Israël en guerre - Jour 367

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Interview

Pour une ancienne du Labour, il est temps de lutter contre l’antisémitisme

Joan Ryan avait quitté le Parlement après avoir reçu des menaces de mort pour sa défense d'Israël ; le Parti travailliste doit maintenant réaffirmer ses valeurs, selon elle

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

L'ancienne députée travailliste britannique Joan Ryan à Jérusalem, le 15 décembre  2019. (Autorisation : Sivan Farage)
L'ancienne députée travailliste britannique Joan Ryan à Jérusalem, le 15 décembre 2019. (Autorisation : Sivan Farage)

L’ancienne députée britannique Joan Ryan a choisi de ne pas révéler avant les élections générales de la semaine dernière les mauvais traitements qu’elle avait subis en raison, pense-t-elle, de son rôle de défenseure d’Israël au sein du Labour.

Mais maintenant que les dés ont été jetés — et que son ancien foyer politique et son numéro un, Jeremy Corbyn, ont essuyé une cinglante défaite face aux conservateurs et son dirigeant triomphant, Boris Johnson — Joan Ryan ne veut plus taire le prix qu’elle a dû payer personnellement pour sa position à l’égard de l’État juif.

Elle a reçu plusieurs menaces de mort. Elle a retrouvé deux fois des rats morts devant son domicile. Et une lettre glissée sous la porte de son bureau à la Chambre des communes, probablement par quelqu’un en mesure d’accéder régulièrement aux couloirs du Parlement, l’a qualifiée de « pute à Juifs » qui devrait « retourner dans les fours ».

« Tout ça vise à faire peur, à intimider et à malmener. C’est toxique. C’est le type d’atmosphère et de comportement qui a fait son apparition dans le parti ces dernières années », a-t-elle déploré lors d’un entretien accordé au Times of Israel dimanche à Jérusalem.

Il y a aujourd’hui plus d’antisémites au sein du Parti travailliste que jamais auparavant

Joan Ryan, qui n’est pas juive, indique qu’elle ne sait pas qui sont les responsables de ces actes, mais présume qu’ils sont l’œuvre d’antisémites. Ça ne serait pas surprenant si ça venait de travaillistes, ajoute-t-elle.

« En raison de l’infiltration et des adhésions massives d’extrémistes de gauche au Parti travailliste, il y a aujourd’hui plus d’antisémites au sein du parti que jamais auparavant », a-t-elle dénoncé.

Et d’ajouter : « Il faut traiter la question. Il faut s’élever contre ce genre de choses, car sinon cela empire ».

Joan Ryan a personnellement souffert des conséquences de ce qu’elle qualifie de « Corbynisation » du Labour. Elle a claqué la porte du parti après 40 années d’adhésion, au cours desquelles elle a occupé plusieurs postes au sein du gouvernement et dans l’opposition, notamment celui de présidente des Labour Friends of Israel [Amis travaillistes d’Israël] depuis quatre ans.

Les anciens membres du parti appartenant dorénavant au Groupe Indépendant des députés (de gauche à droite, premier rang) : Gavin Shuker, Joan Ryan, Mike Gapes et Angela Smith lors d’une conférence de presse à Londres, le 20 février (Crédit : Niklas HALLE’N / AFP)

Satisfaite de la défaite décisive de Corbyn, elle appelle aujourd’hui ses anciens collègues à lutter activement contre l’antisémitisme qui a infecté le parti, selon elle.

« Ils doivent se battre, s’exprimer et agir, en tant que parlementaires et dirigeants travaillistes, et faire tout ce qu’ils peuvent pour le chasser », encourage-t-elle. « La dernière chose dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est que Jeremy Corbyn soit remplacé par un autre [dirigeant] avec les mêmes opinions. Ça n’aidera pas les choses ».

Après son échec dans les urnes, ce dernier a publiquement promis que « Notre moment viendra » et appelé à la « résistance » à Boris Johnson. Mais il a indiqué qu’il démissionnerait l’année prochaine, et la formation a entamé un processus de remplacement.

Joan Ryan, qui avait officiellement quitté le Labour en février et annoncé en septembre qu’elle ne se présenterait pas aux élections du 12 décembre, indique avoir remarqué qu’une poignée de « membres modérés, décents, de centre-gauche du Parti travailliste » ont commencé à s’exprimer contre Corbyn.

« Le Labour doit maintenant réaffirmer son identité, ses valeurs et ses principes — celles sur lesquelles il a été fondé, celles auxquelles il adhère et qu’il a suivies pendant de nombreuses années », appelle-t-elle de ses vœux.

« Cela pourrait être très dur. Il est possible qu’ils ne soient pas en mesure de le faire d’un seul coup. Mais ils doivent entamer cette démarche pour que le Labour se retrouve — et pas juste pour le parti, car les Britanniques ont besoin d’un parti de centre-gauche respectable vers lequel ils peuvent se tourner et pour lequel ils pourront voter. De sorte que quand nous en viendrons aux prochaines élections générales, ils ne soient pas confrontés à un mauvais choix ou à aucun choix ».

L’ancienne députée d’une banlieue de Londres, de 1997 à 2010 et de 2015 à novembre 2019, s’est confiée au Times of Israel en marge d’une convention de l’International Institute for Strategic Leadership Dialogue à Jérusalem.

Ce forum, créé par l’homme d’affaires franco-israélien Albert Dadon, réunit des députés et des professionnels venus d’Israël, du Royaume-Uni et d’Australie.

If we woke up on Friday the 13th to find that [Corbyn] had won and that he’d be in Number 10, that would have been a disaster of untold proportions. He is palpably not fit for public office. He’s not fit to be prime minister

Cette cadre-travailliste de 64 ans s’est dite « très triste » de ce qui est arrivé à son ancien parti. « Mais je suis également très soulagée ».

« Nous nous ne pouvions simplement pas concevoir l’idée d’avoir un antisémite comme Premier ministre », a-t-elle souligné. « Si nous nous étions réveillés le vendredi 13 avec sa victoire et son arrivée au 10 Downing Street, cela aurait été un désastre d’une proportion indicible. Il n’est manifestement pas apte à occuper une fonction publique. Il n’est pas apte à être Premier ministre ».

Le Premier ministre britannique Boris Johnson à son retour au 10 Downing Street à Londres, le 13 décembre 2019, après avoir rencontré la reine Elizabeth II pour obtenir son approbation en vue de former un nouveau gouvernement (Crédit : AP Photo/Thanassis Stavrakis).

Le peuple britannique n’est pas antisémite, a-t-elle insisté. « Ce sont des gens respectables, démocrates et ils veulent la stabilité et un gouvernement décent, ainsi qu’un Premier ministre qu’ils peuvent respecter. Et le Labour ne leur pas donné le choix. C’est une tragédie ».

En raison des querelles politiques actuelles au sujet du Brexit, de nombreux Britanniques percevaient le scrutin de la semaine dernière comme étant le plus important de leur vie, selon elle. « Comme moi, je pense que des millions de gens se sentent sans abri politiquement. Ils ne voulaient pas voter pour Boris Johnson — certains oui, la plupart non. Mais ils voulaient encore moins de Jeremy Corbyn ».

Sa haine d’Israël et des Juifs aurait suffi à le disqualifier, estime Joan Ryan, mais il était problématique pour plusieurs autres raisons.

« Son antisémitisme provient de sa vision du monde, de son idéologie politique, très extrême gauche et très radicale, qui repose sur une volonté de se débarrasser du capitalisme. Pendant toute sa vie politique, il s’est livré à ce qu’il considère être une lutte des classes.

« Et comme il considère l’Amérique, Israël et son propre pays, le Royaume-Uni, comme des porte-étendards du country, des pourvoyeurs de capitalisme, il ne veut pas simplement le réformer pour rendre la vie plus juste et meilleure à la plupart des gens », explique Joan Ryan. « Il veut le faire disparaître. Et puisqu’il perçoit Israël comme une puissance coloniale, occupante, comme un élément de l’impérialisme de l’Occident, il voit le pays comme son ennemi ».

« L’antisémitisme ne va disparaître facilement du Labour »

L’ancienne travailliste s’en est également prise au programme économique de Corbyn et à sa « politique déroutante » concernant le Brexit. « Sa politique économique ne faisait pas sens. Il promettait tout à tout le monde, peu importe les milliards que cela aurait coûté. Les gens savent que ça n’était pas cohérent et fiable ».

Et pourtant, de nombreux travaillistes auraient pu avaler cette politique et rester dans le parti — si ce n’était pas pour sa détestation des Juifs, explique-t-elle.

« Son antisémitisme ne peut pas être défendu. Il est non négociable. Il s’agit d’une nécessité morale ».

Le Labour devrait être le parti qui montre la voie de la lutte contre l’antisémitisme, mais sous Corbyn il en est devenu le pourvoyeur, a-t-elle accusé. « Il l’a laissé devenir normal au sein du Parti travailliste. C’est devenu normal. Le Labour, ce n’est pas ça ».

Il est certain que le phénomène ne disparaîtra pas en raison du résultat des élections, a-t-elle averti. « Il faut agir. Si délaissé, ou confié à ceux qui ne le reconnaissent pas ou souhaitent le perpétuer, il se répandra comme un poison ».

« Nous ne sommes pas à un tournant. Nous sommes dans une position beaucoup plus positive qu’au même moment la semaine dernière », estime-t-elle. On ne sait pas clairement si la défaite de Corbyn fera revenir le Labour là où il doit être, « mais au moins, il y a maintenant une chance que cela arrive ».

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