Pour sa première fois derrière la caméra, Scarlett Johansson donne la parole aux survivants de la Shoah
"Les histoires doivent être racontées" pour ne pas disparaître, a déclaré la cinéaste, qui dit s'est facilement identifiée "aux thèmes de l'identité juive" ; Le film a a reçu une ovation de cinq minutes lors de sa première

Scarlett Johansson a présenté à Cannes son premier film de réalisatrice, « Eleanor the Great », une réflexion sur le passage du temps et la nécessité de maintenir certaines histoires vivantes.
L’actrice June Squibb, 95 ans, incarne Eleanor, une vieille dame vivant en Floride dont la meilleure amie, survivante de la Shoah, décède. Dévastée, elle déménage à New York, où elle ne parvient pas à renouer les liens avec sa fille.
Un jour, elle entre en contact avec un groupe de conversation sur la Shoah et, obsédée par le souvenir de son amie, s’approprie son histoire, ce qui provoque une cascade de malentendus qu’elle ne peut empêcher.
Elle n’ose même pas raconter la vérité à sa nouvelle amie inattendue, une jeune étudiante en journalisme interprétée par Erin Kellyman (« Solo »).
« Eleanor dit que si elle ne raconte pas l’histoire (de son amie), personne d’autre ne le fera. Et à une époque où nous débattons constamment de qui a le droit de raconter l’histoire de quelqu’un d’autre, (…) nous devons aussi affronter le fait que les histoires doivent être racontées, sinon elles disparaîtront », ajoute Scarlett Johansson, également au casting du dernier film de Wes Anderson, en lice pour la Palme d’or.
La réalisatrice s’exprimait devant des journalistes mercredi à Cannes, au lendemain de la première de son film présenté dans la section Un certain regard. Le film a a reçu une ovation de cinq minutes lors de sa première
Ayant grandi à New York, Scarlett Johansson, fille d’un architecte d’origine danoise et d’une productrice d’origine juive, issue d’une famille ashkénaze polonaise du Bronx, a pu facilement s’identifier « aux thèmes de l’identité juive », a-t-elle expliqué, s’inspirant de ses expériences personnelles pour étoffer le personnage d’Eleanor.
« J’avais une grand-mère qui n’était pas exactement comme Eleanor, mais une personne vraiment formidable aussi – et parfois impossible – dont j’étais très, très proche », a-t-elle confié.

Connaissance du métier d’acteur
L’actrice qui, à 40 ans, a déjà tourné avec les plus grands cinéastes, de Woody Allen (« Match Point », « Scoop », « Vicky Cristina Barcelona ») aux frères Coen en passant par Christopher Nolan et Sofia Coppola, prouve avec ce premier film, proche de l’esprit du cinéma indépendant américain, qu’elle est aussi capable de s’éloigner des grandes productions comme la saga des Avengers.
A la question de savoir si tous les acteurs avaient peur de disparaître: « je pense que je travaille depuis suffisamment longtemps pour ne plus avoir à me soucier de disparaître, ce qui est très libérateur », a-t-elle répondu.
« Tous les acteurs sont extrêmement peu sûrs d’eux, c’est en partie pour cela (qu’ils) sont si convaincants », a ajouté Scarlett Johansson, qui dit aussi avoir pris beaucoup de plaisir à travailler avec June Squibb, une actrice « si vive » et « efficace ».
« Elle a rendu mon travail si facile, car je me suis rendu compte que je donnais des instructions à quelqu’un qui prenait des notes et les suivait depuis 70 ans », poursuit la réalisatrice.
A son tour, June Squibb, qui a débuté sa carrière au théâtre et a dû attendre ses 61 ans pour tourner son premier film, estime que l’expérience de Johansson en tant qu’actrice a beaucoup aidé sur le plateau.
« J’ai travaillé avec des réalisateurs merveilleux, mais aucun d’eux n’a la connaissance du métier d’acteur que nous avons, je n’ai jamais eu ça en 70 ans », a déclaré l’actrice américaine, qui avec « Nebraska » d’Alexander Payne, a obtenu une nomination aux Oscars en tant que meilleure actrice dans un second rôle.
Quant à savoir si « Eleanor the Great » lui permet à nouveau de rêver d’un Oscar : « Je rêve toujours d’un Oscar ! », répond-t-elle dans un éclat de rire.