Pour les proches d’otages israéliens, maintenir l’attention malgré l’usure
Des dizaines de proches doivent s'élancer de Tel-Aviv pour une marche à pied de 63 km, sur cinq jours, jusqu'au bureau de Benjamin Netanyahu à Jérusalem
Manifestations, interviews, sablier géant, tournoi sportif sur la plage… les proches des otages israéliens se démènent pour garder l’attention des médias et de l’opinion publique, malgré la fatigue et l’usure qui s’installent.
Sa fille Sahar, 16 ans, son fils Erez, 12 ans, ainsi que son ex-mari Ofer, 53 ans, ont été enlevés et emmenés à Gaza le 7 octobre, il y a plus d’un mois. Son « cauchemar », Hadas Kalderon l’a déjà décrit « une centaine » de fois.
Elle le fait pourtant une nouvelle fois pour l’AFP, à Tel-Aviv en marge d’une manifestation, une de plus, pour la libération des quelque 240 otages retenus depuis l’attaque du groupe terroriste islamiste palestinien du Hamas, qui a aussi fait environ 1 200 morts selon Israël.
« Vous pensez que j’aime ça ? Je souffre ! J’essaye de ne pas y penser et je dois en parler tout le temps », dit cette femme âgée de 56 ans.
Cette survivante du kibboutz Nir Oz, dont la mère et la nièce ont été tuées, traverse tous ses entretiens comme « un pilote automatique, un robot », et ne trouve pas le sommeil avant de « s’écrouler de fatigue à 4-5 heures du matin ».
Mais plus d’un mois après le 7 octobre, « il ne s’est rien passé » pour ses enfants, déplore Hadas Kalderon, qui a « l’impression de (se) battre contre des moulins à vent ».
Son ton se fait plus dur contre le gouvernement israélien, qui a selon elle « abandonné » ses enfants et a « le devoir de les ramener ».
« Rien de nouveau »
Comme Mme Kalderon, plusieurs proches d’otages se sont déjà rendus dans des capitales occidentales pour faire entendre leur cause auprès des diplomates et médias internationaux.
Le Forum des familles d’otages et disparus, qui veut maintenir le sujet tout en haut de l’agenda politique et médiatique, a ainsi organisé « une vingtaine de délégations » comprenant « trois ou quatre représentants de familles », indique Daniel Shek, à la tête de sa cellule diplomatique.
En Israël, le soutien de l’opinion publique est total. « Depuis quinze jours, les sondages montrent que la priorité numéro un des Israéliens, c’est le retour des otages », contrairement au début du conflit où il s’agissait de « combattre le Hamas », affirme cet ancien ambassadeur d’Israël en France, aujourd’hui à la retraite.
Mais à l’étranger, « l’empathie généralisée par rapport à Israël est en train de s’effriter, et l’histoire des otages en souffre peut-être ».
Kinneret Stern, dont la cousine Moran Stela Yanai a été enlevée, ressent, dans les « trois ou quatre interviews par jour » accordées par sa famille, que « l’empathie n’est plus la même » qu’au début, quand « les questions étaient très douces ».
« C’est très difficile, car nous n’avons rien de nouveau à raconter », résume cette ingénieure en informatique.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a évoqué dimanche la possibilité d’un accord potentiel pour libérer des otages.
« Jusqu’à ce qu’ils soient ici, sains et saufs, ça ne veut rien dire pour nous », réagit Mme Stern.
Dans l’attente, les initiatives se multiplient pour rester à la une et ainsi maintenir la pression. Ainsi mardi, des dizaines de proches doivent s’élancer de Tel-Aviv pour une marche à pied de 63 km, sur cinq jours, jusqu’au bureau de M. Netanyahu à Jérusalem.
Footvolley
A Tel-Aviv, sur la place située face au quartier général du gouvernement de guerre, devenue le point de ralliement des soutiens aux otages, un écran et un sablier géants rappellent l’interminable attente.
Parmi de nombreuses installations symbolisant leur absence, une immense table comptant plus de 200 chaises vides a été dressée.
Pour attirer l’attention sur les réseaux sociaux, les proches d’Ofir Tzarfati, enlevé au festival Nova où il fêtait son 27e anniversaire, ont réalisé des vidéos se mettant en scène en train de jouer au backgammon ou au football.
Mais quand vient son tour, leur ami manque à l’appel.
Vendredi, ils ont aussi organisé un tournoi de footvolley sur une plage, « une façon positive » d’évoquer sa situation dramatique sans « répéter les histoires encore et encore », souligne son ami Ron Safran.
« Il nous manque beaucoup », ajoute le jeune homme. « On veut garder l’énergie, mais cela a déjà trop duré. »