Netanyahu promet de ré-ouvrir les prisons pour migrants
Le Premier ministre soutient une loi qui autoriserait la Knesset à passer outre la Haute-cour, dont les magistrats ont ordonné la libération des demandeurs d'asile emprisonnés
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a juré d’adopter une législation déterminant la réouverture des centres de détention, passant outre des jugements du tribunal, quelques heures après l’abandon par son propre gouvernement d’un plan controversé prévoyant l’expulsion forcée de dizaines de milliers de migrants africains d’Israël.
« Après que plusieurs pays-tiers ont refusé de recevoir les infiltrés conformément aux conditions demandées par Israël, j’ai décidé, avec le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri, de préparer immédiatement la réouverture des structures de détention pour les infiltrés, de faire avancer [une législation permettant à la Knesset de primer sur la Haute-cour] de manière à ce que nous puissions faire fonctionner [les prisons] et de faire avancer d’autres moyens pour résoudre ce problème », a déclaré le Premier ministre dans un tweet.
Les ministres avaient approuvé au mois de novembre 2017 un plan visant à faire fermer le centre de détention de Holot alors que Netanyahu annonçait la conclusion d’un accord déterminant l’expulsion de 40 000 Africains entrés illégalement dans le pays.
Mais dans la matinée de mardi, des responsables de l’Etat ont fait savoir à la cour qu’il n’y avait « aucune possibilité » de contraindre les demandeurs d’asile – issus en majorité du Soudan et de l’Erythrée – à l’expulsion vers un pays-tiers et ils ont annoncé que les ordonnances existantes commandant leurs départs seraient annulées. L’Etat a indiqué que les migrants dont le permis de résidence temporaire a expiré seront en mesure d’obtenir leur renouvellement et que « plus aucune décision d’expulsion ne sera prise actuellement ».
La Haute-cour avait demandé au gouvernement de présenter un plan d’expulsion qui permettrait la réinstallation des migrants en toute sécurité dans un pays tiers, ou de les libérer de détention.
La semaine dernière, après le retour de l’émissaire spécial de Netanyahu d’Ouganda sans accord signé après 11 jours de négociations à Kampala, le tribunal avait ordonné la libération de 200 migrants africains de la prison de Saharonim, où ils étaient incarcérés après avoir refusé de quitter volontairement l’Etat juif. Au début du mois d’avril, 58 migrants avaient été libérés du même centre de détention après l’échec d’un accord similaire présumé avec l’Ouganda.
Il s’agit d’un revers spectaculaire pour le gouvernement dans ses initiatives visant, depuis des années, à expulser les demandeurs d’asile et c’est un triomphe pour les militants qui avaient fait appel devant le tribunal contre les plans gouvernementaux.
Le gouvernement de Netanyahu avait cherché à faire avancer une législation qui permettrait à 61 des 120 membres de la Knesset de réapprouver une loi rejetée par la Cour suprême, accordant en pratique à un gouvernement la capacité de passer outre le plus important tribunal israélien.
Le parti Koulanou, de la coalition, s’était opposé à cette loi de contournement de la Haute cour, mais avait indiqué qu’il soutiendrait un projet de législation permettant d’ignorer la décision des magistrats sur la question des migrants.
L’annonce faite mardi par Netanyahu a été saluée par le leader du parti HaBayit HaYehudi Naftali Bennett qui a indiqué qu’il « était satisfait » des plans du Premier ministre concernant la réouverture des centres de détention.
Une vaste coalition de critiques en Israël et dans la communauté juive américaine avait qualifié de « non éthique » le programme d’expulsion de l’Etat juif, disant qu’il ternissait l’image du pays en tant que refuge pour les migrants juifs. Plusieurs manifestations massives avaient été organisées pour le dénoncer dans plusieurs villes du pays ces derniers mois.
La politique d’expulsion antérieure, qui offrait à chaque migrant 3 500 dollars et un billet d’avion, avait été condamnée par les militants israéliens et l’ONU comme étant chaotique, mal exécutée et dangereuse. Les demandeurs d’asile précédemment expulsés vers l’Ouganda et le Rwanda ont déclaré au Times of Israel qu’ils étaient confrontés à un grave danger et même à l’emprisonnement après leur arrivée en Afrique sans documents en bonne et due forme.
Cette politique avait été encore davantage fustigée le mois dernier après que Netanyahu a cédé à la pression de sa coalition, annulant l’accord qu’il venait de passer lui-même avec les Nations unies sous les termes duquel la moitié environ des migrants auraient été réinstallés en Occident et les autres intégrés en Israël.
Netanyahu avait annulé l’accord passé avec le Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU quelques heures après son annonce, le 2 avril, sous la pression de ses alliés politiques de droite.
Israël considère que la majorité des 35 000 migrants africains approximativement sont en quête d’un emploi et que l’Etat juif n’a pas d’obligation légale de les maintenir sur le territoire, et les responsables font souvent référence à eux sous le nom « d’infiltrés ». Ces Africains, presque tous issus de la dictature de l’Erythrée et du Soudan ravagé par la guerre, affirment avoir fui leurs pays pour assurer leur survie et qu’ils affronteraient d’importants périls s’ils devaient y retourner.
Les Africains ont commencé à se diriger vers Israël en 2005 après que l’Egypte voisine a violemment réprimé une manifestation de réfugiés et qu’ils aient entendu parler de sécurité et d’offres d’emploi en Israël. Ils ont été des dizaines de milliers à traverser alors la frontière poreuse du désert avant l’édification par l’Etat juif d’une barrière en 2012, qui a mis un terme à l’afflux des migrants.
Israël, depuis, a lutté pour savoir que faire des Africains déjà présents sur son territoire, alternant plans d’emprisonnement et de détention et ne les autorisant à travailler qu’à des tâches subalternes.
Des milliers de migrants sont concentrés dans les quartiers pauvres du sud de Tel Aviv, une zone devenue connue sous le nom de « petite Afrique ». Leur présence a attisé les tensions avec les résidents juifs issus de la classe ouvrière, qui ont déploré d’un taux de délinquance en hausse et ont mis la pression pour que le gouvernement passe à l’action.