Philippe Val, ancien patron de « Charlie Hebdo », fustige la haine anti-Israël
Le journaliste a pris la défense de l'État hébreu contre certains médias français
Les défenses publiques d’Israël à heure de grande écoute sont assez rares pour être soulignées.
Chaque lundi, Philippe Val, journaliste, rédacteur en chef (1992-2004) puis directeur de publication (2004-2009) de Charlie Hebdo, puis patron de France Inter (2009-2014), tient une chronique matinale sur Europe 1. Dans celle de ce lundi, intitulée « Mais qu’est-ce qu’Israël a fait au monde ? », il a pris la défense d’Israël contre certains médias français, qui diffament le pays, ou sont beaucoup plus sévères à son égard qu’au sujet d’autres pays du monde.
« Je voudrais exprimer un gros malaise. Nous vivons dans un pays, qui certes n’est pas parfait, mais où les citoyens sont éduqués, où l’immense majorité de la population réprouve le racisme et l’antisémitisme, où Simone Veil et Joséphine Baker reposent ensemble au Panthéon. Bref, la France est une nation râleuse mais pas haineuse », a-t-il expliqué.
« On ne peut pas en dire autant d’une partie significative de nos médias, de nos intellectuels et de nos politiques qui s’ingénient à susciter la haine de l’État d’Israël. La propagande anti-israélienne n’a pas attendu le retour de Netanyahu pour se déchaîner. Voilà des mois et des années, que le journal ‘Le Monde’ accumule les reportages à charge. On a pu lire entre autres, cette ‘information’ entre guillemets, reprise par un journaliste du service public, qu’Israël, sous couvert de démocratie, est un régime militaire qui tue les journalistes. Plein de nuance, donc », dénonce Philippe Val. « Sans parler fin décembre d’un éditorial du ‘Monde’ visant à accréditer l’idée selon laquelle l’apartheid règne en Israël. Cet éditorial, qui donc, engage le journal, reprend en gros la propagande du Hamas, lequel est une source digne de foi », dit-il avec ironie, « financé par les Frères musulmans, le Hezbollah et par l’argent de l’aide financière internationale détournée – un modèle de fiabilité démocratique », poursuit-il.
« Les autres plaies [conflits au Moyen-Orient] intéressent moins. Les musulmans ont le droit à la compassion de nos médias de référence qu’à la condition d’être victimes d’Israël. Les Syriens, les Birmans, les Ouïghours, les Kurdes, les Iraniens victimes du terrorisme et des dictateurs, peuvent mourir par milliers, ils n’arriveront jamais à rivaliser avec les victimes arabes du conflit israélo-palestinien. Si on se réfère au volume d’articles, seuls comptent ceux qui ont Israël pour ennemi. Et c’est une inquiétante étrangeté », dit-il.
« Hier encore, des manifestations d’Israéliens avaient lieu en Israël en faveur d’un règlement équitable du conflit. Le président de la Knesset, Amir Ohana, nouvellement élu, troisième personnage de l’État, homosexuel déclaré, qui élève deux enfants avec son compagnon, défend les droits des LGBT et l’égalité des chances d’où que l’on vienne et qui que l’on soit. Les contre-pouvoirs de la démocratie israélienne tiennent le coup. Les nôtres, seraient-ils aussi solides si la France avait le Hezbollah à sa frontière nord et le Hamas à sa frontière sud ? Nul doute que Marine Le Pen, ou pire encore, serait depuis longtemps à l’Élysée », assure Philippe Val.
« Il est non seulement légitime, mais indispensable, de critiquer Israël, tout comme de critiquer toute politique d’un pays démocratique. Mais les vues humaines méritent les mêmes droits, et la situation des Palestiniens est intolérable, c’est certain, y compris aux yeux d’une grande partie des citoyens israéliens. Mais la critique n’est légitime que lorsqu’elle est équitable, sauf à sombrer dans la propagande qui consiste à assimiler un pays et tout un peuple, et d’une façon subliminale, tous les Juifs du monde, à la politique d’un État. Israël et le seul pays au monde à subir ce traitement infamant. Jamais un mot sur la corruption de l’Autorité palestinienne ni sur l’idéologie terroriste du Hamas, comme si les Palestiniens n’en étaient pas les premières victimes, et comme si elles n’étaient pas des freins à la paix aussi puissants que l’extrême droite israélienne, et comme si elles ne se renforçaient pas mutuellement… Alors je pose la question : est-on encore un journal de référence, responsable et crédible quand on alimente une détestation d’Israël au risque de ressusciter l’antisémitisme dans un pays qui s’honore de s’en être débarrassé ? », conclut-il.
En 2017, alors qu’il publiait l’ouvrage Cachez cette identité que je ne saurais voir, il avait déclaré au journal Actualité juive que, « bien [qu’il] ne soit pas Juif, [il se sentait] citoyen d’Israël au même titre [qu’il se sentait] citoyen de toutes les grandes démocraties respectueuses des lois protectrices de l’individu ».
« Israël est un morceau d’Europe au Moyen-Orient. Il est un témoignage de ce miracle humain qu’est la civilisation du Droit, et dont la pensée juive est cofondatrice », expliquait-il. « Je ressens une sorte de lien de filiation, je me sens l’enfant de tous ces pays convertis à la démocratie représentative et ayant accepté le consensus autour d’une Constitution universaliste pour ce qui concerne les droits humains. En clair, je me sens parfaitement chez moi à Paris, à Rome, à Tel Aviv ou à Berlin. Et j’ai la conviction qu’il faut tout faire pour que cela dure et prospère. »