Netanyahu rend-il Israël plus sûr en accueillant les nationalistes ?
Les dirigeants de Hongrie et des Philippines doivent se rendre à Jérusalem et les critiques affirment que l'essor des nationalismes place Israël du mauvais côté de l'Histoire
JTA – C’est devenu un élément essentiel de ses discours devant des auditoires en Israël et à l’étranger : Loin d’être politiquement isolé, affirme le Premier ministre Benjamin Netanyahu, Israël forme des alliances nouvelles et plus fortes avec une multitude de pays à travers le monde.
Ces dernières années, Netanyahu a visité ou accueilli, entre autres, le président russe Vladimir Poutine, le Premier ministre hongrois Viktor Orban et le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev. Netanyahu prévoit d’accueillir Orban en juillet et l’homme fort des Philippines Rodrigo Duterte en septembre.
Netanyahu vante le soutien à Israël de la part de ces dirigeants dans les forums internationaux. Mais les critiques disent qu’il s’en prend aux gouvernements autoritaires et ferme les yeux sur les mesures prises par leurs régimes en matière de révisionnisme de la Shoah et la résurgence de l’antisémitisme.
Cette critique s’est faite entendre à nouveau lorsque le ministère des Affaires étrangères a confirmé cette semaine que Netanyahu accueillera Orban du 18 au 20 juillet. De nombreux députés israéliens ont exhorté Netanyahu à ne pas le faire, citant entre autres la campagne du leader hongrois de droite dirigée contre le philanthrope américano-hongrois George Soros que beaucoup considèrent comme ayant été indirectement antisémite.
Tamara Cofman Wittes de la Brookings Institution a critiqué ces prochaines visites sur Twitter, écrivant que le gouvernement israélien « accueille Orban et maintenant peut-être Duterte ? Triste compagnie à avoir. »
Les défenseurs de Netanyahu disent qu’il est prêt à étendre les ouvertures diplomatiques aux démocraties et aux régimes autoritaires dans ce qu’il considère être une poursuite nécessaire pour assurer la survie de l’État.
« Israël n’a souvent pas d’autre choix que de maintenir des liens avec des régimes peu recommandables ou autoritaires », a déclaré Jonathan Schanzer, vice-président principal de la Fondation pour la défense des démocraties, à JTA.
« En tant que pays qui s’est trouvé isolé par ses voisins et parfois rejeté par l’Europe occidentale, Israël a été forcé d’essayer de se trouver des amis dans des endroits improbables. »
« Cette ouverture [aux régimes peu recommandables] », a précisé M. Schanzer, « ne doit pas être confondue avec l’alliance qu’il partage avec les États-Unis et qui est fondée sur des valeurs ».
Les détracteurs de ce travail de rapprochement disent qu’il arrive à un moment de résurgence du nationalisme de droite, et qu’Israël est du mauvais côté de l’histoire qui a souvent joué contre les intérêts et le bien-être des Juifs du monde entier.
« Il est étonnant que l’antisémite Viktor Orban se rende en Israël à l’invitation du Premier ministre, alors que @ArielElyseGold a été expulsée avec un visa en règle », a tweeté Batya Ungar-Sargon de Forward, faisant référence à l’expulsion d’Israël pendant le week-end d’Ariel Gold, une activiste américaine du BDS. « Quelle affaire déplorable. »
Dan Shapiro, l’ambassadeur des États-Unis en Israël de 2011 à 2017, a sévèrement critiqué la décision de Netanyahu. Shapiro a déclaré que le déploiement du tapis rouge pour les régimes autoritaires est une tentative malavisée de s’adapter à une réalité diplomatique promue par le président Donald Trump, dans laquelle les relations avec la Russie, la Chine et la Hongrie sont très prisées, tandis que celles avec l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France sont affaiblies.
« Israël s’est longtemps, et à juste titre, considéré comme faisant partie du club des démocraties, comme l’expression de son auto-identification en tant qu’État juif et démocratique », a déclaré Shapiro à JTA.
« Aujourd’hui, alors qu’une vague anti-libérale défie le monde démocratique – de l’Amérique à l’Europe en passant par Israël lui-même – émerge la tentation de s’aligner sur ceux qui semblent avoir le vent en poupe : Trump, Poutine, Orban, [et] Duterte ».
« L’éloignement de Trump par rapport à ses alliés démocratiques et sa sympathie pour les autocrates encouragent sans aucun doute cette tendance. »
Rejetant les arguments de nécessité israélienne, Shapiro a déclaré que Netanyahu devrait éviter de suivre l’exemple de Trump.
« Alors que la situation sécuritaire particulière d’Israël et d’autres impératifs l’incitent naturellement à développer un réseau de relations aussi vaste que possible », a-t-il dit, « je pense qu’il faudrait éviter que son image démocratique soit ternie par, de son propre choix, un alignement moindre avec le club des démocraties et plus avec cette coalition très différente ».
Chemi Shalev, correspondant du quotidien israélien Haaretz, a été particulièrement pointé du doigt dans sa critique de Netanyahu.
Il reconnaît que l’Union européenne est souvent critique à l’égard d’Israël, et qu’une des motivations de Netanyahu pour courtiser la Hongrie et la Pologne est de contrer cette tendance. Et les affinités de Netanyahu pour Trump ont payé avec la révocation de l’accord sur le nucléaire iranien et la relocalisation de l’ambassade américaine à Jérusalem.
Mais Shalev estime que la relation de Netanyahu avec Orban est plus que purement stratégique.
« Les deux luttent pour un anti-libéralisme ethnocentré. Tous deux partagent un mépris pour les valeurs libérales, en particulier celles admirées et cultivées par la grande majorité des Juifs américains. Les deux se battent contre les immigrants. Tous deux sont des ennemis jurés de la presse libre. Tous deux ont une affinité avec l’homme fort russe Vladimir Poutine et tous deux ont lié le destin de leur pays à Donald Trump », a-t-il écrit.
“Inutile de dire que Netanyahu s’est abstenu de critiquer Trump pour ses déclarations douteuses sur les racistes et les Juifs, y compris son équivalence post-Charlottesville entre les néo-nazis et les manifestants anti-racistes”.
Schanzer conteste de telles insinuations, souvent entendues de la part de la gauche israélienne, selon lesquelles Netanyahu ressent une affinité personnelle pour les régimes d’extrême droite. Schanzer note que l’histoire de l’État juif a été marquée par la formation de relations d’intérêt personnel avec des régimes peu acceptables.
« L’ouverture aux pays africains est un bon exemple de ce que rien de tout cela n’est nouveau », a-t-il dit à JTA. « Dans les premières années qui ont suivi la fondation de l’État, les diplomates israéliens se sont efforcés de tendre la main aux États africains. Israël tenait l’Afrique pour acquise. Maintenant, Netanyahu a ravivé certaines de ces relations. Donc, non, je ne pense pas que ce soit spécifique à Netanyahu. »
Tsilla Hershco, associée de recherche principale au Begin-Sadat Center for Strategic Studies de l’Université Bar-Ilan, affirme que ceux qui critiquent Netanyahu font un faux choix entre régimes autoritaires et régimes démocratiques.
« Netanyahu poursuit des objectifs légitimes visant à étendre le soutien, en Europe et ailleurs, à la position d’Israël sur des questions de sécurité vitales », a déclaré Mme Herscho à JTA.
« Malgré des désaccords évidents concernant le conflit israélo-palestinien, la récente tournée de Netanyahu en Allemagne, en Grande-Bretagne et particulièrement en France reflète l’importance qu’il attache à leurs positions vis-à-vis des préoccupations d’Israël en matière de sécurité.
Elliot Abrams, chargé d’études sur le Moyen-Orient au Conseil des relations extérieures, a repoussé l’insinuation selon laquelle Netanyahu poursuit une offensive de charme autoritaire – courtiser intentionnellement et spécifiquement les autoritaristes dans la quête d’une nouvelle sphère d’alliances. Au lieu de cela, a suggéré Abrams, Israël a l’intention de cultiver des alliés là où il le peut, même parmi les régimes peu recommandables, et il réussit de plus en plus à le faire.
« Israël reste isolé par beaucoup de ses voisins du Moyen-Orient et fait l’objet d’attaques continuelles dans toutes les agences de l’ONU. De plus, il est la cible du mouvement BDS très subventionné, en particulier en Europe », a déclaré Abrams au JTA.
« Le but de chaque gouvernement israélien a été de briser l’isolement, et Netanyahu a eu plus de succès que n’importe lequel de ses prédécesseurs. »
Abrams a salué la capacité de Netanyahu à gérer des relations simultanées avec les États-Unis et la Russie, ainsi qu’avec la Chine et l’Inde, cette dernière qu’il qualifie de « démocratie la plus peuplée du monde », bien que des journalistes spécialistes des affaires étrangères, du New Yorker et de The Economist aient critiqué la récente « tendance autoritariste » du Premier ministre indien Narendra Modi.
« A mon avis, l’effort réussi de Netanyahu pour améliorer les relations mondiales d’Israël ne devrait pas être critiqué comme une « offensive de charme autoritaire », a ajouté Abrams.
« Oui, Orban nous rend visite, mais Modi l’a fait aussi. »
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