Paris : Le mémorial de la Shoah célèbrera la Journée des droits des femmes
Le 9 mars, l'institution parisienne inaugurera une grande exposition temporaire consacrée à la photographe et résistante juive Julia Pirotte
Le mercredi 8 mars sera célébrée la Journée internationale des droits des femmes – elle aura ainsi lieu au lendemain de la fête juive de Pourim, qui célèbre l’action de la reine Esther, qui a sauvé son peuple d’un complot meurtrier.
À l’occasion de cette journée, qui vise notamment à lutter contre les inégalités par rapport aux hommes, le mémorial de la Shoah de Paris organise plusieurs événements liés.
Le dimanche 5 mars, à 15h, l’avant-première de deux épisodes (2×30 min) d’une enquête sonore en cinq épisodes, écrite et réalisée par Marie Chartron et Anouschka Trocker, viendra rendre hommage à Louisa Aslanian, écrivaine et résistante dans la France occupée.
Née entre 1902 et 1906 dans une famille arménienne à Tabriz en Iran, Louisa Aslanian, dite Lass, émigre à Paris en 1923. Écrivaine, ses textes et poèmes sont publiés en arménien dans les journaux de la diaspora. Durant la guerre, elle s’engage dans la résistance communiste et est proche de Missak Manouchian. Lass est arrêtée en 1944 et meurt en déportation. Elle tombe ensuite dans l’oubli.
« À Paris, Marseille, Ravensbrück, Leipzig et Erevan, cette enquête sonore tente de reconstituer le parcours de cette femme engagée, en dépit de la dispersion ou de la destruction des traces », écrit le mémorial.
La rencontre se déroulera en présence des auteures, de Houri Varjabédian, traductrice et directrice de collections, et de Krikor Beledian, écrivain de langue arménienne, maître de conférences émérite à l’Inalco. Elle sera animée par Claire Mouradian, historienne, directrice de recherches émérite au CNRS.
Gratuite, ouverte sur réservation, elle sera organisée avec le soutien de l’INA.
Le jeudi 9 mars, à 19h, une conférence aura lieu sur le thème « Féminicides et génocides », à l’occasion de la parution de l’ouvrage Féminicides. Une histoire mondiale dirigé par Christelle Taraud (La Découverte, 2022).
« Penser les génocides à l’aune des concepts de genres et de féminicides permet d’en affiner notre compréhension, étant donné qu’un des objectifs des génocidaires est de détruire les forces de reproduction et la cohérence identitaire du groupe visé », explique le mémorial. « Cela passe par la destruction des corps des femmes, précisément parce qu’elles sont des femmes. En partant de l’ouvrage collectif dirigé par Christelle Taraud, trois chercheuses discuteront des violences extrêmes faites aux femmes durant les génocides des Arméniens, des Juifs et des Tutsi. »
Les participantes sont la directrice de l’ouvrage, ainsi que Violaine Baraduc, anthropologue et documentariste, Mireille Bardakdjian, doctorante en histoire (EHESS), et Marta Havryshko, URIS Fellow, Basel University.
La rencontre, gratuite sur réservation, sera animée par Caroline François, chargée des expositions au mémorial de la Shoah.
Elle sera retransmise en direct sur le site internet, les pages Facebook et YouTube du mémorial de la Shoah
Enfin, le 9 mars, le mémorial inaugurera une grande exposition temporaire consacrée à la photographe et résistante Julia Pirotte. Elle sera proposée jusqu’au 30 août.
Julia Pirotte, née Golda Perla Diament le 26 août 1907, a grandi entre Końskowola et Lublin en Pologne dans une famille juive pauvre.
Arrêtée à 17 ans pour son engagement dans la jeunesse communiste, elle a passé quatre ans en prison. En 1934, elle a fui la Pologne aidée par le Secours rouge international. Arrivée en Belgique, elle a épousé l’ouvrier et syndicaliste Jean Pirotte, et a rencontré la future résistante Suzanne Spaak. Grâce à cette dernière, elle a entrepris des études de photographies et entamé une carrière de photojournaliste.
En mai 1940, suite à l’invasion de la Belgique par l’Allemagne, elle a pris le chemin de l’exode puis s’est fixée à Marseille, où elle a arpenté la région pour la presse locale.
Ses reportages montrent les conditions de vie précaires des habitants du Vieux-Port, la vie des femmes et des enfants juifs du camp de Bompard et les maquis de la résistance.
Elle a rejoint la Résistance très tôt avec sa sœur Mindla Diament. Agent de liaison pour les FTP-MOI, elle a transporté tracts et armes et fabriqué des faux papiers. Le 21 août 1944, présente aux cotés des insurgés, elle a photographié la Libération de Marseille.
Après la guerre, Julia Pirotte a rejoint la Pologne, pays en pleine reconstruction. En 1946, elle est l’une des seules photographes présents à Kielce juste après le pogrom – son reportage est un témoignage poignant sur l’antisémitisme toujours virulent dans son pays.
En 1957, Julia Pirotte part en Israël notamment pour expérimenter la vie collectiviste des kibboutz. De retour en Pologne, elle continue de réaliser des reportages pour la presse polonaise, mais son activité se réduit sensiblement.
Elle a arrêté sa carrière à la fin des années 1960, et ses photos ont été présentées dans de nombreuses expositions à Arles, New York, Charleroi, Paris ou encore Varsovie à partir des années 1980.
La France lui a décerné le titre de chevalier des Arts et des Lettres en 1996. Elle est décédée en 2000 à Varsovie.
Cette nouvelle exposition présente des tirages originaux et modernes conservés dans les fonds du mémorial de la Shoah et de plusieurs institutions internationales. Elle propose de parcourir la vie et la carrière d’une artiste engagée dont les photographies témoignent de sa sensibilité sociale et politique.
Les billets et les détails de l’évènement sont disponibles sur le site du mémorial.