Netanyahu et Smotrich saluent la note de crédit inchangée de S&P
Le Premier ministre et le ministre des Finances ont déclaré que le prochain budget "renforcera l'économie" ; un officiel du Trésor met en garde contre les dépenses pour les haredim
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et le ministre des Finances ont salué, samedi, la décision prise par S&P (Standard & Poor’s) de conserver la note de crédit d’Israël inchangée – AA. Les deux ont toutefois ignoré ses avertissements concernant le plan de réforme du système judiciaire israélien qui est actuellement avancé par le gouvernement.
La firme dont le siège est à New York a évoqué, vendredi, « l’économie résiliente, la balance forte des paiements et un niveau modéré de dette publique » même si elle a encore une fois mis en garde contre « les risques intérieurs et régionaux aux niveaux sécuritaire et politique » – citant parmi eux le projet de refonte du système judiciaire israélien et le conflit avec les terroristes de Gaza.
« La préservation de la note de crédit positive d’Israël au cours d’une période de défi économique dans le monde est un vote de confiance dans nos politiques économiques actuelles », ont déclaré dans un communiqué conjoint Netanyahu et Smotrich.
« Nous adopterons bientôt un budget de l’État à la Knesset pour garantir que les efforts que nous livrons pour renforcer l’économie et pour lutter contre le coût de la vie continueront et ce, dans l’intérêt de tous les citoyens israéliens », ont-ils ajouté, sans faire allusion aux mises en garde émises par l’agence.
Dans son rapport, S&P a fait savoir que l’instabilité politique – combinée aux difficultés économiques actuelles aux États-Unis et en Europe – ferait ralentir la croissance dans le pays « à 1,5 % en 2023 contre 6,5 % en 2022. »
La firme a exhorté le gouvernement à trouver une forme de consensus sur le plan de refonte judiciaire, qui autoriserait l’économie à « retrouver sa moyenne annuelle de 3,5 % à partir de 2024 avec le soutien d’une performance forte dans le secteur diversifié des hautes technologies israéliennes ».
Cela fait des mois qu’il y a en Israël des manifestations massives contre l’initiative gouvernementale qui vise à réformer le système de la justice israélien de manière radicale – qui prévoit notamment de placer les nominations des juges sous le contrôle des politiques et d’affaiblir la Haute cour, en lui ôtant ses capacités de servir de contre-pouvoir face à une possible toute-puissance gouvernementale. Ce plan de refonte, lancé par le ministre de la Justice Yariv Levin au mois de janvier, a été temporairement mis en pause par Netanyahu, fin mars, dans un contexte d’opposition massive aux réformes avec une indignation publique qui a atteint son paroxysme lors du renvoi – depuis annulé – du ministre de la Défense Yoav Gallant (Likud), qui avait mis en garde contre les conséquences du projet.
S&P a mis en exergue plusieurs scénarios concernant les répercussions que pourrait avoir le plan de réforme judiciaire. S’il est adopté sous sa forme initiale, il pourrait « encore exacerber les clivages dans la politique intérieure » et il pourrait être abandonné par les gouvernements qui suivront, a estimé l’agence de crédit.
Si le plan de réforme devait être abandonné dans son intégralité, alors « les partenaires d’extrême-droite et ultra-orthodoxes de Netanyahu pourraient ne pas accepter cet abandon – ce qui entraînerait la démission du gouvernement et de nouvelles élections générales anticipées », a noté S&P.
Le gouvernement se concentre actuellement sur la nécessité de faire adopter le budget de l’État courant sur deux ans avant l’échéance du 29 mai. S’il devait échouer, la Knesset serait dissoute et de nouvelles élections seront automatiquement organisées. Le cabinet devrait approuver la somme de 13,6 milliards de shekels dimanche, en fonds fournis à la coalition.
Sur ce montant, 4,2 milliards de shekels devraient aller aux yeshivot ultra-orthodoxes, un milliard de shekels devrait financer des bons alimentaires (en majorité à destination des communautés haredim), 1,2 milliard de shekels devrait soutenir le système d’éducation ultra-orthodoxe et 100 millions de shekels les écoles palestiniennes de Jérusalem-Est.
La Douzième chaîne a fait savoir dimanche que le département des budgets du ministère des Finances avait tiré la sonnette d’alarme face à cette allocation de fonds, disant que renforcer les incitations permettant aux haredim de ne pas entrer sur le marché de l’emploi pourrait avoir de graves conséquences sur l’économie du pays.
Yogev Gardos, chef du département, a indiqué que si le taux de chômage des ultra-orthodoxes restait élevé, alors l’économie serait moins forte de 6,7 trilliards de shekels à l’horizon 2065 – ce qui obligerait l’État à augmenter les taxes de 16 %.
Selon le quotidien économique Calcalist, Netanyahu a été fortement impliqué dans des discussions avec les représentants de S&P de manière à garantir que l’agence maintiendrait la note stable d’Israël. Le Premier ministre aurait assuré aux économistes de S&P que la réforme judiciaire ne serait pas appliquée sous sa forme originale.
Le président Isaac Herzog, qui est actuellement à la tête des négociations entreprises entre la coalition et l’opposition dans le cadre de ce projet de réforme judiciaire – des pourparlers qui n’auraient pas connu de grandes avancées – aurait, lui aussi, été impliqué dans ces discussions.
Mercredi, le Fonds monétaire international (FMI) a averti qu’une incertitude prolongée dans le cadre de la refonte judiciaire présentait « un risque notable de baisse » pour l’économie du pays.
Pour sa part, le mois dernier, Moody’s a abaissé la notation de crédit de l’État juif en évoquant « une détérioration de la gouvernance » et en interpellant le gouvernement de Netanyahu.