Plus de répression ou plus de changements ?
Les forces de sécurité continuent à étendre les opérations en Cisjordanie. Elles cherchent la solution miracle pour endiguer la vague de terreur
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a donné carte blanche et son soutien à l’armée et aux forces de sécurité pour leurs opérations en Cisjordanie lundi pour réprimer le terrorisme qui ébranle Israël.
En plus de soutenir l’armée israélienne, la police et le service de sécurité du Shin Bet, Netanyahu et d’autres hauts fonctionnaires ont proposé de nouvelles mesures audacieuses pour faire face à la menace d’attaques contre des citoyens israéliens.
Si cela semble familier, c’est parce que le Premier ministre, le ministre de la Défense et le ministre de la sécurité publique ont déjà fait de telles déclarations, à de multiples reprises.
Plus d’arrestations, plus de renforts de Tsahal dans les zones sensibles, de fermetures et de points de contrôle dans des villages palestiniens, les menaces de démolitions des maisons et la révocation des permis de travail ont tous été proposés par le gouvernement et la défense comme le remède – ou tout du moins pour freiner – la violence en Israël et en Cisjordanie.
Bien que certaines de ces mesures ont été appliquées de manière cohérente depuis le début de cette semi-Intifada, beaucoup se sont affaiblies.
Au cours des deux derniers mois, les membres de la Knesset et des personnalités publiques clés ont appelé, même à prendre une action plus spectaculaire, une « opération Rempart 2 », au cours de laquelle, comme dans l’opération originale de 2002, les troupes de Tsahal et des tanks prendraient les plus grandes villes palestiniennes pour éradiquer le terrorisme.
De plus en plus d’arrestations
Les arrestations sont certainement arrivées. Les médias arabes ont signalé que plus de 1 000 Palestiniens ont été arrêtés depuis le 1er octobre, tandis que les médias israéliens annoncent un chiffre plus proche de 500. Et cette tendance ne semble pas aller en régressant.
Le gouvernement va également réfléchir à la possibilité d’arrestations massives de membres du Hamas connus en Cisjordanie, selon les informations de la Deuxième chaîne lundi.
À la suite de la fusillade de jeudi à l’intersection d’Etzion, l’armée israélienne a envoyé des troupes dans un village de Sair près de Hébron, profondément affilié au Hamas.
L’armée évite généralement d’entrer dans ce village car la possibilité de violente altercation est toujours élevée, a précisé un porte-parole de Tsahal au Times of Israel dimanche.
Ces incursions dans un foyer du Hamas pourraient être le préambule à de plus grandes mesures de répression contre le groupe terroriste, si le gouvernement choisit de procéder à des arrestations massives.
Oui, certaines de ces attaques – et certainement les plus mortelles – ont été menées par des personnes affiliées au Hamas ou l’aile militante du Fatah.
Les terroristes, qui ont tué Eitam et Naama Henkin en leur tirant dessus, étaient affiliés au Hamas ; les cousins, qui ont mené une attaque dans le bus numéro 78 à Armon Hanatziv, avaient des liens à la fois avec le Hamas et le Fatah ; le tireur qui a tué un père et son fils en chemin à une fête de famille était un membre du Jihad islamique.
Mais la majorité des attaques ont été menées par des individus apparemment sans affiliation à des groupes terroristes.
Les deux adolescentes arabes qui ont attaqué un Palestinien âgé avec des paires de ciseaux à Jérusalem lundi n’avaient aucun lien avec une organisation terroriste.
Wissam Tawabte, qui a poignardé à mort Hadar Buchris dimanche à l’intersection d’Etzion, n’avait aucun lien précédent avec des activités terroristes. Le père de cinq enfants, âgé de 36 ans, qui a tué deux Israéliens alors qu’ils priaient dans un immeuble de bureaux à Tel Aviv jeudi dernier n’avait également pas de liens directs avec des organisations terroristes.
En conséquence, la répression sur les groupes établis peuvent empêcher des tirs à plus grande échelle ou des attentats encore en état de projets, mais n’aura probablement pas d’impact sur la tendance à attaquer au couteau.
On met les casques et on les retire
Depuis le début des violences, l’intersection du Gush Etzion était un problème pour l’armée israélienne.
L’armée doit trouver un équilibre entre la sécurisation de la zone et la prévention des attaques et permettre aux citoyens – tant Palestiniens et Israéliens – à vaquer à leurs occupations, a expliqué le porte-parole de Tsahal.
« Nous ne voulons pas la transformer en une zone militaire fermée », a ajouté le porte-parole de l’armée dimanche.
Bien que l’armée israélienne est prête à accroître sa présence ainsi que la fréquence des contrôles de sécurité pour une courte période de temps, a-t-il poursuivi, ce n’est pas une situation qui peut durer indéfiniment.
Même l’apparence physique des soldats peut changer en fonction du niveau de sécurité.
« Nous avons été stricts sur le port des casques par les soldats depuis jeudi », a déclaré le représentant de l’armée.
Ce n’était pas le cas, cependant, dans les jours suivant les attaques à l’intersection, le mois dernier, quand les soldats ont reçu l’ordre de porter seulement leur gilet de protection en céramique pendant le service.
« [Les casques] projettent quelque chose aux civils », a expliqué le responsable et ce n’est pas nécessairement quelque chose de désirable.
Tandis qu’un soldat entièrement paré peut donner un sentiment de sécurité aux citoyens, cela peut tout aussi bien signifier une réalité effrayante – quelque chose que Tsahal espère éviter, a précisé le porte-parole.
Les blesser, nous blesser
Près de 60 000 Palestiniens de Cisjordanie sont détenteurs d’un permis de travail leur permettant d’entrer en Israël. Environ 20 000 ou plus travaillent dans les implantations juives en Cisjordanie. Environ 30 000 habitants de Jérusalem Est travaillent dans les régions occidentales de la ville et les implantations juives.
En incluant les dizaines des milliers de Palestiniens qui entrent illégalement dans le pays, plus de 100 000 Palestiniens travaillent en Israël et dans les implantations juives, principalement dans des emplois dans le bâtiment, d’entretien et d’accueil.
De nombreux politiciens ont marqué des points parmi les populistes en proposant une fermeture complète des villages arabes et des quartiers de Jérusalem-Est. Si tel était le cas, les effets pourraient être catastrophiques sur les économies palestinienne et israélienne, a estimé Marik Shtern, un chercheur à l’Institut de Jérusalem pour les études israéliennes, pour le Times of Israel, le mois dernier quand la fermeture a été proposée pour les quartiers arabes de la capitale.
Comme c’est déjà le cas, l’unité d’ingénierie de combat de Tsahal a mis en place des barrages routiers et des points de contrôle autour des villes palestiniennes et des villes en Cisjordanie afin de mieux limiter et contrôler les mouvements de la population, a précisé l’armée israélienne.
Mardi, l’armée a augmenté ses efforts pour contrôler les déplacements palestiniens.
Les soldats ont commencé à vérifier toutes les voitures palestiniennes circulant sur les routes aux côtés de conducteurs juifs. Les contrôles approfondis ont provoqué de lourds embouteillages autour de Hébron, Naplouse et d’autres villes arabes, selon le site d’informations Walla.
Un bouclage complet ou une continuation de ces vérifications exhaustives constitueraient également une punition collective contre le peuple palestinien, quelque chose que le ministre de la Défense Moshe Yaalon a souvent dénoncé.
« Nous devons nous efforcer de faire la différence entre la population palestinienne et la terreur palestinienne », a déclaré Yaalon le mois dernier lors d’un événement pour le Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT).
« Nous devons continuer à aider les résidents de Jénine, Naplouse et Ramallah à gagner leur vie et à vivre décemment. Nous devons les aider autant que possible dans leur économie, l’assistance, les soins de santé, les infrastructures et tous les domaines de la vie parce que ce reflète nos valeurs, et aussi parce que cela va dans nos intérêts », a déclaré Yaalon.
L’un des principaux arguments contre ces mesures de répression est l’affirmation selon laquelle les arrestations, les postes de contrôle et les barrages créent effectivement plus de terreur qu’ils n’en empêchent en frustrant davantage la population palestinienne.
Pour preuve, le matin même où l’armée israélienne a commencé à inspecter tous les véhicules palestiniens près de Naplouse et Hébron, un homme arabe a percuté un colonel de Tsahal, le lieutenant-colonel, un soldat enrôlé et un agent de la police des frontières, les blessant à des degrés divers.
Davidi Pearl, le chef du conseil régional du Gush Etzion, qui a toujours appelé à des bouclages des villages palestiniens depuis le mois d’ctobre, a reconnu la possibilité que l’augmentation des contrôles et d’autres mesures peuvent avoir un effet négatif mais a tout de même insisté sur le fait qu’il s’agissait du bon choix à faire.
« Oui, tout peut arriver », a déclaré Pearl au Times of Israel après l’attaque de dimanche à l’intersection au Gush Etzion. « Mais que pouvons-nous faire ? Nous avons essayé d’être sur la défensive, nous avons essayé tout le reste ».
Au lieu de cela, le leader des résidents des implantations a proposé : il est temps d’emmener la lutte chez eux. « Oui, c’est une situation complexe, mais regardez ce qui est arrivé pendant l’opération rempart », a dit Pearl, en référence à la campagne de grande échelle de 2002 qui a vu des chars et des troupes au sol entrer massivement dans les villes de Cisjordanie. « Les choses se sont calmées après que nous sommes allés dans les villes palestiniennes ».
En des temps désespérés…
Les appels à une « opération Rempart 2 » ont été entendus depuis les premiers jours de cette vague de violence.
En plus de Pearl, le chef du parti de droite, HaBayit HaYehudi, Naftali Bennett, a également appelé à une telle action militaire.
« Nous devons amener beaucoup de troupes dans Hébron et les villes qui l’entourent. Il n’y a aucun inconvénient à faire une sorte de Rempart dans cette région », a déclaré Bennett sur la radio militaire lundi.
« J’ai participé à l’opération Rempart d’origine en 2002 et ce n’était pas agréable. Cependant, nous sommes entrés dans les villes et les villages et nous les avons nettoyé », a-t-il dit.
« Nous allons continuer à faire pression pour cela sur le cabinet », a-t-il ajouté.
Beaucoup à gauche ont dénoncé Bennett et les autres personnes proposant une opération à grande échelle, les traitant de faucons lâches ou pire.
L’armée israélienne, en tant que telle n’a pas publiquement appelé à une opération de cette ampleur, mais les individus ont clairement fait savoir que si leurs services étaient requis, ils seraient prêts à servir.
« Juste là, je peux aller avec ma brigade et dans les 12 heures, je serais à Hébron et m’en occuperais. Je pourrais aller à Jénine et à m’en occuper. Et quand je finirais là-bas, Hébron et Jénine ne seront plus les mêmes que lorsque je suis arrivé », a déclaré le chef de la 188e Brigade Blindée, le colonel Nir Ben-David, au Times of Israel le mois dernier.
Cependant, le ministre de la Défense Moshe Yaalon lundi soir a rejeté les appels pour une action militaire massive, affirmant que l’armée a agi avec constance et efficacité sur une plus petite échelle.
« J’entends ceux qui disent que nous devrions revenir et faire une opération ‘Rempart2’ en Cisjordanie, mais nous avons été sur l’offensive depuis l’opération Rempart », a dit Yaalon lors d’une visite à Gush Etzion.
« Le fait que les infrastructures du Hamas et du Jihad islamique ont été incapables de relever la tête, et que par conséquent ce terrorisme est le terrorisme des individus, parce que nous menons des opérations de contre-terrorisme presque tous les soirs », a-t-il ajouté.
Bien que les forces armées et de sécurité ont en effet contrecarré de nombreuses attaques et confisqué de grandes caches d’armes, 19 Israéliens, un Américain, un Palestinien et un migrant érythréen ont jusqu’ici été tués dans des attaques terroristes depuis le 1er octobre, et plus de 200 personnes ont été blessées à des degrés divers.