Pour les otages du Hamas, de lourdes séquelles sont à redouter
Six mois après l’enlèvement de 253 otages par le Hamas, 130 sont toujours captifs, mais moins d'une centaine seraient encore en vie ; des experts craignent les lourds TSPT
Les dizaines d’otages encore retenus à Gaza, cinq mois après avoir été enlevés par le groupe terroriste palestinien du Hamas en Israël le 7 octobre, risquent de lourdes séquelles psychologiques : en témoignent l’état de sidération et les traumatismes observés chez plusieurs de ceux qui ont déjà été libérés.
« On peut se remettre de ce genre de choses, mais on ne se remettra pas comme on était avant », résume auprès de l’AFP la psychologue française Marilyne Baranes, spécialiste du trouble de stress post-traumatique (TSPT).
253 personnes, en majorité israéliennes, ont été enlevées lors de l’attaque sans précédent menée par les terroristes du Hamas en Israël le 7 octobre et emmenées dans la bande de Gaza, où 130 sont encore détenues – dont 31 seraient mortes, selon Israël.
Une éventuelle libération de certains, en échange de prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité en Israël, constitue l’un des enjeux d’une possible trêve actuellement négociée entre le groupe terroriste palestinien et des médiateurs internationaux.
La guerre à Gaza a été déclenchée suite à l’assaut barbare mené par le Hamas le 7 octobre, au cours duquel quelque 3 000 terroristes ont fait irruption en Israël par voie terrestre, aérienne et maritime, tuant près de
1 200 personnes et prenant 253 otages, dans le cadre d’actes horribles de brutalité, accompagnés d’agressions sexuelles.
Israël a répondu à cette attaque, la plus meurtrière de l’histoire du pays et la pire menée contre des Juifs depuis la Shoah par une opération aérienne suivie d’une incursion terrestre dans la bande de Gaza visant à anéantir le Hamas, à mettre fin à son règne de seize ans à Gaza et à libérer tous les otages. Plus de 33 100 personnes seraient mortes à Gaza depuis le début de la guerre, selon le ministère de la Santé du Hamas. Les chiffres publiés par le groupe terroriste sont invérifiables, et ils incluraient ses propres terroristes et hommes armés, tués en Israël et à Gaza, et les civils tués par les centaines de roquettes tirées par les groupes terroristes qui retombent à l’intérieur de la bande de Gaza. Tsahal dit avoir éliminé 13 000 terroristes palestiniens dans la bande de Gaza, en plus d’un millier de terroristes qui ont pris d’assaut Israël le 7 octobre.
Si de nouveaux otages devaient être prochainement libérés, dans quel état seraient-ils après des mois de détention dans des conditions traumatisantes ? Chose impossible à prédire à titre individuel, tant la capacité à se remettre varie d’une ancienne victime à une autre, ce qu’illustrent plusieurs cas ces dernières décennies.
Facteurs de risque
Certains ont sombré, comme le journaliste français Brice Fleutiaux, qui a mis fin à ses jours en 2001, peu après avoir été otage en Tchétchénie. D’autres ont dépassé leur traumatisme, tel le Britannique Terry Waite qui, après quatre ans de détention au Liban à la fin des années 1980, a consacré sa vie au sort des otages et leurs familles.
Un élément fait consensus chez les spécialistes : beaucoup de choses peuvent se jouer dès les premières heures après la libération.
Il faut « prendre en charge immédiatement ces otages […] pour les aider à sortir de la peur et de la sidération et les ramener dans la vraie vie », explique Baranes.
À plus long-terme, toutefois, il est difficile d’établir clairement ce qui va faire qu’un otage court plus ou moins le risque de développer un trouble psychologique.
« On n’a pas clairement délimité les facteurs qui conduisent à une évolution défavorable après une prise d’otage », admettaient en 2009 les auteurs d’un résumé sur le sujet, dans la revue de la Société royale britannique de médecine (RSM).
Quelques possibles facteurs de risque ont toutefois été identifiés : être une femme, avoir un faible niveau d’études, avoir été séquestré longtemps – comme c’est le cas des otages encore détenus à Gaza. Mais ces travaux datent et la recherche est difficile à mener sur le sujet.
« Ni ici, ni là-bas »
« Pour des raisons éthiques et pratiques, en particulier quand des enfants sont en jeu, il est difficile de suivre les otages après leur libération », explique le résumé de la RSM, soulignant le risque de réactiver un traumatisme en interrogeant d’anciens otages. « Les données médicales et scientifiques sont donc relativement modestes. »
Beaucoup d’études reposent sur des autobiographies d’anciens otages, un point de vue forcément limité. Des recherches existent aussi sur les anciens prisonniers de guerre, une situation proche mais pas équivalente.
En ce qui concerne les otages de Gaza, plus d’une centaine ont déjà été libérés et leur état donne déjà une idée des séquelles à redouter. Selon le gouvernement israélien, environ la moitié suivent un traitement ou une thérapie.
« La perception du temps reste très confuse : ça, ils l’ont tous en commun », explique à l’AFP Merav Roth, une psychologue israélienne qui a traité plusieurs de ces anciens otages.
Mais c’est chez les otages aux conditions de détention les plus éprouvantes que les symptômes anxieux et dépressifs se distinguent par leur intensité, souligne-t-elle.
« Pour certains, ce sont des morts-vivants », détaille la psychologue. « Comme s’ils étaient restés bloqués à Gaza […] et n’étaient pas revenus. »
« Ils ne sont ni ici ni là-bas, ni dans le passé ni dans le présent », conclut-elle, craignant que leur traumatisme dure des années et redoutant des séquelles d’autant plus difficiles pour les otages encore captifs.
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