Nides : Washington tente d’empêcher Israël de dérailler avec sa réforme judiciaire
Dans un entretien accordé au Wall Street Journal, l'envoyé américain dit avoir conseillé à Netanyahu de "freiner" la refonte du système judiciaire au profit d'un large consensus

L’ambassadeur sortant des États-Unis en Israël, Tom Nides, a déclaré que l’administration Biden s’efforçait d’empêcher Israël de « dérailler » alors que le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu a accéléré ses projets de réforme judiciaire face à l’opposition généralisée et à l’intensification des manifestations antigouvernementales.
Dans une interview au Wall Street Journal publiée lundi, avant que son mandat d’envoyé américain ne prenne fin cette semaine, Nides a déclaré qu’il pensait que « les Israéliens veulent que les États-Unis se mêlent de leurs affaires. Cela a parfois un prix, qui est de dire clairement quand nous pensons que les choses dégénèrent ».
Nides a indiqué avoir conseillé à Netanyahu de « freiner, ralentir » la mise en œuvre des mesures législatives et de parvenir à un large consensus sur ces dernières ; il l’a également mis en garde contre « toute précipitation qui, en fin de compte, pourrait avoir d’énormes implications, au moins en termes de perception, pour ce qui fait la grandeur d’Israël ».
Depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition de Netanyahu en décembre, les États-Unis ont exprimé leur inquiétude face aux mesures prises par Jérusalem pour réformer le système judiciaire et à d’autres initiatives politiques, telles que l’expansion des implantations.
Le mois dernier, la Maison Blanche s’est inquiétée de l’influence de l’aile droite de la coalition de Netanyahu sur la politique menée, notamment en matière d’implantations et de réforme judiciaire. Trois responsables de l’administration Biden ont admis au Times of Israel que Washington n’était pas convaincu que le leader de longue date du Likud contrôlait la situation.
Fin mars, le président américain Joe Biden a déclaré aux journalistes que Netanyahu ne viendrait pas à Washington » dans un avenir proche « , en raison de la frustration des États-Unis à l’égard des efforts de réforme du système judiciaire. Dimanche, Biden a déclaré que la coalition de Netanyahu comprenait certains des « membres les plus extrémistes » qu’il ait vus en Israël.

Lundi, la Knesset a adopté en première lecture un projet de loi qui interdira le réexamen, par les juges, des décisions les décisions prises par le cabinet, les ministres du gouvernement et d’autres représentants élus à l’aune de la notion juridique de « raisonnabilité ».
La commission de la Constitution, du Droit et de la Justice de la Knesset, présidée par Simcha Rothman du parti d’extrême droite HaTzionout HaDatit, devrait se réunir pour préparer le projet de loi pour ses deuxième et troisième (et dernière) lectures cette semaine.
Le projet de loi est soumis à un processus législatif accéléré afin d’être finalisé avant les congés d’été de la Knesset, qui débutent le 30 juillet.
Le caractère raisonnable est un critère judiciaire qui permet aux tribunaux d’annuler les décisions gouvernementales et administratives qui n’auraient pas pris en compte toutes les considérations pertinentes relatives à une question particulière, ou qui n’auraient pas accordé le poids nécessaire à ces considérations – même si elles ne violent aucune loi particulière ou ne contredisent pas d’autres décisions administratives.
Les partisans du projet de loi visant à limiter l’utilisation par les tribunaux de la doctrine du caractère raisonnable soutiennent que ce critère a encouragé la formulation de règles par le pouvoir judiciaire. Ses détracteurs affirment que la doctrine est un rempart essentiel contre les abus du gouvernement.
Le projet de loi fait partie d’un ensemble de mesures législatives controversées qui ont été proposées pour la première fois en janvier par le ministre de la Justice, Yariv Levin, et qui, selon les critiques, affaibliront l’indépendance du système judiciaire israélien.

Dans l’interview accordée au Wall Street Journal, Nides est revenu sur les deux années qu’il a passées comme ambassadeur des États-Unis en Israël, représentant une administration qui n’a pas encouragé les pourparlers de paix israélo-palestiniens.
« Je ne suis pas venu ici pour négocier une solution à deux États. Je suis venu ici pour faire des choses pratiques », a indiqué Nides, ajoutant qu’il ne recevrait pas le prix Nobel de la paix dans les sept prochains jours. « Mais je pense qu’avec le recul, je peux dire que j’ai fait des choses qui ont rendu la vie un peu plus facile et amélioré le quotidien du Palestinien moyen ».
Parmi ses initiatives, il a cité l’extension des heures d’ouverture du poste-frontière d’Allenby entre la Cisjordanie et la Jordanie pour une plus grande liberté de mouvement, et l’extension de la couverture cellulaire 4G aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, qui ne bénéficient actuellement que de services 2G et 3G respectivement. Ce plan a progressé lentement et est toujours en cours d’élaboration.
Nides s’est également efforcé d’obtenir des fonds de plusieurs pays arabes pour le réseau hospitalier de Jérusalem-Est, fonds qui avaient été promis l’année dernière. Les États-Unis ont annoncé un financement de 100 millions de dollars lors de la visite de Biden, et ont déclaré que les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït et l’Arabie saoudite compléteraient cette somme à hauteur de 25 millions de dollars chacun. Jusqu’à présent, seuls les Émirats arabes unis ont versé leur contribution.

L’ambassadeur sortant a également œuvré à la mise en service d’une centrale électrique dans la ville de Jénine, au nord de la Cisjordanie, après des années de tergiversations, et a exprimé l’espoir qu’elle sera prête dès la fin de l’année et fournira près de 50 % de l’électricité produite par les Palestiniens.
Le mois dernier, des progrès semblaient avoir été réalisés sur un autre projet de Nides, une proposition de développement d’un champ de gaz naturel au large de la bande de Gaza, une initiative qui a été lancée à maintes reprises depuis des dizaines d’années.
À la mi-juin, le bureau de Netanyahu a déclaré qu’il irait de l’avant avec la proposition et qu’elle s’inscrivait dans un « cadre existant d’efforts » entre Israël, l’Égypte et l’Autorité palestinienne (AP) pour développer le « champ gazier de Gaza Marine au large de la côte de Gaza ».
Cette initiative a été considérée comme un rameau d’olivier tendu aux Palestiniens qui, si elle se concrétise, devrait rapporter des milliards de shekels à l’Autorité palestinienne. Le cabinet du Premier ministre a déclaré qu’il poursuivait le plan en mettant l’accent « sur le développement économique palestinien et le maintien de la stabilité de la sécurité dans la région ».
Jacob Magid et Carrie Keller-Lynn ont contribué à cet article.