Israël en guerre - Jour 467

Rechercher
"JE PORTE FIÈREMENT L'ÉTOILE DE DAVID DANS NOTRE CLUB"

Plus que centenaire, le club sportif juif Hakoah de Vienne attire les vocations les plus diverses

Pour le président du club, Thomas Loewy, ce club est une histoire de famille mais pour certains membres non juifs, c'est l'occasion de se dépasser

Les maîtres nageurs de Hakoah. (Collection privée via JTA)
Les maîtres nageurs de Hakoah. (Collection privée via JTA)

JTA — Cela fait une soixantaine d’années que Simon Panzer prend le départ de compétitions de natation, partout en Autriche, sous les couleurs de l’étoile de David.

Ce symbole renvoie à deux pans de ce qui fonde l’identité de Panzer, à savoir son judaïsme et son appartenance au club sportif Hakoah, fondé par des Juifs dans la capitale autrichienne en 1909.

Le club, comme tant d’autres en Europe, aligne des équipes sportives aux niveaux amateur et professionnel dans différentes classes d’âge et il joue un rôle social pour ses membres.

Le club est, pour les 14 000 Juifs de Vienne, une véritable source de fierté, du haut d’une histoire que Panzer qualifie de « très impressionnante ».

Mais de nos jours, à l’instar d’autres membres, il est partagé au sujet du symbole de longue date de leur club.

Panzer se dit fier de l’étoile de David, « mais aussi un peu effrayé, surtout depuis le début de la guerre de Gaza » et il admet ne plus la porter en dehors des compétitions de natation.

Depuis le début de la guerre, le 7 octobre 2023, provoquée par le pogrom des terroristes du Hamas contre Israël qui a coûté la vie à 1 200 personnes, essentiellement des civils, et fait 251 otages, l’antisémitisme à l’étranger connait un fort regain.

Le président du club Hakoah, Thomas Loewy. (Collection privée)

Le président du club, Thomas Loewy, se souvient d’une époque où l’étoile était « très stigmatisée » en disant : « Je porte fièrement l’étoile de David car c’est l’image de notre club. »

Mais pour Anna Dragolava, elle aussi membre du club Hakoah, le dilemme est particulièrement complexe parce qu’elle n’est pas juive.

« Je me suis demandée s’il était approprié pour moi, en tant que non-juive, de porter ce symbole », explique-t-elle, « mais j’ai décidé de le faire avec le respect qu’il mérite. »

Les différentes manières d’envisager ce symbole reflètent la manière dont Hakoah, qui signifie « la force » en hébreu, a vécu et accompagné la renaissance de la communauté juive de Vienne – et dont elle accompagne aujourd’hui les changements à l’oeuvre. Reconstitué à l’issue de la Shoah, le club a connu bien des succès ces dernières années.

Sa finalité a évolué depuis sa fondation : conçu à la base comme un lieu réservé aux sportifs juifs exclus des autres clubs, il accueille dorénavant des membres de toutes origines – la plupart non-juifs -, et promeut inclusion et diversité.

« Nous nous considérons comme un lieu privilégié de la communauté juive en matière sportive, mais nous ne tenons aucune forme de statistiques sur le nombre de membres, qu’ils soient ou non juifs », explique Loewy. « Tout le monde est le bienvenu ici. Mon but, en tant que président, est de faire d’Hakoah un haut-lieu d’échange et de compréhension ».

Le club de football Hakoah de Vienne, avec l’étoile de David en bonne place sur son uniforme et son drapeau. (Avec l’aimable autorisation de la JTA)

Le club est aujourd’hui réputé pour sa section natation. Parmi les athlètes les plus remarquables, citons Aviva Hollinsky, 16 ans, membre de l’équipe nationale junior autrichienne de natation, qui a remporté le 400 mètres quatre nages en individuel l’an dernier aux championnats d’Autriche, ainsi que son frère Gideon, l’un des meilleurs nageurs de dos autrichiens.

Leur mère, Simone Hollinsky, a un temps nagé sous les couleurs de l’Hakoah à la fin des années 1980.

Agé lui-même de 58 ans, Loewy a remporté l’argent au 100 mètres nage libre et l’or au 50 mètres papillon aux Championnats d’Europe qui se sont tenus à Belgrade l’été dernier, à chaque fois en établissant un nouveau record autrichien dans sa catégorie.

L’équipe junior de natation de Hakoah a pris la première place aux championnats d’Autriche Junior de plein air cette année, et les équipes minime et junior se sont classées parmi les meilleures équipes d’Autriche aux championnats individuels et par équipe, que ce soit en salle ou en plein air. Dans la catégorie des 18 ans et plus, l’Hakoah a remporté le championnat d’Autriche en 2021 et 2023, et le club est arrivé troisième en 2022.

Tous ces succès étaient pourtant bien peu probables. Au moment de la fondation du club, on estime à 200 000 le nombre de Juifs qui vivaient à Vienne, ville alors dirigée par Karl Lueger, maire dont l’antisémitisme le fait parfois qualifier de précurseur d’Adolf Hitler. Dans les années 1920, l’Hakoah comptait 5 000 membres, ce qui en faisait le plus grand club d’athlétisme de tout le pays : son équipe de football jouissait par ailleurs d’une solide réputation internationale et, une année, il avait même remporté le championnat d’Autriche.

Sa réputation était telle qu’en 1929, d’anciens joueurs partis pour les États-Unis ont repris le nom de l’équipe sans autorisation, ce qui leur a valu des menaces de la part du club viennois.

En 1936, trois de ses nageuses vedettes – Judith Deutsch, Ruth Langer et Lucie Goldner – ont boycotté les Jeux olympiques de Berlin en signe de défiance contre l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

Lorsque les nazis ont annexé l’Autriche, deux ans plus tard, ils ont fermé le club Hakoah et saisi ses biens – plus de trois hectares de terrain avec un stade, des installations sportives et un club-house.

Après la guerre, un petit groupe de Juifs rescapés – restés ou revenus à Vienne – a entrepris de ramener le club Hakoah à la vie. Pour Loewy, il s’agit d’une histoire de famille : son père, le dentiste Herbert Loewy, a survécu à la Shoah en « sous-marin », caché « sous terre » par ses grands-parents catholiques à Vienne.

Photo d’Hubert Nassau de l’équipe de natation Hakoah dans les années 1920. (Wiener Holocaust Library Collections via la JTA)

« Mon père a redonné vie à Hakoah avec ses amis après la guerre », explique Loewy. « Ils étaient peu nombreux à avoir la force et le désir de reconstruire le club à l’issue de la Shoah. »

Loewy ajoute que le club se réunissait alors dans « une cabane du club complètement délabrée, dans les montagnes non loin de Vienne ». Il poursuit : « Pour mon père et d’autres rapatriés, cet endroit leur a permis de rattraper leur jeunesse perdue et d’insuffler une nouvelle vie au club. »

En 2002, Hakoah a récupéré un terrain non loin de son lieu d’origine, dans le parc du Prater, à Vienne, dans le cadre d’un accord de réparation, qui lui a permis de poursuivre sa croissance.

Le nouveau centre sportif, achevé en mars 2008, comprend une salle de sport et d’événements polyvalente avec trois espaces, un centre de remise en forme adossé à un espace bien-être, des courts de tennis extérieurs, un terrain de beach-volley et une petite piscine.

Une affiche placardée à l’extérieur du club dit tout de cette nouvelle approche : « Pas besoin d’être juif pour être en forme ». Aujourd’hui, ses 800 membres – 500 d’entre eux engagés dans diverses compétitions et disciplines – incarnent la diversité des cultures et des origines des Viennois.

« Les nageurs de l’Hakoah viennent de presque tous les continents et ils représentent toutes les grandes religions », confie Erich Hille, président de la section natation. « A l’instar de nombreux autres clubs sportifs, nous apportons notre pierre à l’édifice de l’intégration, de la compréhension mutuelle et de la tolérance. »

Ses racines juives continuent d’avoir un sens pour certains membres, attachés à l’appartenance à ce club de leurs proches, par le passé, ou qui revendiquent fièrement leur judéité.

L’oncle du maître nageur Robert Beig, Otto « Schloime » Fischer, a joué dans l’équipe de football de 1926 à 1930. Le père de Panzer a, pour sa part, été membre de l’équipe de lutte Hakoah avant la guerre.

Né en Israël, Panzer est membre de Hakoah depuis ses 8 ans, date à laquelle ses parents sont revenus vivre à Vienne.

Les nageurs du club Hakoah, Ruth Pataki et Norbert Nagl. (Fédération autrichienne de natation)

« Je ne suis pas quelqu’un de religieux – aussi, pour moi, le fait d’être membre d’un club sportif juif est un bon moyen de manifester mon identité », confie Anita Weichberger, psychothérapeute élevée en Hongrie.

D’autres nageurs sont attirés par ce club pour la qualité de son accueil, son ambiance et l’accès qu’il offre à la compétition.

« Je ne suis pas juive et l’identité juive du club n’a pas été un facteur décisif pour moi », explique Dragolovova, qui a adhéré il y a peu au club après avoir quitté la République tchèque pour s’installer à Vienne. « Le plus important, c’est l’ambiance positive et la possibilité de nager. »

Le nageur de longue distance Norbert Nagl, qui détient deux records dans sa catégorie avec le club Hakoah, estime que « religion et politique n’ont rien à voir avec le sport ».

Le club a, certes, changé depuis sa création il y a de cela plus d’un siècle, mais il est toujours un lieu de vie communautaire et sociale pour ses membres, même s’ils sont un peu différents des premiers membres.

« Hakoah est plus qu’un simple endroit où l’on vient nager », estime Ruth Pataki, nageuse à la tête de la section des 18 ans et plus. « Il est défini par son histoire, son esprit d’équipe et la communauté de nageurs de différentes nationalités et de différentes religions qui le composent. »

L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.