu’il présente cet argument, a déclaré Koppel, affirmant que les freins et contrepoids ne sont qu’un « argument formel » et que leur véritable motivation est la peur de ce que les opposants politiques pourraient faire.
« En réalité, ils disent ‘notre tribu préfère que l’État administratif et la bureaucratie judiciaire aient plus de pouvoir que le gouvernement élu parce qu’ils défendent nos intérêts plus que ne le fait le gouvernement élu' », a-t-il déclaré. « On ne peut pas appeler ça de la démocratie. »
Koppel a également donné quelques détails sur sa stratégie de longue date consistant à influencer les hommes politiques israéliens pour qu’ils adoptent et mettent en œuvre de plus en plus ses idées conservatrices et libertaires dans divers domaines.
« J’ai appris comment le système – de comment les choses avancent à la Knesset – fonctionne. Il s’avère que ce n’est pas si difficile. L’important est de contrôler le texte et d’en attribuer le mérite à tout le monde sauf à soi-même. C’est sur cette base que j’ai commencé à m’intéresser à ces questions », a-t-il déclaré.