Orchestre inclusif de Jérusalem : Les aspirants musiciens s’en donnent à cœur joie
Pour le directeur du conservatoire, ces programmes destinés aux personnes avec des besoins spéciaux, aux personnes âgées et aux enfants de la périphérie donnent tout son sens à la musique
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »
Jouer de la musique (et danser) est au coeur des activités du Conservatoire de musique et de danse de Jérusalem, mais son directeur, Michael Klinghoffer, aime rappeler aux étudiants que les sirènes du succès et de l’argent ne font pas tout.
« Si vous donnez un concert et qu’il se passe mal, ou que vous obtenez une mauvaise critique, cela arrive, ce n’est pas très grave, il faut aller au-delá », explique Klinghoffer, contrebassiste et professeur d’arts musicaux au Conservatoire depuis 1987, et directeur depuis deux ans. « Ce n’est pas pour cela que nous sommes ici. Nous sommes ici pour donner, nous sommes ici pour avoir un impact sur la vie des autres. »
Nous avons assisté à une répétition de l’Orchestre inclusif de Jérusalem, l’une des nombreuses initiatives communautaires de Klinghoffer, depuis 15 ans, pour sensibiliser ses élèves à l’idée du don de soi.
Au sein de l’orchestre, seuls le contrebassiste, les clarinettistes, deux guitaristes et plusieurs chanteurs sont des élèves du Conservatoire : les autres membres de l’orchestre, à savoir deux guitaristes, deux percussionnistes, des chanteurs, un violoniste et un accordéoniste, font partie de Shekel, organisation de la ville de Jérusalem destinée aux adultes avec des besoins spéciaux.
Lorsqu’un musicien joue dans une perspective de don, cela change sa propre vision de l’art, ajoute Klinghoffer.
Cette répétition avait pour objet de préparer les 40 membres de l’orchestre à son prochain concert, le 13 juin, au Goldstein Youth Village de Jérusalem. La répétition avait été ouverte au public afin de s’habituer aux conditions réelles. (Le spectacle du 13 juin est également ouvert au public.)
« Nous sommes venus jouer de la musique », explique Marko, chef d’orchestre diplômé du Conservatoire.
« Il ne s’agit pas d’une thérapie ou d’un cours, c’est plutôt un moyen de se connecter à la musique et aux gens grâce à la musique. Il s’agit de toucher l’âme d’une autre personne. C’est l’endroit rêvé pour y parvenir. »
Ces cinq dernières années, le Conservatoire – comme on l’appelle ici – a reçu à deux reprises le prix du Conseil de l’enseignement supérieur pour la sensibilisation communautaire.
Ce prix est d’une très grande importance pour Klinghoffer, qui considère ces initiatives comme des moyens de propager sa philosophie du don aux étudiants du Conservatoire.
Cela fait partie de sa vision globale de l’éducation.
Le parcours musical de Klinghoffer est fait de bifurcations : il a commencé par apprendre le piano, très jeune, à la maison, avant de passer à la guitare électrique et au rock à l’adolescence, puis au jazz et finalement au classique.
Il s’est formé au Conservatoire de musique de Tel Aviv avant de s’installer à Jérusalem, pour la carrière de son épouse, et d’entrer au Conservatoire de Jérusalem.
Le Conservatoire de Jérusalem est à la fois la plus ancienne et la plus grande école d’arts du spectacle d’Israël. Il existe depuis 90 ans et accueille chaque année plus de 800 étudiants, venus d’Israël et d’ailleurs, au sein de ses 12 départements de musique, dont ceux dédiés à la musique de chambre, à la musique arabe, à l’opéra et aux musiques contemporaines.
La philosophie de Klinghoffer tient en quelques mots : que chaque élève trouve sa voie et fasse ce qui le passionne.
Le Conservatoire est situé sur le campus Givat Ram de l’Université hébraïque, mais il est ouvert à tous.
Il existe des programmes communautaires, comme celui de l’Orchestre inclusif de Jérusalem, et d’autres, pour les personnes avec des besoins spéciaux, cinq programmes de musique pour les enfants et adolescents et encore d’autres pour les seniors, dont une chorale multigénérationnelle riche de 80 élèves du Conservatoire, se réjouit Shoham Peled, diplômé du Conservatoire qui dirige ces initiatives communautaires.
Klinghoffer se rend dans le sud du pays à une quinzaine de reprises chaque année, accompagné de six élèves du Conservatoire, dans le cadre d’un orchestre de jeunes talents musicaux, mêlant Juifs, Arabes, laïcs et religieux.
Il ne cache pas la difficulté de l’exercice, surtout lorsque les roquettes pleuvent lors des moments de conflit avec les groupes terroristes de Gaza.
L’orchestre inclusif lui-même n’est pas exempt de conflits et de difficultés, témoigne le contrebassiste Shalev Ron, qui fait partie de l’orchestre depuis quatre ans, mais cela fait partie du jeu.
« Parfois, il faut les soutenir à bout de bras et les rassurer sur le fait qu’ils ont toute leur place ici », confie Ron.
« Ils aiment que les projecteurs soient braqués sur eux, mais parfois ils ne viennent pas. Nous avons appris à communiquer les uns avec les autres. »
La clarinettiste Tzuf Lasik ne savait pas qui était élève du Conservatoire et qui faisait partie du programme Shekel quand elle est arrivée. Cela lui a appris à prendre le temps et à envisager autrement le fonctionnement d’un orchestre.
Les élèves du Conservatoire ne savent pas toujours quels sont les problèmes des participants du programme Shekel, « et nous ne posons pas de questions », affirme le chef d’orchestre Marko.
« Dans tous les groupes, quels qu’ils soient, il y a des problèmes et des histoires », rappelle-t-il. « Ce sont des choses qui arrivent, nos problèmes sont ceux que rencontrent tous les musiciens : c’est ça aussi, la musique. »
Il est des participants au programme Shekel qui se définissent eux-mêmes comme des élèves du Conservatoire et pour certains élèves du Conservatoire, appartenir à cet orchestre est une grande fierté.
« Ma vie a plus de sens grâce à lui », conclut Ariel, le pianiste.