Israël en guerre - Jour 474

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La peur grandissante de l’antisémitisme dans le monde semble prendre le pas sur les inquiétudes liées à la sécurité.

Mus par la peur et la solidarité, les étrangers achètent des maisons en Israël… au cas où…

Entre montée de l'antisémitisme et désir de se rapprocher du pays, les achats immobiliers par des non-résidents se multiplient, surtout à Beit Shemesh et Jérusalem

Des enfants agitent des drapeaux israéliens de leur voiture lors d’un rassemblement de la communauté juive au Centre Simon Wiesenthal, à Los Angeles, le lundi 24 juin 2024. (Crédit : Damian Dovarganes/AP)
Des enfants agitent des drapeaux israéliens de leur voiture lors d’un rassemblement de la communauté juive au Centre Simon Wiesenthal, à Los Angeles, le lundi 24 juin 2024. (Crédit : Damian Dovarganes/AP)

Plus tôt cette année, alors que la guerre faisait rage à Gaza et que le pays se remettait du choc du pogrom du 7 octobre, Marc et Yael Azran ont acheté un appartement à Beit Shemesh, une ville de quelque 175 000 habitants nichée dans les collines, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Jérusalem.

Les Azran, résidents de Silver Spring, dans le Maryland, une banlieue de Washington, ont finalisé leur achat en mars. Depuis, la famille a passé les fêtes de Pessah et de Souccot dans sa nouvelle résidence secondaire, malgré la menace constante de roquettes et de missiles sur Israël, tirés par des groupes soutenus par l’Iran à Gaza, au Liban et dans toute la région.

Depuis toujours, les Azran rêvent d’avoir un bien en Israël. Adolescents, Marc et Yael ont participé à des programmes en Israël via des mouvements de jeunesse, et après leur mariage, ils y ont vécu quelque temps. L’idée a toujours été d’y revenir un jour », a confié Marc.

Le déclic a eu lieu après les événements tragiques du 7 octobre. Le couple a alors ressenti un besoin profond « d’être connecté » et de soutenir Israël. Bien qu’ils vivent toujours aux États-Unis, ils possèdent désormais une maison en Israël, où ils espèrent s’installer pour de bon un jour.

« Il est temps pour le peuple juif d’être en Israël. Je veux faire partie de la destinée de ce pays, et je veux que mes enfants en fassent partie aussi », explique Azran, anesthésiste, lors d’un entretien téléphonique en route vers son travail. « À long terme, je ne vois pas d’avenir brillant pour les Juifs en Amérique ou en Europe. »

D’après les chiffres officiels, les Azran font partie des centaines d’étrangers qui ont acheté des maisons en Israël depuis le début des hostilités, il y a près de 15 mois.

Cette tendance est portée par des acheteurs juifs désireux de renforcer leurs liens avec l’État juif, malgré les risques liés à la guerre ou au terrorisme. La peur grandissante de l’antisémitisme dans le monde semble prendre le pas sur les inquiétudes liées à la sécurité.

Marc Azran, à gauche, Yael Azran, deuxième à gauche, et leurs trois enfants dans leur deuxième maison à Beit Shemesh en octobre 2024. (Crédit : Jeff Kalwerisky)

Les incidents antisémites se sont multipliés dans le monde entier depuis le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023, qui a vu les terroristes de la bande de Gaza déferler sur le pays pour y assassiner plus de 1 200 personnes et prendre 251 otages, ce qui a déclenché la guerre en cours dans la région.

Selon les données publiées en novembre par le ministère des Finances, en septembre, 254 appartements en Israël ont été achetés par des résidents étrangers en septembre, une augmentation spectaculaire de 119 % par rapport au même mois l’année dernière. Ce chiffre représente le plus haut niveau d’acquisition depuis juillet 2022, à une époque où le marché était marqué par l’optimisme post-COVID et des taux d’imposition plus faibles.

Les chiffres officiels montrent que les achats de biens résidentiels par des étrangers avaient fortement chuté en octobre 2023, immédiatement après le pogrom et de la guerre qui en avait résulté. Cependant, ces acquisitions ont rapidement rebondi pour revenir aux niveaux d’avant-guerre dès le mois de décembre. La hausse s’est poursuivie tout au long de l’année, culminant avec un pic en septembre.

« Après le 7 octobre, pendant un mois, il n’y avait plus rien… C’était mort, personne n’appelait », confie Donny Fein, agent immobilier et propriétaire de la société Elite Israel Realty, qui opère principalement dans la région de Beit Shemesh. « Il a fallu attendre trois ou quatre semaines ; [mais depuis] les téléphones n’ont pas cessé de sonner. »

Donny Fein. (Crédit : Jared Bernstein)

Donny Fein est bien placé pour le savoir : Beit Shemesh et la région de Jérusalem figurent parmi les zones les plus prisées par les acheteurs étrangers et représentent plus de la moitié des biens immobiliers au mois de septembre. À Beit Shemesh uniquement, 87 appartements ont été vendus à des étrangers ce mois-là, dépassant même Jérusalem, bien que la ville soit cinq fois plus petite.

Originaire de Brooklyn et installé en Israël, Fein explique que certains de ses clients ont acheté des maisons sans même les avoir visitées. Ces acheteurs ne cherchent pas forcément la maison de leurs rêves, mais plutôt un refuge sûr au cas où des problèmes surviendraient et qu’ils seraient obligés de fuir, a-t-il expliqué. Jusqu’à présent, les propriétaires étrangers louent généralement leurs biens sur des baux à court terme de deux ans ou moins pour garder une flexibilité maximale.

« Ils l’appellent la ‘clause Mashiach’ », explique Fein, en référence à l’aspiration messianique pour Israël profondément enracinée dans la théologie juive orthodoxe. Bien que les contrats standard en Israël ne prévoient pas officiellement une clause liée à un salut divin, cette idée reste omniprésente dans l’esprit de nombreux acheteurs, indique Fein.

Des étudiants manifestent contre la guerre à Gaza à l’université George Washington à Washington, DC, le 26 avril 2024. (Crédit : AP Photo/Jose Luis Magana)

« Ils savent qu’ils ne feront pas leur alyah [immigration en Israël] de sitôt, mais s’il le faut, si les nazis viennent frapper à la porte, ils auront où se réfugier », a-t-il souligné. « Nous ne sommes plus en 1939. Nous avons une maison en Israël, et nous avons un endroit où aller. C’est ce qu’ils disent. »

Les achats de logements par des étrangers en Israël ne datent pas d’hier, et malgré la récente poussée de septembre, les niveaux restent bien en deçà du record de 2005, lorsque près de 1 400 biens avaient été vendus à des étrangers en un seul trimestre fiscal. Cependant, pour de nombreux Israéliens, ces acquisitions représentent un véritable fléau. Elles aggravent une crise immobilière où la demande dépasse déjà largement l’offre, contribuant ainsi à la hausse des prix.

Ces propriétés, souvent situées dans des complexes de luxe, servent principalement de résidences secondaires et sont rarement louées. Par conséquent, des immeubles entiers dans des zones prisées deviennent des « coquilles vides », à peine éclairées pendant une grande partie de l’année.

Des ouvriers sur le chantier des appartements de luxe à Mamilla, en face de la ville de David, considérés comme des appartements-fantômes. (Crédit : Rebecca Zeffert/Flash90)

Depuis le 7 octobre, les achats sont motivés par les craintes d’antisémitisme telles qu’elles poussent à l’immigration en Israël malgré la guerre en cours.

Selon les données publiées par le ministère de l’Immigration en Israël et de l’Intégration et l’Agence juive, environ 31 000 nouveaux immigrants sont arrivés en Israël des quatre coins du monde entre septembre 2023 et septembre 2024. La plupart venaient de Russie, d’Amérique du Nord, de France, d’Ukraine, de Biélorussie et de Grande-Bretagne, d’après les chiffres officiels.

Parmi les villes absorbant le plus grand nombre d’immigrants, Netanya arrive en tête, suivie de Tel Aviv, Haïfa, Jérusalem, Bat Yam et Ashdod.

De nouveaux immigrants en provenance de France arrivent à bord d’un « vol d’immigration en Israël » spécial à l’aéroport Ben Gurion, dans le centre d’Israël, le 1er août 2024. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Selon le ministère des Finances, les achats de logements par des étrangers à Tel Aviv restent proches de leur plus bas niveau historique. Cependant, Netanel Shuchner, PDG de la société immobilière RMA-ET, rapporte une forte augmentation de la demande provenant de résidents étrangers, en particulier pour des propriétés à Tel Aviv et Raanana.

La majorité des acheteurs potentiels viennent des États-Unis et de France, et Shuchner prévoit une hausse encore plus importante de la demande à la suite de la récente vague de violence antisémite et anti-Israël qui a secoué Amsterdam à l’occasion de la visite de l’équipe de football du Maccabi Tel Aviv pour un match.

« Suite aux incidents récents à Amsterdam, je m’attends à assister à une nouvelle augmentation de la demande », a affirmé Shuchner, qui enseigne par ailleurs l’économie et l’évaluation des biens immobiliers au College of Management Academic Studies.

Netanel Shuchner. (Crédit : Amit Moser)

Le 28 novembre, le Times of Israel signalait un intérêt « sans précédent » pour l’immigration en Israël parmi les Juifs des Pays-Bas, à la suite d’attaques visant des supporters israéliens et d’autres personnes à Amsterdam.

David, un avocat juif qui vit à West Hempstead, dans l’État de New York, avec sa famille, a lui aussi acheté une maison à Beit Shemesh il y a environ six mois.

La maison est louée pour deux ans et l’idée est de l’utiliser à terme comme maison de vacances, a indiqué David, qui a demandé à ce que patronyme ne soit pas utilisé par respect pour sa vie privée.

« Nous ne déménageons pas encore », a précisé David. Toutefois, un déménagement pourrait être envisagé dans quelques années.

Selon David, la guerre en Israël a été un élément déclencheur de son achat, même si la famille avait depuis longtemps l’intention d’acheter une propriété en Israël.

De nouvelles tours résidentielles, à Beit Shemesh, en avril 2022. (Crédit : Elijah Lovkoff via iStock by Getty Images)

« Avec la guerre, nous avons ressenti que le moment d’acheter était venu », a-t-il expliqué lors d’un entretien téléphonique. Bien que la montée de l’antisémitisme aux États-Unis n’ait pas été un facteur déterminant, il reconnaît que cette préoccupation a pu influencer leur décision à lui et sa femme.

« Ce n’est pas conscient, mais c’était certainement présent dans nos esprits », a-t-il ajouté.

Quelle que soit leur motivation, elle est souvent suffisamment forte pour pousser les acheteurs à payer des prix supérieurs à ceux du marché pour posséder une maison en Israël, a observé Donny Fein, agent immobilier. Il décrit cela commune une « prime émotionnelle ».

« Les gens m’ont toujours dit qu’ils ne se sentaient pas en sécurité en Israël, et je leur ai toujours répondu qu’au moins, en Israël, nous savons qui sont nos ennemis », a-t-il expliqué. « En Amérique, vous pouvez marcher dans une rue au hasard et risquer d’être attaqué par un fou furieux qui hait les Juifs. »

 

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