Pardonnez-nous, nous ne savions pas, pardonnez-lui, il ne comprend pas, affirment les parents du suspect des alertes à la bombe
G et S, parents de M, à l'origine d'une infatigable campagne de deux ans de menaces et de délits, tentent d'expliquer l'inexplicable
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Un jour, alors que M était un petit garçon, qui vivait avec ses parents en Californie, ils se sont rendus dans un parc à Los Gatos. M est monté sur son vélo, au sommet d’une colline, et avant que ses parents ne puissent l’arrêter, il a dévalé la pente, pédalant vigoureusement. « Je dirais qu’il roulait à 80 km/h », se souvient G, son père.
En dégringolant, M a violemment heurté un poteau. Un accident ? « Non, délibérément », affirme G.
Le sol a tremblé, toutes les personnes présentes dans le parc regardaient la scène, sous le choc. M a été propulsé de son vélo et s’est littéralement envolé. « C’est un miracle qu’il ne se soit pas tué », ajoute G.
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Essayait-il de se tuer ? « Non », répète G. « Il faut que vous compreniez. Il n’a aucun sens du danger. Après ce crash, il n’a même pas pleuré. Ce n’est pas un enfant normal. »
« Quelle association ! Une tumeur au cerveau et de l’autisme », déclare S, la mère de M, avec un ton empli de misère et de désespoir.
Je suis assis avec G et S, dans leur salon à Ashkelon. Leur appartement est petit et immaculé. Devant nous sont étalés des cartes routières dessinées par M – « la seule chose qu’il ait jamais dessiné, ce sont des cartes », précise S.
Il y a également une pile de dossiers médicaux, notamment un diagnostic de l’hôpital Hadassah qui attribue à M « un trouble envahissant du développement spécifié » ; un cadre rempli de photos de M enfant, un petit blondinet adorable, avec une tête qui semble un tout petit peu plus grosse que la normale et un IRM du cerveau de M, qui montre ce que ses parents définissent comme une tumeur sur le foramen de Monro, selon eux, à l’origine de tous ses malheurs.
Mais ce ne sont pas que ses malheurs.
Depuis deux ans, depuis sa petite chambre, mitoyenne au salon dans lequel nous nous trouvons, M aurait causé un chaos international. Selon les procureurs israéliens et américains, qui ont dressé une liste interminable de chefs d’accusation ces derniers jours, M, aujourd’hui âgé de 18 ans, a passé non pas des dizaines ni des centaines, mais des milliers d’appels sinistres, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois à des écoles, des hôpitaux, des centres commerciaux, des postes de polices.
Il indiquait que des bombes avaient été placées, qu’une fusillade allait avoir lieu, que des enfants avaient été pris en otage et qu’ils allaient être exécutés. Ses cibles étaient des institutions aux États-Unis, au Canada, en Israël, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et en Scandinavie.
Sur la seule journée du 16 décembre 2016, il a passé plus de 80 appels vers des écoles australiennes et néo-zélandaises.
Il lançait des fausses alertes à la bombe aux compagnies aériennes et aux aéroports, causant des atterrissages d’urgence, mobilisant des avions de chasse. Il aurait vendu de la drogue et des armes en ligne, dirigé un service de piratage et de falsification de documents.
Il avait publié une liste de ses tarifs pour ses services d’intimidations. Par exemple, ses clients pouvaient commander une menace de « massacre chez un particulier » pour 40 dollars. Un « massacre dans une école » coûtait 80 dollars, et une bombe placée dans un avion revenait à 500 dollars. Il avait tenté d’extorquer des fonds à un sénateur américain, selon l’acte d’accusation, et avait menacé de tuer les enfants d’un ancien employé du Pentagone.
Depuis le début de l’année, il a jeté son dévolu sur les institutions juives, et a déclenché l’évacuation de dizaines de centres communautaires et d’écoles à travers l’Amérique et a semé la panique chez les juifs américains, qui attribuaient cette montée de l’antisémitisme à l’élection du président américain Donald Trump, qui a vu l’extrême droite américaine se lancer dans une campagne d’antisémitisme.
Il a eu recours à des techniques de « camouflage » pour masquer sa voix et son emplacement. Lorsqu’il a été enfin arrêté, le 23 mars, la police a indiqué avoir trouvé dans sa chambre des antennes et des équipements satellites.
Un adolescent. Dans une petite chambre d’Ashkelon. Et ses parents, qui se sont battus pour l’éduquer et le protéger depuis sa naissance, et qui soutiennent qu’ils n’avaient aucune idée de ce qui se tramait.
Sa mère ne peut se résoudre à lire l’acte d’accusation. « Je m’effondre à chaque fois que j’entends un nouvel élément », dit-elle.
Un adolescent. Un enfant que G et S ont décrit, dans les deux heures qu’a duré l’interview, comme un enfant anormal, apathique, obsessif, asocial, insomniaque, un enfant qui n’a pas le sens de l’humour, un enfant incapable d’internaliser les conséquences de ses actions.
« Nous sommes tellement, tellement désolés », ont-ils répété à plusieurs reprises durant l’interview. Et M ? « Les gens voudraient qu’il présente des excuses. Ils voudraient qu’il dise qu’il est désolé », explique G. « Il ne comprend pas cette notion. »
Tout cela ne semble pas coller. Faire preuve de tant d’intelligence et de sophistication face à un clavier, et causer tant de dégâts. De la part d’un adolescent qu’aucune structure n’a été en mesure de scolariser. Et sans en faire part aux parents, précisent-ils, qui semblent être des gens convenables, mais dépassés et perplexes. S ne peut se résoudre à lire l’acte d’accusation. « Je m’effondre à chaque fois que j’entends un nouvel élément », dit-elle.
« Nous dormons à peine », dit G. « Et quand je parviens à m’endormir, je fais des cauchemars. »
C’est pour cela, semble-t-il, qu’ils ont accepté cette interview. Pour tenter d’expliquer l’inexplicable.
Perturbé depuis le début
S et G ne souhaitent pas parler de l’affaire criminelle de M. Ils veulent raconter sa vie, sa lugubre vie. Ils veulent que les gens comprennent que M, leur fils, celui qui est accusé d’avoir lancé des fausses alertes à la bombe, le génie criminel d’Internet, ne peut pas être considéré comme responsable de ses actions. Il a une tumeur. Il présente une forme d’autisme. Le mot Asperger survient durant l’interview.
Ils ne sont pas médecins, ils ne peuvent pas préciser les causes et les effets. Ils ne savent pas si sa maladie est génétique, ou si elle est due aux produits chimiques auxquels son père est exposé sur son lieu de travail. Il y a énormément de choses qu’ils ne savent pas sur ce qui a fait de leur fils ce qu’il est devenu aujourd’hui.
M – qui ne peut pas être nommé en Israël en raison d’une ordonnance de non-divulgation – est né à Tel Aviv, d’un père israélien G, et d’une mère immigrée des États-Unis, M.
G, qui a ouvert sa porte avec une expression de chaleur cumulée à de la fatigue, est ingénieur des matériaux. Il a travaillé avec les sociétés israéliennes Tambor (producteur de peinture, à Akko) et Kafrit (producteur de plastique dans le kibboutz de Kfar Aza).
Ils se sont installés aux États-Unis peu après la naissance de M. Il a vécu les premières années de sa vie dans le New Jersey et en Californie. G a subi trois interventions chirurgicales en Californie pour retirer des tumeurs causées par son travail, dit-il. M est un enfant unique, « parce que je ne peux plus avoir d’enfant », assure-t-elle spontanément.
Les problèmes de santé de M sont-ils liés au travail de G et à sa maladie ? Il n’en est pas sûr.
« J’essayais toujours de le faire rire », soupire son père. « Il ne riait jamais, il ne plaisantait jamais. »
Dans le New Jersey, une infirmière leur avait dit que M avait « un crane anormalement grand… au-delà du 90e percentile », raconte S. Ils ne savaient pas quoi faire de cette information, dit-elle. Maintenant, évidemment, ils pensent que la tumeur était présente depuis le début, et qu’elle freinait son développement, causant des troubles cognitifs et psychiatriques.
G et S échangent régulièrement des regards, quand ils parlent du passé de M. S s’exprime dans un hébreu hésitant, l’anglais de G est mauvais. Ils s’interrompent régulièrement, mais de manière courtoise. Ils veulent simplement que je prenne connaissance de tous les détails.
M, disent-ils, comprend les deux langues, mais a toujours eu du mal à construire des phrases. La communication n’a jamais été facile. « J’essayais toujours de le faire rire », soupire son père. « Il ne riait jamais, il ne plaisantait jamais. »
Ils parlent beaucoup de M au passé. Après tout, ils parlent d’une vie passée. Être les parents de cet enfant a toujours été une tâche ardue. Mais désormais, le dicton « la vie ne sera plus jamais la même » est un bel euphémisme.
Ils se souviennent que dès ses premiers jours de vie, M ne dormait pas. Infatigablement dynamique, il ne s’endormait que lorsqu’il avait atteint l’épuisement.
Et c’était un génie, un génie torturé. À l’âge d’un an, il réalisait des puzzles de 100 pièces. À 3 ans, S lui enseignait l’anatomie. « Il connaissait le nom de tous les os », se souvient G. « Et je ne parle pas de jambes et de bras. Je veux dire tous les os. Les couches de l’épiderme. Il construisait des tours avec des cubes et du coin de l’œil, il regardait des livres d’anatomie. »
Ils l’ont envoyé en maternelle à l’âge de 5 ans. Mais cela ne s’est pas bien passé. Il n’interagissait pas. Il n’était pas violent – il ne l’a jamais été – mais il dérangeait par sa présence, disait-on. Il n’établissait aucun contact visuel. Il n’était pas comme les autres enfants.
Il jetait la balle en arrière, par-dessus la tête. Il roulait à vélo droit sur un poteau. Il poursuivait le marchand de glaces. Sur la route. En pleine circulation. Imperturbable et inconscient. G et S ont tenté de lui apprendre la notion de danger. Mais il ne comprenait pas.
Ils sont arrivés en Israël et M a intégré une classe de CP à Ashkelon. Pendant huit mois, S été assise à ses côtés en classe. Il était dyslexique, dysgraphique. Il ne pouvait pas lire à voix haute.
S, titulaire d’une maîtrise en biochimie s’est retrouvée dans l’obligation de le scolariser à domicile. Il aimait l’histoire et la géographie. Il faisait de l’algèbre de tête. A 9 ans, il mémorisait 50 chiffres écrits sur une page après un rapide coup d’œil. Une mémoire photographique ? « Oui, je pense », confirme S.
Il poursuivait le marchand de glaces. Sur la route. En pleine circulation. Imperturbable et inconscient.
À un moment, raconte G, « il cachait le fait qu’il était un génie ». Je pense que G voulait dire que M ne cherchait pas à montrer ses prouesses. « Mais nous jouions à un jeu sur Google Earth, je lui donnais le nom d’une ville et il me donnait sa latitude. »
M était un collectionneur compulsif. Ils m’ont montré des classeurs en plastique avec des tickets de bus classés par date. Nous sommes entrés dans sa chambre. Sur son bureau se trouve un microscope, et un emplacement vide, ou se trouvait son ordinateur portable qui a été saisi, des kippot et un talith sur une table, et sa collection de pièces, nichée sur une pile de cahiers et de manuels scolaires.
« Une fois, il m’a fait acheter des milliers de billes », raconte G. « Nous sommes allés de magasin en magasin. Je devais le faire, c’était dingue. »
Une autre fois, il était convaincu que l’appartement était infesté de souris. « Nous avons colmaté chaque fissure », raconte S. « Nous avons mis du silicone partout », ajoute S. Il n’y avait aucune souris.
À l’âge de 11 ans, l’état de santé de M s’est aggravé. « Il a commencé à traverser des crises », explique G. « Nous étions dehors la première fois que cela s’est produit. Il nous regardait, l’air absent et se cognait, plusieurs fois de suite.
Il avait un regard triste. Puis, il enfourchait son vélo et disparaissait dans les champs. »
Ils l’ont cherché pendant 5 heures. Les voisins se sont mobilisés pour le retrouver. Ils ont appelé la police. Un hélicoptère aurait dû être affrété, mais la nuit tombait. Et M est réapparu et est rentré chez lui.
« Depuis ce jour, plus rien n’était pareil », raconte S. « Sa personnalité a changé. Il prenait son vélo, de manière compulsive. »
G précise « si son pneu crevait, il roulait sur le métal, il roulait avec ses pieds sur le guidon, il devenait fou. »
À 13 ans, il a fêté sa bar mitsva au mur Occidental. A-t-il lu la Torah ? Ils se regardent, confus. Ils pensent qu’il a récité les bénédictions. « Il n’était pas vraiment là », disent-ils.
Un voisin s’était plaint de ce cycliste. Une assistante sociale était venue chez eux. Sa supérieure avait dit qu’il devait être interné.
S, scandalisée, « J’ai dit qu’il faisait des crises, qu’il avait besoin de traitement neurologiques. »
G ajoute : « Nous pensions que le fait qu’il soit enfant unique, qu’il n’ait pas d’interaction avec d’autres enfants affectait ses aptitudes sociales. Mais nous nous sommes rendus compte que la situation empirait. »
Ils ont alors décidé de demander un avis médical pour un éventuel traitement aux États-Unis. « Je l’ai emmené dans le New Jersey, chez la mère de S. »
Ils ont pu souscrire à une assurance santé et ont consulté 15 médecins à travers le pays, raconte G. M avait des problèmes de vue, il voyait flou, il souffrait de vertiges.
– Il voyait en 3D.
– Pardon ?
– Il pouvait voir ce qu’il y avait en dessous de sa peau sur sa joue, mais personne d’autres ne le voyait. À cause de cela, il ne voulait pas sortir de la maison. Il disait qu’il était moche.
Un médecin a évoqué la piste de la photophobie. « L’une de ses paupières tombait, et parfois, il avait une boursouflure au-dessus de ses sourcils. »
Il a finalement subi une IRM, l’IRM qui a révélé la tumeur. « Voilà, c’est ici », affirme S en montrant du doigt l’image agrandie sur la table.
Ces derniers mois, ils pensaient qu’il allait mieux. Ils ont pris le silence dans sa chambre pour des progrès.
Fallait-il opérer ? Certains docteurs estimaient que c’était trop dangereux. L’un des médecins qui avait accepté de faire l’intervention n’avait pas bonne réputation. Alors G a ramené M en Israël.
Les médecins ont déconseillé de précipiter une opération. Ils ont préféré suivre l’état de santé de M. Parallèlement, G et S surveillaient son alimentation – riche en acides gras oméga 3, pas de sucre ni de produits manufacturés, beaucoup de vitamines. Ils pourraient à nouveau consulter quand il aura 18 ans, et pourront ré-envisager une opération. G travaillait en journée, S travaillait de nuit, « dans la vente », afin qu’il ne soit jamais seul.
Quand est arrivé le moment de l’enrôlement dans l’armée israélienne, G a rédigé un courrier expliquant sa situation. « Ils ne l’ont pas pris… nous avons tout de suite reçu une exemption. » G élimine fermement la théorie de la police qui suppose que certains des agissements de M étaient une vengeance contre les autorités militaires, qui n’avaient pas voulu de lui. « Ne pas faire l’armée ? Ça ne lui venait même pas à l’esprit. »
G a commencé a s’intéresser au cerveau, et explique qu’elle a « réalisé que la tumeur était probablement à l’origine de tout, notamment des symptômes d’autisme ». S pensait « avec certitude qu’après l’opération, il irait bien ». Mais pour l’instant, les médecins ne veulent pas opérer, et ces derniers temps, avec le régime alimentaire qu’il suivait, ils pensaient que l’état de M se stabilisait.
« Ces derniers mois, nous pensions qu’il allait un peu mieux », affirme S. Ils ont pris le silence dans sa chambre pour des progrès.
G raconte qu’il « allait à la plage et revenait, un kilomètre et demi, seul, environ 10 fois. C’était une grande réussite. Il apprenait à conduire. Bien sûr, il a réussi son code, et venait de prendre sa première leçon de conduite. »
C’est à ce moment que la police est arrivée.
Ils craignent pour sa vie
Le 23 mars, vers 6 heures du matin, G descendait les marches pour aller travailler, et la police était là. Ils sont entrés dans l’appartement, ont arrêté G, ils ont arrêté M et « ont pris toutes ses affaires », raconte G. L’acte d’accusation israélien stipule que M a tenté de s’emparer de l’arme de l’un des policiers. « Je n’étais pas dans la pièce, je n’ai rien vu », affirme G.
G a été incarcéré pendant 8 jours, à la prison Nitzan. « Désagréable », dit-il lorsque je lui demande de m’en parler. Il a été relâché sans conditions, mais il est toujours suspect. « Je ne sais rien, mais j’aiderais du mieux que je peux. » Il a été interrogé par les enquêteurs israéliens et par le FBI. « J’ai coopéré, bien évidemment. »
Rien ? Rien du tout ? Tous ces appels horribles. Durant tous ces jours, ces semaines, ces années. L’antenne sur le rebord de la fenêtre. « Je n’ai pensé à rien. Souvenez-vous, il ne dort jamais… Nous sommes tellement désolés. »
S secoue sa tête, en enfouit son visage dans ses mains : « C’est un enfant malade ».
G ajoute : « Peu de parents ont souffert comme nous avons souffert. »
« Chaque fois que le téléphone sonne », raconte S, « j’ai peur qu’ils m’appellent pour me dire qu’il lui est arrivé quelque chose. »
Encore une fois, ils ressemblent à des personnes normales, dans des circonstances surréalistes et dramatiques, angoissés et inquiets et profondément dépassés par les évènements.
Ils s’inquiètent au sujet de leur fils, placé au centre de détention Hadarim. Ils pensent qu’il est en isolement cellulaire la plupart du temps.
S : « Il a perdu 30 % de son poids. Il ne mange pas correctement. Il n’a pas de suivi médical. »
A-t-il subi des examens psychiatriques depuis son arrestation ? G confirme qu’un petit examen a été réalisé, pendant quelques minutes.
G : « Sa paupière tombe à nouveau. Je ne suis pas sur qu’il m’ait reconnu la dernière fois que je l’ai vu. »
S : « Chaque fois que le téléphone sonne, j’ai peur qu’ils m’appellent pour me dire qu’il lui est arrivé quelque chose »
G : « Nous craignons pour sa vie. »
S a griffonné quelques notes, quelques points qu’elle veut souligner. Et en tout premier lieu, des excuses. Le chagrin.
Et que personne, à Dieu ne plaise, ne pense que les appels adressés aux institutions juives étaient motivés par de l’antisémitisme. G me montre une photo de son père, un scribe, en train d’écrire un rouleau de Torah. C’était M qui récitait le kiddoush vendredi soir, et la prière de la havdalah, à la fin du Shabbat. Parfois, il se rendait à des cours dans la synagogue du quartier.
Par ailleurs, ils font face à des difficultés financières, avec des frais médicaux et juridiques. Leurs comptes en banque ont été gelés. « J’en appelle à la générosité des gens », dit-elle.
« Nous n’avons pas d’argent, nous nous demandons qui peut nous aider. »
Troisièmement, ils sont déconcertés et horrifiés par ce que leur fils a fait. « Qui fait quelque chose comme ça ? », se lamente S.
G : « Il a été arrêté pour des délits sérieux. Je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi de subir cela… La seule chose qui me conforte, c’est que personne n’a été blessé, c’est terrible. »
Et finalement, une fois de plus, quelle que soit la gravité et l’ampleur de ses agissements, M n’est pas conscient de ce qu’il a fait, ou, plus précisément, des conséquences et des ramifications de ses agissements. Leur enfant ne communique pas et ne fonctionne pas comme tout le monde.
Le père de M assure qu’il « n’est pas capable de subir un procès. Et il ne le subira pas. »
S : « En deux minutes, on comprend de manière évidente qu’il est autiste. » Tous les voisins le savent, et sont en général d’un grand soutien, dit-elle.
« Les autorités semblent penser qu’être ‘fou’, c’est [bafouiller] et agiter les mains. Ils ne veulent pas accepter qu’il a des problèmes. Ils ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre. » G et S reconnaissent que lors de la dernière audience de renvoi, le juge a confié l’affaire à la juridiction du tribunal pour mineurs, une étape positive, estime S.
Et lorsque je leur demande ce qu’ils pensent de la bataille que se livrent les autorités israéliennes et américaines, sur une éventuelle extradition, ils sont inflexibles : « Nous vivons ici, il doit être poursuivi ici », affirme G
Poursuivi, dit-il. Pas jugé. « Il n’est pas capable de subir un procès. Et il ne le subira pas. »
S intervient : « La question de son opération ne se pose plus. Avant, nous avions peur des conséquences. Mais maintenant la question ne se pose plus. »
G regarde vers le ciel, les lèvres pincées, en signe de désespoir. Il pense : « Est-ce trop tard ? » ou « Que va-t-il se passer ? »
« Nous n’avons jamais fait de mal à personne », dit-il. « C’est de la folie. »
« Qui fait une chose pareille ? » avait demandé S.
Une question terrible, posée par une mère, et à laquelle personne n’a de réponse, pas même elle.
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