Pour éviter de nouvelles défections, Bennett veut exercer un contrôle sans précédent sur son nouveau parti
Après la chute de son gouvernement en 2021-2022 à la suite de révoltes au sein de son parti, l'ex-Premier ministre prévoit de conserver étroitement les leviers du pouvoir politique lors de sa prochaine candidature

Dans un effort manifeste pour éviter que ne se reproduisent les défections qui ont entraîné la chute de son précédent gouvernement, l’ancien Premier ministre Naftali Bennett aurait structuré son parti politique « Bennett 2026 », récemment créé, de manière à pouvoir en conserver le contrôle total pendant la majeure partie de la décennie à venir.
Selon la chaîne N12, le règlement du nouveau parti stipule que Bennett restera non seulement président du parti jusqu’en 2034, mais qu’il occupera également le poste de chef de file de la faction à la Knesset. Il conservera également le monopole sur la sélection des candidats pour la liste électorale du parti, choisira personnellement les ministres d’un éventuel gouvernement et nommera les membres de son parti aux commissions de la Knesset.
Bennett, qui dirigeait le parti Yamina, aujourd’hui dissous, n’est plus au pouvoir depuis l’effondrement en 2022 de sa coalition, qui avait détrôné en 2021 le Premier ministre Benjamin Netanyahu après douze années consécutives au pouvoir, à l’issue d’une période de troubles politiques marquée par quatre scrutins nationaux en trois ans.
Le gouvernement Bennett s’est effondré à la suite de la défection de plusieurs membres de la Knesset de son parti, à commencer par la cheffe de file de la coalition Idit Silman en avril 2022, dont le départ a privé la coalition de sa majorité. Elle a rapidement été suivie par ses collègues Amichaï Chikli et Nir Orbach. (Silman et Chikli ont ensuite rejoint le Likud de Netanyahu et occupent désormais des postes ministériels dans son gouvernement.)
Alors que la coalition tendait vers la dissolution, des parlementaires dissidents ont fait capoter des projets de loi essentiels, les principaux collaborateurs de Bennett ont quitté son bureau. Finalement, la coalition s’est retrouvée incapable d’adopter même des lois courantes, contraignant Bennett à annoncer la dissolution de la Knesset et à convoquer Israël à ses cinquièmes élections législatives en moins de quatre ans.
Peu après, face à une probable défaite électorale lors du scrutin suivant, Bennett lui-même a quitté Yamina et s’est retiré de la vie politique, annonçant ainsi la fin de cette formation politique.

Suite au déclenchement de la guerre contre le groupe terroriste palestinien Hamas à Gaza, la situation politique de Bennett a encore changé. Il a progressé dans les sondages et est désormais considéré comme l’un des principaux candidats pour toute nouvelle élection législative.
Les spéculations sur le retour de Bennett en politique vont bon train depuis un certain temps, la chaîne N12 ayant rapporté en septembre 2024 que le politicien nationaliste religieux avait commencé à préparer la formation d’un nouveau parti, contactant plus de 100 anciens militants de Yamina.
Bennett a également rencontré diverses personnalités de l’opposition au cours de l’année écoulée. L’été dernier, le chef du parti Tikva Hadasha, Gideon Saar, alors membre de l’opposition, avait déclaré au Times of Israel qu’il avait rencontré Bennett et compris qu’il avait l’intention de faire son retour. (Saar a depuis rejoint Netanyahu au sein du gouvernement et s’est retourné contre ses anciens alliés de l’opposition.)
Bennett a finalement confirmé les rumeurs le mois dernier en annonçant la création d’un nouveau parti politique sous le nom provisoire de « Bennett 2026 ».

Selon des documents déposés par l’ancien Premier ministre et rendus publics la semaine dernière par l’Autorité israélienne des sociétés, le nouveau parti se concentrera sur le renforcement de la sécurité israélienne et l’intégration des ultra-orthodoxes – ou Haredim – dans l’armée et le monde du travail.
« Bennett 2026 » « a pour objectif de « rétablir la sécurité en Israël et de restaurer la confiance du peuple dans la capacité d’Israël à défendre ses frontières et l’intérieur du pays tout en mettant en œuvre un concept de sécurité active », selon le dossier déposé pour la demande d’enregistrement.
Le parti cherche également à « diriger Israël dans l’esprit des fondateurs de l’État et des bâtisseurs du pays de manière à assurer son unité, sa continuité et sa prospérité en tant qu’État juif et démocratique modèle » et à « le faire progresser en tant qu’État fort et souverain, et à se développer dans tous les domaines de la vie, tout en intégrant tous ses citoyens dans la prise en charge de la sécurité et du fardeau civil et économique ».
Parmi les fondateurs du parti figurent Bennett, son épouse Gilat, l’ancien directeur général du ministère des Communications Liran Avissar Ben-Horin, l’ancien PDG de Strauss Gadi Lesin et Bruria Naïm Erman, fondatrice de l’entreprise de relations publiques Community Relations.

Parmi les membres fondateurs figurent également Giora Levi, l’ancien commandant de Bennett dans l’unité d’élite Sayeret Matkal de Tsahal ; Ofer Ogash, qui était candidat sur la liste de l’ancien parti de Bennett aux élections générales ; et Nir Novak, l’ancien PDG de Target Market.
Ayelet Shaked, partenaire politique de longue date de Bennett, qui devrait rejoindre le nouveau parti, ne figure pas sur la liste.
Selon les sondages, Bennett devancerait Netanyahu s’il décidait de se présenter. Un sondage réalisé mi-avril révèle qu’un hypothétique parti de Bennett obtiendrait 29 sièges, contre seulement 19 pour le Likud de Netanyahu.
Bennett, 53 ans, qui a été hospitalisé pendant plusieurs jours le mois dernier et a subi un cathétérisme cardiaque, a vivement critiqué Netanyahu, notamment pour son incapacité à enrôler un nombre significatif de Haredim au cours de la guerre contre le Hamas à Gaza.
Dans un discours prononcé lundi à Ness Ziona, il a déclaré qu’Israël était une nation dont « la majorité sert, dirigée par des dirigeants qui encouragent l’évasion [du service militaire], et que cela doit changer, et le peuple veut [ce] grand changement ».
Dans un long message publié jeudi sur le réseau social X, Bennett a affirmé que sous Netanyahu, Israël était devenu passif et avait perdu son avantage militaire qualitatif.
« Le Moyen-Orient subit des changements tectoniques sous nos yeux. Nos ennemis se renforcent, tandis que Netanyahu, Smotrich et leur bande sont paralysés, passifs, comme s’ils n’existaient pas », a écrit Bennett.
« Le Qatar, la capitale du terrorisme du Hamas, signe un accord de mille milliards de dollars avec les États-Unis, renforçant ainsi sa position militaire stratégique… La Turquie d’Erdogan reçoit une injection de légitimité et des avions de chasse F-35 des États-Unis… La Syrie est libérée de toutes les sanctions sans rien céder… [et] l’Arabie saoudite reçoit l’approbation pour un programme nucléaire, et Israël perd l’avantage militaire qualitatif que nous avions depuis 50 ans, atout essentiel à notre existence », a-t-il asséné.

Cette semaine, le président américain Donald Trump a signé un accord avec l’émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, qui « générera des échanges économiques d’une valeur d’au moins 1 200 milliards de dollars », ainsi qu’un contrat d’armement colossal d’une valeur de près de 142 milliards de dollars avec l’Arabie saoudite.
En parallèle, l’Arabie saoudite et les États-Unis discutent d’un accord de coopération visant à soutenir les ambitions du royaume en matière de développement d’une industrie nucléaire civile.
Trump a également levé les sanctions contre la Syrie et envisagerait de vendre des avions de combat sophistiqués à la Turquie.
« En tant qu’ancien ministre de la Défense et Premier ministre, je ne saurais trop insister sur la gravité des dommages à long-terme causés à Israël », a poursuivi Bennett.
Alors que « l’Iran se trouve au moment le plus vulnérable de son histoire, dépourvu de défenses aériennes, avec une direction âgée, déconnectée et détestée par son peuple », Israël, selon lui, a échoué à mobiliser les États-Unis pour mener « une action politique et économique visant à renverser le régime ».
Le mois dernier, le New York Times rapportait que Trump avait rejeté les propositions israéliennes pour une série de frappes conjointes prévues le mois suivant sur des installations nucléaires iraniennes, préférant une solution diplomatique au problème du programme nucléaire de Téhéran.
Abordant la question de la pénurie actuelle d’effectifs dans l’armée israélienne, Bennett a reproché au gouvernement de ne pas mobiliser les Haredim et l’a accusé de « freiner les réformes nécessaires » tout en « rejetant l’ensemble du fardeau sur les réservistes qui ont déjà tout donné ».
« Le seul endroit où l’on voit des ‘initiatives’ du gouvernement, c’est dans les publications, les TikToks, et les lois inutiles sur le trolling qui ne font qu’alimenter la haine interne », a-t-il conclu.