Pologne : bataille politico-légale autour de biens fonciers juifs confisqués
Depuis le retour à la démocratie en 1989, aucun gouvernement n'a réussi à régler le problème des restitutions des biens d'avant-guerre, y compris ceux des juifs polonais, en majorité exterminés par les nazis
Les conservateurs au pouvoir en Pologne ont marqué un point lundi dans la bataille politique autour des anciens biens fonciers juifs, en annulant la décision des libéraux de restituer un terrain convoité du centre de Varsovie.
Le problème concerne un grand nombre de parcelles et de bâtiments confisqués par l’Etat communiste après la Deuxième guerre mondiale : les héritiers de leurs propriétaires peuvent tenter de les récupérer, au bout d’une procédure compliquée, tandis que les « chasseurs de droits d’héritage » essaient de s’en emparer en recourant à des procédés parfois douteux.
Ces derniers, avec l’aide d’avocats, les acquièrent pour une petite fraction de leur véritable valeur. Lorsqu’un bâtiment d’utilité publique occupe le terrain, la municipalité doit leur verser une importante indemnisation.
Les décisions de restitution étant prises par la mairie, un bastion de l’opposition dirigé par la libérale Hanna Gronkiewicz-Waltz, les conservateurs de Droit et Justice (PiS) ont créé une commission parlementaire pour enquêter sur elles et les casser le cas échéant.
C’est ce qui est arrivé lundi. « A la suite de décisions de restitution, le collège (situé sur le bien restitué, NDLR) a été transféré dans un autre quartier, contre le principe de l’intérêt social », a déclaré Patryk Jaki, vice-ministre de la Justice, qui est aussi président de la commission dont la légalité est contestée aussi bien par l’opposition libérale que par des juristes.
Leur annulation signifie que l’école peut revenir à son siège « dès demain », a-t-il affirmé.
M. Jaki a accusé la maire de Varsovie d’avoir « favorisé les intérêts de chasseurs de droits d’héritage de biens immobiliers de juifs ayant péri dans l’Holocauste, au détriment du Trésor public ».
Mme Gronkiewicz-Waltz a réagi dans un tweet : la ville a d’elle-même « arrêté le processus de cette restitution » et le bien en question « appartient toujours à la ville ».
Convoquée par la commission, la maire a refusé de se présenter devant elle, la qualifiant d’instrument « bolchévique » destiné à combattre l’opposition avant les prochaines élections locales prévues en 2018.
L’homme d’affaires qui a acquis les droits d’héritage pour ce terrain a été arrêté en mai. La justice mène sa propre enquête dans cette affaire, qui suscite des vagues dans l’opinion publique.