Pour sauver et guérir Israël, Netanyahu doit partir – ou au moins affronter les électeurs
Si le Premier ministre n'est pas prêt à quitter de son propre gré la vie publique, il doit toutefois fixer une date qui lui permettra de connaître le jugement politique de la nation qui lui avait confié sa sécurité

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

À plusieurs reprises, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a été sur le point d’admettre une part de responsabilité personnelle dans l’incapacité à empêcher la monstrueuse invasion du Hamas le 7 octobre. Au cours des sept mois qui se sont écoulés depuis, pendant lesquels il a été interrogé et sollicité au cours de nombreuses interviews et conférences de presse, il n’a eu de cesse de se dérober et de se défiler pour finalement refuser de dire tout simplement : C’est arrivé sous mon mandat. En tant que Premier ministre, j’avais une vision plus complète que quiconque des réalités militaires, de renseignement, politiques et diplomatiques concernant Gaza, le Hamas et la catastrophe à venir. Je contrôlais personnellement tous les leviers du pouvoir qui, s’ils avaient été activés, auraient permis d’éviter cette catastrophe. Et, par conséquent, je porte la principale responsabilité de ne pas l’avoir fait.
Mais non. Il n’a rien dit de tout cela.
Pas plus que, par extension, il n’a accepté de reconnaître que dès qu’il estimera qu’Israël est en sécurité, il devra se retirer. Au contraire, il s’obstine et refuse même de chercher à renouveler son mandat auprès de la population en fixant une date d’élections anticipées – autrement prévues pour octobre 2026 – et considère que la demande même d’élections anticipées relève de la trahison, au motif que le groupe terroriste palestinien Hamas souhaiterait voir Israël plongé dans une campagne électorale acharnée.
Pourtant, lui qui est sûrement convaincu de son amour pour ce pays, doit démissionner ou au moins affronter l’électorat. (Soit dit en passant, en tant que chef sortant d’une puissante machine politique, il serait le mieux placé pour donner le ton et, contrairement aux campagnes toxiques passées, maintenir les luttes électorales à un niveau relativement élevé).
Dans ses efforts désespérés pour reprendre le pouvoir à la fin de l’année 2022, Netanyahu a mis en place une coalition qui a amené des racistes et des voyous au cœur de son gouvernement. Il a présidé au déchirement de la société israélienne en tentant de soumettre le système judiciaire indépendant d’Israël à la volonté de ce gouvernement. Il a (temporairement) congédié le ministre de la Défense qui avait prévenu à juste titre que la division nationale liée à la « réforme » du système judiciaire avait fini par constituer une menace tangible pour la sécurité d’Israël.
Premier ministre pendant 13 ans et demi des 17 années depuis la prise de pouvoir du Hamas à Gaza en 2007, il a supervisé le financement stratégique du Qatar qui a permis au Hamas d’entraîner et d’armer une armée terroriste. Alors que le Hamas se préparait à l’envahir, enhardi par la division d’Israël, il n’a pas su reconnaître le danger grandissant. C’est pourquoi, même durant les semaines et les jours qui ont précédé, il n’a pas exigé que soient prises des mesures militaires relativement simples, comme la mobilisation de troupes suffisantes, afin d’éviter la catastrophe du 7 octobre.
Depuis lors, il risque d’aggraver tous ces échecs en refusant d’élaborer une stratégie de gouvernance de Gaza sans le Hamas, laissant ainsi Tsahal face à ce que le chef d’état-major Herzi Halevi a récemment décrit comme une « tâche de Sisyphe » consistant à devoir « lancer des campagnes répétées » dans les zones où le Hamas a été évincé, tandis que le régime terroriste s’efforce de se reconstituer et de reconstruire son infrastructure. Il a également déconcerté, consterné et, dans certains cas, aliéné ses alliés par une politique incohérente et parfois indéfendable de suspension et de réouverture de l’aide humanitaire à la bande de Gaza.

Les liens vitaux avec les États-Unis s’effritent. Le président Joe Biden, profondément méfiant face à Netanyahu, qui déclare depuis longtemps que la coalition de la droite dure du Premier ministre est très dangereuse pour Israël, a manifestement perdu toute confiance dans la conduite de la guerre de la part d’Israël. Biden évoque ouvertement, dorénavant, la possibilité de suspendre les livraisons d’armes – des armes sans lesquelles, sans même parler de Gaza, l’État juif ne pourrait pas se battre pleinement contre le Hezbollah si le conflit, sur la frontière nord, devait connaître une nouvelle escalade.
Le Premier ministre s’est querellé publiquement avec l’administration américaine sur la vision nourrie par cette dernière concernant l’après-guerre dans la bande avec une Autorité palestinienne réformée qui y assumerait un rôle de premier plan. Il n’a pas caché son mécontentement face aux appels lancés en faveur d’une avancée, aussi modeste soit-elle, vers l’établissement d’un état palestinien et vers une paix potentielle avec l’Arabie saoudite, peu soucieux d’épargner au public la mise en scène de ces désaccords et peu enclin à l’idée d’œuvrer autant que possible à mettre en place une approche consensuelle.
La capacité d’Israël à faire face aux accusations mensongères de génocide devant la Cour internationale de Justice, à La Haye, et aux autres batailles menées à la Cour pénale internationale et au-delà, sont sapées par la rhétorique employée par les extrémistes et par les objectifs poursuivis par le flanc le plus à droite de sa coalition, des objectifs dont les extrémistes ne cachent pas la nature. Ces idéologues pyromanes qu’il a tenté de normaliser et qu’il n’a pas osé défier fournissent tout ce dont les activistes anti-israéliens, qui ne seraient pas mécontents à l’idée de voir disparaître notre pays, ont besoin, tout comme ils alimentent leurs pantins, sur les campus américains et ailleurs, compliquant les efforts salutaires livrés pour les contrer. L’inaptitude chronique de l’administration en charge de la diplomatie publique placée sous la supervision du chef de gouvernement, au sein du Bureau du Premier ministre, prive les partisans d’Israël d’outils factuels utiles et d’informations en temps réel qui pourraient aider à mieux défendre la cause du pays.
Le Hamas est un ennemi pernicieux, amoral, et les dispositions contenues dans son accord ostensible de « cessez-le-feu, » comme je l’ai déjà écrit dans le passé, sont en réalité un programme qui mettrait un terme à la campagne militaire à Gaza, qui enflammerait la Cisjordanie et qui permettrait au groupe terroriste de remettre en liberté seulement un nombre minimal des otages qui avaient été enlevés le 7 octobre et qui se trouvent encore entre ses mains. Mais cela fait longtemps que Netanyahu a perdu la confiance d’un grand nombre des familles de captifs lorsqu’il affirme faire tout ce qui est raisonnablement en son pouvoir pour obtenir leur rapatriement et il a aussi perdu la confiance d’au moins quelques membres de l’équipe chargée des négociations.
Son discours préenregistré à la nation, un discours qui sonnait faux et qui a été prononcé à l’occasion de Yom Haatzmaout – complété par une musique entraînante et par des images, notamment des images de son épouse (non-élue mais omniprésente) – lors d’une cérémonie d’État où les chefs de gouvernement ne s’expriment traditionnellement pas, a souligné sa déconnexion d’avec une grande partie du public et d’avec l’humeur nationale. Il continue par ailleurs à nourrir des inégalités fondamentales et des frictions amères dans une nation dont il prétend défendre l’unité tout en refusant de prendre l’initiative élémentaire d’imposer le service national ou le service militaire à tous les citoyens, sans exception.

Dans un post qui a été publié lundi dernier sur Facebook, Tehila Friedman, qui avait brièvement servi à la Knesset en tant que députée, en 2020 et 2021, et qui avait fait un discours, devant le parlement, il y a quatre ans, dont la prescience était incroyable, a évoqué ses inquiétudes actuelles pour Israël avec une redoutable élégance : « J’approche de cette journée de Yom HaAtsmaout comme je le ferais d’une fête d’anniversaire organisée pour quelqu’un de chéri, de très malade. En reconnaissant combien il m’est précieux, dévorée par la crainte que la maladie ne l’emporte et espérant de tout mon cœur son rétablissement complet ».
Friedman a ensuite ajouté que « le bonheur, c’est vouloir ce que vous avez. L’espoir, c’est autre chose. Il faut voir ce qu’il y a de bon parce que c’est ce qui nous donne la force de continuer. Il faut voir ce qu’il y a de mauvais parce que c’est ce qui nous donne la force de changer les choses. »
Quoi qu’il puisse croire, indépendamment de ce que les courtisans qui l’entourent peuvent lui dire, Netanyahu n’est pas le médecin qui saura soulager un Israël qui est aujourd’hui malade : c’est lui qui, seul, a mis notre pays, à l’aube de son 76e anniversaire, dans cet état de précarité
Friedman, une centriste, n’a formulé aucune demande de changement politique dans ce post sous forme de diagnostic. Mais je vais le faire. Quoi qu’il puisse croire, indépendamment de ce que les courtisans qui l’entourent peuvent lui dire, Netanyahu n’est pas le médicament qui pourra guérir les clivages internes qui affaiblissent Israël depuis plusieurs années – il est la cause première de ces divisions. Et il n’est pas le médecin qui saura soulager un Israël qui est aujourd’hui malade : C’est lui qui, seul, a mis notre pays, à l’aube de son 76e anniversaire, dans cet état de précarité que Friedman décrit. C’est lui qui a sollicité – et qui s’est hissé – à ce poste de responsabilité nationale et c’est donc lui qui disposait des moyens les plus efficaces pour prévenir l’assaut barbare du Hamas. Lui seul est le responsable.
Et en tout cas, il est plus que temps – cela fait 222 jours – que Netanyahu arrête les petites combines, qu’il reconnaisse cette responsabilité et que, s’il n’est pas prêt à quitter de son propre gré la vie publique, il fixe une date qui lui permettra de connaître le jugement politique de la nation qui lui avait confié sa sécurité. Le rétablissement de notre Israël « chéri et très malade » en dépend.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel