Fermeture du centre de Holot dans le cadre du plan d’expulsion des migrants
480 migrants seront libérés avec des restrictions géographiques sur les lieux où ils peuvent vivre et travailler
Holot, un centre de détention à ciel ouvert où Israël accueillait des migrants illégaux originaires dans leur majorité d’Erythrée et du Soudan, a fermé ses portes lundi à 23 heures 59, a fait savoir l’Autorité de l’Immigration et des frontières.
Cette fermeture entre dans le cadre d’un plan d’expulsion gouvernemental de milliers de demandeurs d’asile africains entrés illégalement en Israël.
Holot avait ouvert ses portes le 12 décembre 2013, suite à des décisions prises par le gouvernement visant à réduire la concentration des demandeurs d’asile au sein des municipalités. La vaste majorité des migrants s’est installée dans le sud de Tel Aviv.
Au cours des deux dernières semaines, l’Autorité de la population a libéré 480 demandeurs d’asile de Holot qui sont soumis à des restrictions géographiques qui les empêchent de vivre dans sept villes à forte concentration de demandeurs d’asile : Tel Aviv, Netanya, Eilat, Bnei Barak, Petah Tikvah, Ashdod et Jérusalem.
Dans les quatre ans qui se sont écoulés depuis l’ouverture du centre, ce sont approximativement 13 000 immigrants clandestins qui ont transité via Holot. Après une requête déposée par les organisations de défense des droits de l’Homme devant la Haute-cour, les magistrats ont estimé que personne ne pouvait être emprisonné à Holot pendant plus de 12 mois. Les lieux avaient été dans un premier temps envisagés comme un centre de détention dont l’objectif était d’encourager les migrants clandestins à quitter Israël sous peine d’être placés en détention.
Selon l’Autorité de la population, depuis le début des années 2000, 64 850 personnes ont clandestinement traversé la frontière de l’Egypte vers Israël.
Environ 72 % des migrants sont érythréens et 20 % sont soudanais. Les demandeurs d’asile érythréens ont fui un dictateur impitoyable et un service militaire obligatoire qui peut durer 40 ans. Les Soudanais, eux, se sont efforcés d’échapper au génocide du Darfour ainsi qu’aux combats entre le Soudan et le sud-Soudan.
La majorité des demandeurs d’asile africains est arrivée en Israël entre 2006 et 2012. En 2010, à l’apogée des vagues des entrées clandestines en Israël des demandeurs d’asile depuis le Sinaï, 1 300 personnes traversaient chaque mois la frontière.
Une fois dans le pays, les soldats israéliens les amenaient dans des centres de détention, en coordination avec l’Autorité de la population. Un grand nombre de migrants recevait ensuite des tickets de bus vers la gare routière de Tel Aviv, sans aucun autre service.
En 2014, Israël a achevé la construction d’une clôture électronique de 242 kilomètres le long de la frontière avec le Sinaï. L’immigration clandestine à travers le Sinaï s’est alors effondrée jusqu’à atteindre 11 cas en 2016 et 0 en 2017.
Kewane, 34 ans, un Erythréen qui a refusé de donner son nom de famille, a été libéré de Holot jeudi dernier après avoir passé plus de deux mois dans le centre de détention. Il raconte que le groupe qui a été libéré avec lui a passé 12 heures dans une salle d’attente et qu’il leur avait été dit de quitter Holot à 19 heures. Aucun moyen de transport n’avait été prévu.
Certains demandeurs d’asile n’ont été libérés qu’après 23 heures dimanche, et ont passé la nuit dans un abri de bus aux abords des portes du centre, a ajouté Kewane.
Kewane, qui a d’ores et déjà trouvé un endroit où vivre à Haïfa, retournera dans son appartement de Tel Aviv pour y récupérer ses vêtements et autres objets personnels dans la mesure où il ne peut plus vivre dans la ville sous les termes des conditions de sa libération.
« Je suis en colère mais par dessus tout, je suis heureux d’être sorti de là-bas », a-t-il dit par téléphone depuis Haïfa, avec en arrière-fond le brouhaha des voix de ses amis et le rythme d’une musique érythréenne. Même si son statut est incertain, Kewane possède un visa temporaire et cherche à trouver un emploi dans un restaurant ou dans un hôtel de la zone.
Kewane agit au sein du groupe politique United for Justice, un groupe international d’Erythréens de la diaspora qui milite pour le renversement du dictateur Isaias Afwerki et il risquerait la mort s’il devait retourner dans son pays natal.
Sabine Hadad, la porte-parole de l’Autorité de la population, a expliqué que plus de 20 000 demandeurs d’asile ont quitté l’Etat juif ces dernières années. Ils sont partis dans le cadre d’une « expulsion volontaire » avec une indemnisation versée de 3 500 dollars et un billet pour l’Ouganda ou le Rwanda, à travers un programme de réinstallation vers un pays-tiers comme les Etats-Unis ou le Canada et en coordination avec ces pays, sur une base individuelle.
Hadad a ajouté que l’Autorité avait organisé un marathon d’audiences et qu’elle avait déterminé que 300 demandeurs d’asile ne répondaient pas aux exigences de libération et qu’ils seront donc incarcérés dans la prison voisine de Saharonim en cas de refus d’expulsion. 480 demandeurs d’asile supplémentaires, comme Kewane, ont été libérés de Holot avec des visas temporaires.
Depuis le début de 2018, 398 érythréens et 49 demandeurs d’asile soudanais ont accepté de quitter le pays avec l’indemnisation en poche. Sur les migrants qui sont partis, 102 sont retournés dans leur pays d’origine et 104 sont allés en Ouganda ou au Rwanda. Les autres se sont réinstallés dans l’autres pays, que l’Autorité de la population a refusé d’identifier.
Israeël a procédé à « l’expulsion volontaire » d’environ 4 000 demandeurs d’asile au cours des quatre dernières années, selon le Haut-commissariat aux réfugiés de l’ONU, qui a exprimé ses inquiétudes sur le programme.
Le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies est actuellement en pourparlers avec un certain nombre de pays pour réinstaller certains demandeurs d’asile d’Israël. L’Etat juif devrait, en échange, accorder un statut permanent aux réfugiés, qui resteraient alors au sein de l’Etat juif.
Au mois de décembre, lorsque les ministres ont voté à l’unanimité en faveur de la fermeture de Holot, le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, avait déclaré que la structure était devenue « un hôtel pour les infiltrés au détriment du public ».
Ces derniers mois, des groupes d’Israéliens – pilotes, médecins, auteurs, anciens ambassadeurs, survivants de la Shoah – ont appelé le Premier ministre Benjamin Netanyahu à mettre un terme au plan d’expulsion, avertissant qu’il n’était pas éthique et qu’il causait de graves préjudices à l’image israélienne.
Mais les responsables israéliens prétendent que les demandeurs d’asile sont venus pour trouver des opportunités de travail, et qu’ils ne sont pas des réfugiés. Netanyahu a ainsi indiqué lors d’une réunion du cabinet, au mois de janvier, que « nous n’agissons pas contre les réfugiés. Nous agissons contre les immigrants clandestins qui viennent ici pour des raisons économiques. Israël continuera à être un asile pour les vrais réfugiés et expulsera les infiltrés venus clandestinement ».