Pas besoin d’être Treif pour être (très) bon : Ces chefs nous le montrent
Malgré le succès remporté par les restaurants non-casher, plusieurs chefs locaux ont choisi d'adhérer aux restrictions alimentaires juives. Et leurs adresses sont prestigieuses
La cuisine casher prend aujourd’hui sa revanche grâce à un groupe de chefs israéliens, anciennes étoiles du Treif et qui séparent dorénavant scrupuleusement le lait et la viande.
Meir Adoni, Yoram Nitzan, Eyal Shani et plusieurs autres chefs israéliens célèbres ont fait leur entrée dans la sphère casher au cours des dernières années, proposant au nombre croissant de clients en quête de casheroute des plats fins et des ingrédients (sans oublier des cartes de vins) qui s’accordent à leurs convictions comme à leurs envies.
Adoni est à la tête de deux établissements, le Blue Sky et le Lumina, installés au sein de l’hôtel Carlton de Tel Aviv, ainsi que de Dunya, la chaîne de restauration rapide casher qu’il a développée lui-même à Tel Aviv et à Kiryat Bialik. Nitzan, qui a passé 20 ans à concocter des spécialités à base de coquillage au Mul-Yam de Tel Aviv, très apprécié, exerce dorénavant ses talents à l’hôtel intercontinental David. Shani, connu pour sa part pour le Miznon et ses fameux choux-fleurs, a récemment lancé le Malka, un restaurant casher de Tel Aviv situé au centre de la ville.
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« J’ai toujours entendu dire qu’une bonne cuisine casher était introuvable », avait déclaré Adoni en commentant sa décision, en 2013, d’ouvrir le Blue Sky.
A l’époque, Adoni possédait Catit et Mizlala, deux restaurants très populaires mais non-casher à Tel Aviv.
« Je me demandais pourquoi parce que si j’étais amené à préparer une cuisine casher, je le ferais d’une manière finalement pas très différente de ce que je fais au Catit », avait-il dit.
Adoni a grandi dans un foyer casher et il se souvient très bien du trouble de ses parents lorsque, jeune chef, il avait commencé à cuisiner non-casher. A l’époque, il ne voulait pas se limiter en termes d’ingrédients (même s’il ne prépare jamais ni ne mange de porc, estimant que cette viande n’a pas sa place au Moyen-Orient).
« Le casher, c’est une évidence pour moi », indique-t-il. « La question, c’est de savoir comment y rester fidèle correctement et convenablement ».
Il y a environ huit ans, Jimmy Zohar, gérant du Carlton, a approché Adoni et lui a demandé d’ouvrir un restaurant casher là-bas.
« Je me suis dit que c’était le bon moment de me lancer dans une bonne cuisine casher », raconte Adoni, qui possède également deux enseignes non-casher à l’étranger – le Nur, à New York et le Layla, à Berlin. « Il faut avoir envie d’investir de l’argent et d’acheter les meilleurs poissons, les meilleures viandes et les meilleurs légumes, et s’aventurer jusqu’aux limites de la cuisine casher pour offrir les meilleurs repas ».
Le Blue Sky et le Lumina, les deux restaurants d’Adoni au Carlton, rencontrent un succès énorme depuis leur ouverture, il y a six ans.
Le Blue Sky, installé sur le toit de l’hôtel, surplombant la Méditerranée et les toits de Tel Aviv, sert des tartares de poisson aux agrumes et du carpaccio d’aubergines fumé, du poisson frais légèrement grillé et du Thai chraime, inspiré d’un plat traditionnel marocain. Le tout est servi avec une carte de cocktails frais et astucieux qui offrent l’opportunité d’une expérience gastronomique divine vécue en suspension au-dessus de la ville.
Le Lumina, quelques étages plus bas, est pour les vrais carnivores avec les « découpes incroyables » du meilleur boucher d’Israël, explique Adoni, et un mélange de plats classiques et modernes qu’il a souvent tiré de la cuisine de sa grand-mère.
« Le fait qu’elle soit casher n’est pas l’essentiel », s’exclame Adoni. « La cuisine est étonnante en elle-même ».
Le Blue Sky tient de la légende dans le monde religieux juif et même dans les cercles non-casher, ajoute Adoni. Le restaurant figure en permanence dans la liste de l’ambassade française des meilleures adresses de Tel Aviv.
« Le fait qu’elle soit casher, c’est le bonus », ajoute-t-il.
Pour plusieurs chefs, le choix de se tourner vers le casher les a amenés directement dans le monde hôtelier où ce type de cuisine et de savoir-faire est recherché et où ils ont trouvé, en échange, un foyer plutôt confortable.
Dans le passé, Nitzan passait ses journées à apprêter des crustacés dans son restaurant Mul-Yam, très apprécié des habitants de Tel Aviv, une adresse incontournable qui avait brûlé de fond en comble en 2015.
Il est maintenant chef au Nomi, son nouveau restaurant gastronomique qui a ouvert l’hiver dernier à l’Intercontinental David de Tel Aviv et accueille une clientèle triée sur le volet.
Le menu, au Nomi, est avant tout israélien, dans ses épices, ses saveurs et ses produits du Moyen-Orient. Il comprend également différentes pièces de boeuf et du poisson. Tandis qu’il lui a fallu un certain temps pour s’adapter aux restrictions et aux changements, Nitzan affirme apprécier le défi qu’il est amené à relever.
« Je me trouve maintenant dans une situation où je me suis familiarisé avec toutes les limites », explique Nitzan. « Je suis passé à l’étape suivante : Je recherche davantage d’ingrédients pour voir s’ils me permettront de réaliser des choses plus complexes ».
Ce sont les nouveaux clients – les consommateurs casher n’allaient jamais au Mul-Yam – qui nourrissent de nombreuses attentes, désireux de découvrir des sensations gustatives qu’ils n’ont jamais connu auparavant.
Et ainsi, Nitzan leur offre un sashimi de saumon avec des galets au gingembre, à la farine d’oignon et au miso ; un filet de loup sur un lit de purée d’échalote, de légumes verts et de mousse de la mer, ou son steak poché à l’oeuf ; un filet de veau accompagné d’un oeuf poché, de mousse de roquette et de miettes de canard fumé, accompagné de brioche.
C’est une expérience culinaire organisée qui s’avère précieuse grâce aussi à l’attention portée par Nitzan à tous les détails de l’assiette et qui semble ravir ses nouveaux clients.
Il y a aussi la signature du chef sur chaque soupe de légumes à racines, ses pâtes et risottos faits maisons, maintenant cuisinés lentement avec des artichauts moulinés pour apporter le côté crémeux – en lieu et place du beurre et du lait.
« Je ne m’étais pas penché sur la découpe du boeuf pendant longtemps », dit Nitzan. « La variété est bien plus large ici et c’est agréable de travailler quelque chose que je ne connaissais pas – ces découpes d’agneau et de boeuf que je n’avais pas été amené à préparer pendant un moment ».
Tandis que sa clientèle, au Mul-Yam, ne recherchait pas particulièrement un restaurant casher avec lui à la barre, elle l’a suivi au Nomi.
« Ce n’est pas le Mul-Yam et les clients ne doivent pas s’attendre à le retrouver », explique Nitzam. « En revanche, ils savent qu’ils y dégusteront la cuisine de Yoram Nitzan ».
Nitzan est heureux du défi représenté par la nécessité d’être plus méticuleux dans son artisanat gastronomique, ou par la création de plats plus sophistiqués dans son prochain menu.
« Cela me rend vraiment heureux », dit-il.
Pour certains de ces chefs, travailler dans l’enceinte d’un hôtel est finalement une libération – rendant plus facile la navigation entre les restrictions et les exigences du casher.
« Le restaurant d’un hôtel a une logistique étonnante », commente le chef Nir Elkayam, qui a coordonné la création du menu du 02, le nouveau restaurant qui a ouvert ses portes, cet hiver, à l’hôtel Inbal de Jérusalem. « J’ai une seconde cuisine qui peut aider le restaurant, j’ai des gens qui ne font que nettoyer les légumes avec quarante chefs cuisiniers qui travaillent pour moi. La cuisine fait une fois et demi la taille d’une cuisine de restaurant ».
Quand Elkayam et les membres de la direction de l’Inbal ont réfléchi au type de restaurant à ouvrir, ils ont demandé l’aide d’une équipe extérieure pour mettre en place le menu.
Et c’est l’équipe du Mona, un restaurant connu et non-casher de Jérusalem, également propriétaire d’un restaurant casher, l’Anna, spécialiste des pâtes installé dans la maison d’Anna Ticho, qui a été choisie.
« Je voulais apprendre des choses et on voulait créer un établissement qui ressemble moins à un restaurant d’hôtel », explique Elkayam, qui dit s’être inspiré du partenariat d’Adoni avec le Carlton. « Et ça a été une collaboration formidable ».
Elkayam savait que le 02 proposerait un menu de viande et tous se sont accordés sur un menu incluant des plats à base de boeuf lentement cuits ainsi que des brochettes de viande, plus communes dans les restaurants israéliens, tout en misant sur une qualité optimale des découpes de boeuf, des sauces maisons et des saveurs locales.
« On voulait vraiment faire un établissement qui ressemble à Jérusalem et il y a donc également du maklouba [plat arabe à base de poulet et de riz], des plats avec des pois chiches, toutes ces saveurs locales », dit Elkayam. « Je voulais que le poulet israélien et le poulet arabe soient présentés. Mes chefs sont des locaux, ils savent cuisiner les produits d’ici ».
Il y a eu néanmoins certaines complications. L’équipe du Mona a ainsi suggéré certains plats de poisson pour le menu mais Elkayam savait que le superviseur de la casheroute de l’Inbal ne permettrait pas de mettre dans le même four du poisson et de la viande.
« Ils ont l’Anna, qui est casher – mais laitier – et ils n’ont donc aucune raison de s’inquiéter de mettre ensemble du poisson et de la viande », explique Elkayam. « Mais ils ont compris ».
Enfin, explique Elkayam, ils se sont rendus compte que la mise en place d’un menu satisfaisant n’était pas impossible.
« On utilise de l’huile d’olive, jamais de la margarine. On n’a jamais été gênés par nos ingrédients de base », a-t-il dit. « Nous avons ce que nous utilisons, nos saveurs locales, et nous n’avons pas besoin de plus. C’est une formidable cuisine casher avec des ingrédients merveilleux ».
Mais lorsqu’on lui demande s’il ne mange que casher, Elkayam répond : « Je dis toujours : ‘Oui, je mange également casher’. » (c’est plus drôle en
hébreu !)
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