Netanyahu écrase une mini-révolte et persiste à politiser le système judiciaire
Horrifié par la situation, le ministre de la Défense allait lancer un appel public pour arrêter la campagne contre l'indépendance des tribunaux quand Netanyahu l’a convoqué
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Une journée dramatique dans un État d’Israël amèrement divisé, marquée par une escalade des manifestations contre la révolution judiciaire immanente du gouvernement et par les premiers signes de dissension manifeste au sein du Likud de Benjamin Netanyahu. La journée s’est achevée par une déclaration du Premier ministre annonçant que le projet de loi fondamental, qui donnera à la coalition un contrôle quasi-total sur la nomination des juges israéliens, sera promulgué à la Knesset la semaine prochaine, comme prévu.
Si une mini-révolution était bel et bien en train de se préparer, elle a été écrasée avant même qu’elle n’ait pu s’annoncer.
Netanyahu s’est adressé à la nation environ une heure après que son ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait initialement prévu de le faire. Ce dernier, ancien général de Tsahal, avait prévu de lancer un appel public pour que soient suspendues les mesures législatives qui permettraient à Netanyahu et à ses alliés de la coalition d’extrême droite et ultra-orthodoxe de politiser et de réduire considérablement les pouvoirs de la Cour suprême, seul véritable frein aux excès du gouvernement.
Ces derniers jours, Gallant aurait fait part à Netanyahu de ses vives inquiétudes quant aux répercussions que pourrait avoir le projet de museler les pouvoirs de la Cour suprême d’Israël. Ce projet, qui exposerait également les soldats et les commandants israéliens à des poursuites internationales en cas d’abus présumés, provoque des divisions catastrophiques au sein de l’armée, en particulier parmi les réservistes de l’armée de l’air et d’autres unités d’élite, certains d’entre eux ayant menacé de ne plus se présenter pour le service actif.
Des inquiétudes similaires ont été communiquées au Premier ministre par le chef d’état-major de Tsahal, qui aurait souligné que les capacités opérationnelles de l’armée en pâtiraient, ainsi que par le chef du service de sécurité Shin Bet.
D’anciens chefs de différents services de sécurité israéliens ont fait campagne publiquement contre la révolution judiciaire. Ils ont notamment pris la parole lors des grands rassemblements qui ont eu lieu à travers tout le pays au cours des trois derniers mois, à mesure que le projet de loi avançait.
Des rumeurs ont circulé jeudi après-midi, peu avant l’appel public prévu par Gallant pour demander que soit mis fin au blitz législatif, selon lesquelles quelques responsables du Likud, ayant eux-mêmes émis de faibles critiques, pourraient unir leurs forces pour tenter de forcer la main de Netanyahu. L’ancien chef du Shin Bet Avi Dichter et l’ancien maire de Jérusalem Nir Barkat faisaient partie de ces dirigeants.
Gallant a été convoqué par Netanyahu au bureau du Premier ministre à Jérusalem alors qu’il était sur le point de prononcer son discours et que certains membres du Likud à la Knesset le dénonçaient et demandaient sa destitution en raison de son appel public imminent contre la ligne du parti.
Des menaces proférées contre Netanyahu s’il interrompait le processus ont été divulguées à la presse alors que Gallant quittait Tel Aviv, par des sources anonymes proches du ministre de la Justice Yariv Levin, fer de lance du projet de lois. Parallèlement à cela, d’autres sources anonymes au sein du Likud ont prévenu que « si Netanyahu arrête le projet de lois et capitule, il se retrouvera sans gouvernement ».
La conversation entre Netanyahu et Gallant a été brève et décisive. Gallant est sorti pour annoncer qu’il avait présenté à Netanyahu les détails de « l’impact des processus législatifs sur Tsahal et l’establishment de la Défense » et qu’à la demande du Premier ministre, il « retardait » son discours.
Peu après, Netanyahu s’est adressé à la nation.
Le Premier ministre a reconnu les craintes exprimées par les opposants à cette réforme : « Ils redoutent une théocratie, un État non libéral, des lois contre les LGBTQ, les laïcs, les femmes et les minorités ». Selon eux, la démocratie est menacée par « une Knesset et un gouvernement qui agiraient sans contrôle, ce qui pourrait nuire aux droits des individus ». Il a promis de « prendre en compte » les inquiétudes exprimées par Gallant au sujet des « implications pour la sécurité nationale ». Et il a déclaré pieusement : « Nous ne pouvons pas laisser un désaccord, aussi violent soit-il, menacer notre avenir commun ».
Il a néanmoins répété et développé ses attaques passées contre les juges de la Cour suprême, affirmant à tort qu’ils dirigent un club fermé qui s’autosélectionne, alors qu’en réalité les juges et le gouvernement disposent tous deux d’un droit de veto sur les candidats. Il a également dénoncé l’opposition politique pour son refus à tout dialogue sur ce qu’il a appelé des « réformes démocratiques », alors qu’en réalité, les dirigeants de l’opposition ont insisté pour que soient menées des négociations, exigeant comme condition préalable que la coalition arrête ses assauts législatifs.
Netanyahu a ensuite affirmé que l’élément le plus important du paquet législatif – la modification du processus par lequel Israël choisit ses juges afin de donner à la majorité au pouvoir le contrôle des deux premières nominations à la Cour suprême au cours d’une législature de la Knesset, une grande influence sur toutes les nominations ultérieures à la Cour suprême, la capacité de choisir le président de la Cour et la pleine autorité sur les nominations aux tribunaux inférieurs – serait voté la semaine prochaine, comme prévu. Il a fait observer, à juste titre, que la législation avait été modifiée ces derniers jours – un projet antérieur donnait à la coalition le contrôle automatique de toutes les nominations à la Cour suprême – et a déclaré que le changement avait été introduit pour répondre aux craintes des critiques que la Cour soit contrôlée par la majorité politique. Il a également affirmé, comme il l’a fait à maintes reprises ces trois derniers mois, que cette prise de pouvoir « n’est pas la fin de la démocratie ; elle la renforce ».
Le ton adopté par Netanyahu dans son discours était plus conciliant que dans la plupart des discours qu’il a prononcés dernièrement. Il a concédé, que les opposants à la révolution « ne sont pas des traîtres », après les avoir qualifiés « d’anarchistes » et avoir notoirement comparé certains d’entre eux (avant de se rétracter) aux résidents d’implantations extrémistes qui ont incendié des maisons palestiniennes à la suite d’un attentat terroriste le mois dernier.
Il a également promis, en termes vagues, d’inscrire dans la loi les droits individuels fondamentaux de tous les citoyens israéliens – y compris la liberté d’expression, la liberté de religion, l’égalité et bien d’autres choses encore – que le paquet législatif actuel mettrait à l’abri de la protection des tribunaux.
Mais il y a le ton, et puis il y a la substance.
Et à la fin, Netanyahu, qui a formé cette coalition de partisans d’une ligne dure sans précédent et nommé Levin pour mener cette offensive législative sans précédent contre la démocratie israélienne, a choisi de maintenir sa ligne de conduite extrême. Il ne s’est pas laissé décourager par les protestations qui se multiplient, ni par les avertissements de l’intérieur comme de l’extérieur concernant les risques de chaos économique et, pis encore, ni par les inquiétudes exprimées par son ministre de la Défense, qui craint que la cohésion, la solidarité et le sens de l’objectif commun au sein de l’armée israélienne ne soient en train de s’effriter.
S’il avait voulu une échelle pour descendre, elle était à sa portée : il aurait pu prôner la sécurité nationale plutôt qu’un programme radical et destructeur, tenir compte des avertissements de son ministre de la Défense au détriment de son projet de loi principal. Mais Netanyahu a une fois de plus montré à quel point ses priorités étaient devenues biaisées.
Ainsi s’est achevée une journée extraordinairement dramatique, au cours de laquelle, et alors qu’Israël continue sa course folle vers l’abysse, selon les mots maintes fois répétés du président Isaac Herzog, il nous a été donné de croire, ne serait-ce que quelques instants, qu’il serait possible de faire pression sur le Premier ministre pour l’amener à reconsidérer les intérêts vitaux d’Israël, quitte à être défié par une poignée de politiciens du Likud encore prêts à faire passer le bien-être de leur pays avant leur propre carrière.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel