Pologne: le musée de Sobibor commémore les victimes avec leurs effets personnels
Les objets personnels découverts durant les fouilles réalisées avant la construction de ce nouveau musée rappellent la vie des 180 000 Juifs assassinés dans ce camp de la mort
- Le musée de Sobibor en Pologne, où 180 000 Juifs ont été assassinés par les nazis allemands pendant la Shoah. (Autorisation : Musée d'Etat de Majdanek)
- Le musée de Sobibor en Pologne, en 2020. (Autorisation : Musée d'Etat de Majdanek)
- La maquette de Sobibor telle que le camp de la mort apparaissait pendant la Shoah, une maquette à découvrir au musée inauguré au mois d'octobre 2020. (Autorisation : Musée d'Etat de Majdanek)
- Le musée de Sobibor en Pologne, inauguré au mois d'octobre 2020. (Autorisation: musée d'Etat de Majdanek)
Après plus d’une décennie de planification et de construction, un nouveau musée a récemment été inauguré à Sobibor, l’ancien camp de la mort nazi en Pologne.
Sobibor, l’un des trois camps de « l’opération Reinhardt » construit en 1942, avait été créé avec des chambres à gaz où 180 000 Juifs ont péri. Ce camp avait connu un soulèvement des prisonniers au mois d’octobre 1943 pendant lequel des dizaines de Juifs étaient parvenus à s’enfuir, survivant finalement à la guerre.
Qualifiant le musée de « couronnement d’une initiative lancée en 2008 par la Pologne, les Pays-Bas, la Slovaquie et Israël », la porte-parole Agnieszka Kowalczyk-Nowak déclare au Times of Israel que l’exposition permanente, qui a été inaugurée au mois d’octobre, vise à « informer les générations contemporaines et futures sur l’histoire de l’extermination de masse qui a eu lieu à Sobibor ».
Avec 323 mètres-carrés d’espace d’exposition, le musée de Sobibor est plus large que ceux de Belzec et Treblinka, les deux autres camps de la mort dressés dans le cadre de « l’Opération Reinhardt ». Ce sont plus d’un million cinq-cents mille Juifs qui avaient été assassinés dans ces camps à la fin de l’année 1943.
A LIRE : Des clichés de Sobibor dépeignent le camp de la mort nazi, et la révolte de 1943
Le site de Sobibor, dont fait partie le musée, est administré par le Musée d’Etat de Majdanek. Avant le début des travaux de construction en 2017, plusieurs secteurs choisis de l’ancien camp ont fait l’objet de fouilles archéologiques. Et, il y a trois ans, les charniers ont été recouverts de géotextile et d’éclats de marbre pilé.

Décoré de lignes brisées, en bois, pour évoquer la rampe de chemin de fer qui menait au camp, le centre des visiteurs et le musée ont été construits là où se trouvaient les baraquements où les prisonniers devaient se dévêtir avant d’aller dans « les douches » – l’euphémisme allemand désignant les chambres à gaz.
A l’intérieur du musée, seize espaces thématiques expliquent l’histoire du camp de la mort et de la Shoah dans la Pologne occupée. Des fenêtres horizontales fournissent un point de vue panoramique sur les lieux – notamment sur l’endroit où les prisonniers avaient tué des officiers SS au début de la révolte.

« L’architecture et la scénographie de l’exposition aident à construire une atmosphère, à souligner les contenus et les messages. Elles aident à recréer la mémoire visuelle de l’endroit », ajoute Kowalczyk-Nowak.
Après son inauguration au mois d’octobre, le musée a été fermé en raison du nombre croissant d’infections à la COVID-19 dans toute l’Europe. Depuis, des cours d’enseignement en ligne évoquant l’histoire de Sobibor ont été offerts aux élèves du secteur, continue-t-elle.
Au mois de mai, le musée prévoit d’accueillir un séminaire intitulé « De la mémoire des lieux à la pédagogie du souvenir ». Des éducateurs originaires de Pologne, d’Israël, des Pays-Bas, de Slovaquie et d’Allemagne seront invités à découvrir l’exposition et formés de manière à pouvoir intégrer ce qu’ils y ont découvert dans leurs enseignements.
« Un narratif parallèle »
Point fort de l’exposition, le musée présente une maquette reconstituée de l’ancien camp de la mort. Cela fait des décennies que les historiens débattent de la localisation précise des bâtiments spécifiques à Sobibor, et notamment de la localisation des chambres à gaz.

« Cette maquette du camp est un autre élément important de l’exposition », explique Kowalczyk-Nowak. « Elle recrée la topographie du camp aussi fidèlement que possible, ce qui donne le sentiment d’avoir un contact tangible avec le passé ».
Des caractéristiques du camp, découvertes grâce aux fouilles réalisées ces dernières années, figurent ainsi correctement sur la maquette pour la toute première fois. Parmi elles, le schlauch – un chemin incurvé, clôturé qui séparait les baraquements où se déshabillaient les déportés et les chambres à gaz. Surnommé avec cynisme par les SS « les routes du paradis », les vestiges de ce chemin avaient été découverts par deux archéologues, Wojtek Mazurek et Yoram Haimi.
Le cœur de l’exposition, dans le musée, est la présentation de 700 objets, presque tous trouvés lors de fouilles réalisées depuis l’an 2000. Les effets personnels des victimes de Sobibor sont disposés comme dans un tableau et éclairés par dessous.

Ces objets, présentés sur une table de 25 mètres de long, suivent le voyage effectué par les victimes de la liberté à la mort, selon les conservateurs du musée. Ils ont été rassemblés de manière à rappeler des aspects spécifiques de l’existence de chacune d’entre elles.
A une extrémité de la table, des objets associés à la maison – des clés, des plaques ornées d’un nom de famille. Les objets liés au voyage – des pièces, un portefeuille, un petit-porte monnaie – ont été installés tout proche.
Dans la section consacrée aux objets de toilette et aux médicaments, des produits affichant des noms de marque bien connus, comme des crèmes Nivea ou de l’aspirine Bayer. Il y a aussi des brosses à dents, une petite trousse de maquillage et un grand nombre de boîtes de médicaments venant de toute l’Europe.

Parmi les effets emportés, certains étaient liés au travail, comme le montrent de gros ciseaux similaires à ceux utilisés par les tailleurs. Lors des fouilles à Sobibor avaient aussi été retrouvés des dés à coudre, des montres, des outils d’écriture et également des bijoux, présentant des symboles juifs et hébraïques – avec notamment des alliances de mariage et des emblèmes « Chai » qui étaient à l’origine pendus à des chaînes.
Il a été possible, pour certains artéfacts, de retrouver le propriétaire d’origine. Pendant les fouilles, plusieurs plaques en métal qui appartenaient à des enfants ont été découvertes et – dans un cas – les descendants d’une petite fille Juive néerlandaise ont pu être localisés. Les conservateurs du musée sont même parvenus à retrouver les propriétaires d’une plaque sur laquelle était écrite uniquement l’inscription : « La Haye, 1888 ».

« Ces objets permettent de créer un narratif parallèle qui donne au visiteur l’occasion de se confronter au dualisme de la Shoah : Son ampleur inimaginable et l’expérience individuelle de la mort, » commente Kowalczyk-Nowak.
Au total, le musée est propriétaire de 11 000 artéfacts liés à Sobibor, avec également des objets ayant appartenu aux soldats allemands et aux gardes ukrainiens. Il reste aussi des vestiges matériels du camp lui-même, comme les barbelés et le panneau indiquant, après la guerre, la gare de Sobibor.
le musée est propriétaire de 11 000 artéfacts liés à Sobibor, avec également des objets ayant appartenu aux soldats allemands et aux gardes ukrainiens
En 2021 et en 2022, un mur de commémoration sera construit pour marquer le schlauch. De plus, le secteur où la révolte avait éclaté sera pavé, indique Kowalczyk-Nowak.

L’année dernière, les archéologues Mazurek et Haimi ont fait part de leur désir de retourner à Sobibor pour fouiller un tunnel qu’ils avaient commencé à explorer, et qui permettait aux détenus de s’échapper du camp. Ce duo – l’un est Polonais et l’autre Israélien – a aussi expliqué vouloir fouiller la rampe de chemin de fer qui, contrairement au reste du camp, n’est pas placée sous la compétence du musée d’Etat de Majdanek.
« Nous ne prévoyons pas de fouilles archéologiques supplémentaires sur le site », affirme, pour sa part, Kowalczyk-Nowak. « Toutes les fouilles archéologiques réalisées avant la construction du musée ont d’ores et déjà été terminées. Néanmoins, on ne peut pas exclure que des recherches puissent être menées à l’avenir ».

... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.

Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel