Israël en guerre - Jour 367

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LE POINT SUR LA CAMPAGNE

Pour Netanyahu, la victoire repose plus sur la mobilisation que sur la persuasion

Le vote de 2021 avait été marqué par une baisse de la participation dans les secteurs de droite et religieux par rapport à 2020 ; le Likud va tenter d'inverser cette tendance

  • Le campagne électorale israélienne avec le Sondage des sondages montrant le nombre de sièges que les partis devraient remporter si une élection avait lieu aujourd'hui, le 2 octobre, sur la base d'un récapitulatif des dernières enquêtes d'opinion.
    Le campagne électorale israélienne avec le Sondage des sondages montrant le nombre de sièges que les partis devraient remporter si une élection avait lieu aujourd'hui, le 2 octobre, sur la base d'un récapitulatif des dernières enquêtes d'opinion.
  • Le chef du parti du Likud et dirigeant de l'opposition lors de la conférence Kikar HaShabbat au Waldorf Astoria Jerusalem, le 12 septembre 2022. (Crédit :  Yonatan Sindel/Flash90)
    Le chef du parti du Likud et dirigeant de l'opposition lors de la conférence Kikar HaShabbat au Waldorf Astoria Jerusalem, le 12 septembre 2022. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
  • Les résultats électoraux de l'ex-Premier ministre et député Benjamin Netanyahu.
    Les résultats électoraux de l'ex-Premier ministre et député Benjamin Netanyahu.
  • Le Premier ministre Yair Lapid, portant un ruban rose pour la sensibilisation au cancer du sein, dirigeant la réunion hebdomadaire du cabinet au bureau du Premier ministre, à Jérusalem, le 2 octobre 2022. (Crédit : Amos Ben Gershon/GPO)
    Le Premier ministre Yair Lapid, portant un ruban rose pour la sensibilisation au cancer du sein, dirigeant la réunion hebdomadaire du cabinet au bureau du Premier ministre, à Jérusalem, le 2 octobre 2022. (Crédit : Amos Ben Gershon/GPO)
  • Moyenne atteinte par les blocs à la Knesset dans les sondages hebdomadaires.
    Moyenne atteinte par les blocs à la Knesset dans les sondages hebdomadaires.

Dans l’article publié la semaine dernière, nous avons analysé le dilemme auquel fait face le Premier ministre Yair Lapid dans ce dernier mois de campagne. Cette semaine, nous changeons de perspective en évaluant la campagne du point de vue de son challenger, Benjamin Netanyahu, en analysant les initiatives qu’il a pu prendre jusqu’à présent et la stratégie qu’il adoptera probablement lors de ces prochaines semaines, alors qu’il est en quête des 61 sièges difficiles à atteindre qui lui permettraient (enfin) de former le gouvernement de droite qu’il ne cesse d’appeler de ses vœux.

Et pour commencer, il est intéressant de revenir sur l’histoire électorale de Netanyahu.

En fait, si l’ex-Premier ministre est une personnalité excessivement clivante, il y a quelque chose qui fait néanmoins quasiment l’unanimité chez ses partisans comme chez ses détracteurs : c’est son habileté politique. Du côté de ses partisans, on évoque « un génie » ou « un magicien » tandis que du côté de ses opposants, on reconnaît souvent « un militant suprême ».

Son bilan en termes de campagne électorale raconte une histoire légèrement différente. Dans les dix scrutins qu’il a traversés à la tête de son parti du Likud, il n’en a « gagné » que quatre de manière définitive (la victoire électorale, dans le système israélien, est un concept vague mais nous la définirons ici comme offrant la capacité de former un gouvernement placé sous l’autorité du Likud). Trois campagnes ont entraîné une défaite et trois une impasse politique.

En effet, la réputation de stratège politique par excellence de Netanyahu est davantage justifiée si on observe sa conduite entre deux cycles électoraux, si on évoque ses instincts de survie et son endurance politique considérable.

Il a prouvé qu’il était passé maître dans sa capacité à relever les défis quotidiens posés par la politique israélienne (en particulier la politique intérieure de son propre parti), dans sa capacité à maintenir une coalition et à maintenir, par conséquent, sa mainmise sur le pouvoir – un pouvoir qu’il a conservé plus longtemps que cela n’a jamais été le cas pour un Premier ministre israélien.

Les résultats électoraux de l’ex-Premier ministre et député Benjamin Netanyahu.

Ce qui revient à dire que s’il n’y a que peu de doute sur les talents suprêmes de politicien de Netanyahu, ce n’est pas nécessairement la même chose s’agissant des élections proprement dites. Tandis qu’un taux d’adhésion des électeurs à hauteur de 40 % au cours d’un scrutin national n’est assurément jamais à dédaigner, l’idée qu’il trouve toujours un moyen de l’emporter comme le « magicien » qu’il serait intrinsèquement n’est pas soutenue par les faits.

La stratégie de campagne de Bibi

A l’approche de cette campagne, Netanyahu et son équipe ont dû affronter un défi entêté et entêtant. Malgré tous leurs efforts – et même s’ils ont été extrêmement proches de la victoire au cours de quatre élections successives, et ce à plusieurs reprises – les partis ayant fait part de leur loyauté à l’égard de Netanyahu n’ont pas été en capacité de remporter 61 sièges.

Les sièges combinés pour le bloc du député Benjamin Netanyahu.

Cherchant à remédier à ce problème en vue de ce cinquième scrutin, la stratégie de campagne du Likud semble s’être appuyée sur cinq piliers principaux :

1. Consolider le bloc

Le premier pilier a été de faciliter les alliances entre différents partis au sein du bloc pour s’assurer que – cette fois-ci – aucun suffrage ne sera gaspillé. Et en effet, le problème des votes gaspillés obsède Netanyahu depuis que ce cas de figure l’a empêché de remporter le tout premier vote de ce marathon électoral, au mois d’avril 2019.

Comme le montre le graphique ci-dessous, les leçons ont été tirées et le nombre de votes « gaspillés », dans les partis du bloc de droite, sont passés de 257 000 (ce qui correspond environ à sept sièges) à zéro en 2021.

Les votes « gaspillés » pour le bloc dirigé par le député Benjamin Netanyahu.

Et afin de faire en sorte que cela continue, Netanyahu a pris des initiatives déterminées pour s’assurer que, cette fois, les partis HaTzionout HaDatit et Otzma Yehudit se présentent ensemble de manière à ce qu’aucun suffrage ne soit perdu. S’il a été critiqué avec force pour cette initiative – Otzma Yehudit est une faction d’extrême-droite avec laquelle Netanyahu lui-même a refusé de travailler – il a été salué pour son habileté au niveau politique.

Le Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu, à droite, s’entretient avec la ministre de la Justice de l’époque, Ayelet Shaked, à la Knesset, le 21 décembre 2016. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Et pourtant, Netanyahu semble avoir laissé un angle mort s’agissant de son ancienne conseillère et rivale politique de longue date, Ayelet Shaked, à la tête de son parti HaBayit HaYehudi, un parti aux côtés duquel l’ex-Premier ministre s’est opiniâtrement refusé de s’engager. Alors qu’à l’origine, HaBayit HeYehudi pouvait avoir pour ambition d’attirer les votes d’électeurs venus des deux blocs, la formation s’est depuis fermement ancrée à droite. Shaked oscille de manière générale autour de 1,5 %-2 % des intentions de vote dans les sondages, bien en-deçà du seuil de représentation électorale – des pourcentages qui représentent quand même l’équivalent de la « combustion » de presque deux sièges pour le bloc de Bibi.

Dans un scrutin tellement serré, cette négligence volontaire de HaBayit HaYehudi pourrait bien s’avérer être décisive à terme.

2. « L’Homme d’État »

La bataille cruciale pour « la droite douce » dans ces élections a souvent été évoquée sur ces pages – la « droite douce » consiste en ce seul groupe d’électeurs qui sont susceptibles, en théorie, de passer d’un bloc à l’autre. Tandis qu’à l’occasion des scrutins précédents, Netanyahu avait adopté une stratégie reposant avant tout sur sa base (voire même uniquement sur sa base), il tente, cette fois-ci, d’en appeler à ces électeurs susceptibles de changer de camp en adoucissant ses déclarations souvent controversées et en muselant les voix les plus extrémistes au sein de son parti. Pour résumer, il tente d’être davantage mamlachti (que l’on peut traduire de la meilleur façon par « plus diplomatique »)

Mais le défi, ici, est double. Tout d’abord, ayant fait en sorte de promouvoir et de dynamiser le profil de certains de ses ministres les plus agressifs au cours de ces dernières années, il est difficile aujourd’hui de les faire rentrer dans l’ombre. Et même s’il réussit à les conserver hors du feu des projecteurs, il y a un trésor de citations dans les archives qui sont mises à disposition de ses opposants pour rappeler aux électeurs de la dite « droite douce » certains des points de vue des alliés de Netanyahu.

Ensuite, le mantra politique de longue date de Netanyahu est de ne jamais abandonner la base. Et s’il y a des techniques de communication variées pour faire revenir au bercail un certain nombre d’électeurs perdus en cours de route (la reconnaissance « sincère » des erreurs passées étant un incontournable dans le monde entier), cela ne s’accorde guère avec la nécessité de maintenir l’enthousiasme de sa base.

3. Faire baisser le taux de participation électorale arabe

Les tentatives de Netanyahu d’adopter un ton plus modéré, plus conciliant, sont également pertinentes dans le contexte de la nécessité de faire baisser le taux de participation électorale au sein de la communauté arabe. Pour le dire simplement, l’homme est bien conscient que plus ce taux de participation sera bas, plus grandes seront ses chances de gagner 61 sièges. Netanyahu sait aussi que certains de ses propos les plus démagogiques ou anti-arabes ont servi, dans le passé, à mobiliser cet électorat. Et il s’efforce donc, cette fois-ci, de calmer les ardeurs en ne faisant rien qui puisse réveiller le secteur arabe, dominé actuellement par un sentiment d’apathie.

Il y a des signes qui indiquent clairement une moindre participation des Arabes aux élections – nous l’avions évoqué dans un précédent article – et qu’il en soit ou non responsable, cet élément de la stratégie de Netanyahu semble donc faire ses preuves jusqu’à présent.

4. La stabilité

Le quatrième élément est une focalisation sur un message essentiel de stabilité, un message qui se base sur l’idée que le moyen le plus probable de mettre en place un gouvernement stable est d’offrir 61 sièges au bloc de Netanyahu. Ce message de stabilité a aussi été adopté par les autres partis. A noter que HaMahane HaMamlahti, l’alliance dirigée par Benny Gantz, affirme dans sa campagne être la seule faction en mesure d’apporter une stabilité, plaçant cette problématique de la stabilité à la tête de son message de campagne.

Même si cette déclaration d’intention ne s’est pas nécessairement traduite en votes pour le bloc pro-Netanyahu, les choses pourraient bien changer dans les dernières semaines de la campagne, quand, à l’issue des fêtes juives, les partis s’affronteront en dernière ligne droite.

Et jusqu’à présent, est-ce que tout cela a été efficace ?

Du point de vue du parti du Likud, la campagne a été une déception jusqu’à maintenant.

Commençant avec environ 35 sièges, la moyenne du parti, dans les sondages, a chuté presque toutes les semaines et elles est dorénavant de 32,4 %, ce qui marque une chute de plus de deux sièges et demi.

La moyenne des sondages hebdomadaires du Likud.

Mais c’est l’inverse s’agissant des blocs.

Si le Likud a chuté, le bloc pro-Netanyahu s’est renforcé dans les sondages, passant de 58,8 sièges au début de la campagne à 59,8 aujourd’hui. Une augmentation qui est néanmoins étroitement liée à la scission des partis arabes, survenue il y a quelques semaines, qui a fait gagner presque deux sièges au bloc.

Moyenne atteinte par les blocs à la Knesset dans les sondages hebdomadaires.

Et il y a eu, cette semaine, certains signes montrant que l’effet de cette scission commençait à se dissiper avec le bloc de Netanyahu qui a perdu 0,8 sièges (0,9 du côté du Likud). L’ex-Premier ministre avait pu espérer que l’élan gagné au cours des dernières semaines pourrait aider à lui faire atteindre les 61 sièges si convoités, mais les sondages, cette semaine, montrent que ces pourcentages sont en fait en train de baisser, le vote arabe s’étant stabilisé (pour le moment du moins).

En observant les 18 sondages réalisés depuis la scission de la Liste arabe unie, son bloc n’obtient 61 sièges qu’à quatre reprises – dont trois avec Direct Polls (il s’agit ici davantage des écarts entre les instituts de sondage ici). Et finalement, il s’avère que l’écart entre les instituts de sondages s’est élargi ces dernières semaines : La moyenne obtenue par le bloc de Netanyahu, ces dernières semaines, est de 61,75 chez Direct Polls et elle est de 59,6 du côté des quatre autres instituts combinés.

Ainsi, alors que son bloc est dans une position légèrement plus forte qu’il y a trois mois, Netanyahu ne semble pas être réellement plus proche du sésame de 61 sièges qu’il ne l’était en début de campagne.

Le campagne électorale israélienne avec le Sondage des sondages montrant le nombre de sièges que les partis devraient remporter si une élection avait lieu aujourd’hui, le 2 octobre, sur la base d’un récapitulatif des dernières enquêtes d’opinion.

Comment Netanyahu pourrait-il terminer cette campagne ?

En conséquence, la stratégie du Likud pour terminer la campagne dans les semaines à venir devrait être logiquement une stratégie centrée autour de la nécessité de dynamiser la participation électorale parmi ses partisans (comme nous l’avons déjà écrit, la semaine dernière, au sujet de Yesh Atid). Après quatre scrutins qui se sont succédés rapidement, et alors que le nombre d’électeurs réellement prêts à passer d’un bloc à l’autre est très limité, c’est finalement une élection qui reposera sur la mobilisation plus que sur la persuasion.

Et Netanyahu l’a très bien compris. Comme l’ont montré des analyses variées du scrutin de 2021 (comme cet excellent article écrit par l’Institut israélien de la démocratie), il y avait eu une baisse de la participation électorale dans les secteurs de droite ou religieux par rapport à 2020. Par exemple, alors que la participation avait baissé d’environ un point et demi à Tel Aviv et dans ses banlieues aisées ou abritant la classe moyenne (qui votent généralement au centre-gauche), elle avait diminué de 4 % à 5 % dans les villes et villages qui votent traditionnellement pour le Likud.

S’il est rare que des électeurs passent d’un bloc à l’autre, il y a un nombre non négligeable d’électeurs de droite qui ont tout simplement arrêté de voter, ces dernières années. Et s’ils devaient revenir aux urnes, cette fois-ci, cela pourrait être le coup de pouce dont Netanyahu a besoin pour réunir ses 61 sièges.

Son récent message 1+1 (chaque électeur du Likud devant amener un ami au bureau de vote) est une tentative de régler cette problématique et il est évident qu’il faut s’attendre à des messages d’incitation similaires au cours des prochaines semaines. De manière intéressante, de tels messages sont souvent très ciblés et ils peuvent passer sous le radar des médias, ce qui signifie qu’il est possible que nous restions dans l’ignorance de la réelle efficacité – voire de l’agressivité – de cette approche jusqu’à l’annonce des résultats.

Le Premier ministre Yair Lapid, portant un ruban rose pour la sensibilisation au cancer du sein, dirige la réunion hebdomadaire du cabinet au bureau du Premier ministre à Jérusalem, le 2 octobre 2022. (Crédit : Amos Ben Gershon/GPO)

Comme nous l’avons écrit la semaine dernière, une telle stratégie d’incitation au vote est en général moins intéressante à traiter à l’écrit et le sujet n’est guère intéressant non plus pour le lecteur. Elle se base davantage sur des gains progressifs plutôt que sur la dynamique soudaine que sont susceptibles d’entraîner des clips de campagne efficaces.

Mais dans ce climat politique marqué par la lassitude et par la polarisation extrême, Netanyahu, comme Lapid, espèrent que cette stratégie sera décisive.

* Les auteurs de cet article ont récemment effectué un sondage commandité par le Meretz.

Simon Davies et Joshua Hantman sont associés chez Number 10 Strategies, une société internationale de conseil en stratégie, recherche et communication, qui ont mené des sondages pour des présidents, Premiers ministres, partis politiques et grandes entreprises dans des dizaines de pays sur quatre continents.

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