Pourquoi Emmanuel Macron ne viendra pas en Israël dans l’immédiat
Le chef de l'État français a martelé mardi qu'il ne se rendrait dans la région que lorsqu'il y aura un "agenda utile et des actions très concrètes à y conduire"
Tandis que le président américain Joe Biden, le Premier ministre britannique Rishi Sunak et le chancelier allemand Olaf Scholz ont fait le choix de se rendre en Israël sans tarder suite à l’attaque terroriste massive du 7 octobre, tout déplacement au Proche-Orient semble pour l’instant exclu pour le président français Emmanuel Macron.
« Ce n’est pas envisagé à court terme », relève-t-on à l’Elysée. Depuis Tirana (Albanie), le chef de l’État a martelé mardi qu’il ne se rendrait dans la région que lorsqu’il y aura un « agenda utile et des actions très concrètes à y conduire ».
La décision peut surprendre – et même choquer – alors que la France a perdu 24 citoyens dans l’attaque du Hamas, et que 7 autres sont toujours portés disparus, pour certains – voire tous – otages du groupe terroriste à Gaza.
L’agenda du président Macron a tout de même été bousculé par cette crise au Proche-Orient et par les attentats à Arras (Pas-de-Calais) et à Bruxelles : sa visite en Suède a été annulée, une autre en Albanie écourtée, et il a aussi reporté l’inauguration d’un grand projet culturel, la Cité internationale de la langue française au nord de Paris, pour se rendre ce jeudi aux obsèques de l’enseignant assassiné à Arras par un terroriste tchétchène de 20 ans.
L’heure est au recueillement et à « l’unité nationale », a martelé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. Le président de la République se doit d’être auprès des Français, de surcroît en pleine alerte attentats sur le territoire national, souligne son entourage.
À droite, certains réclament néanmoins haut et fort une visite « le plus tôt possible » pour marquer le soutien à Israël alors que le pays est engagé dans une nouvelle épreuve de force contre le Hamas.
« J’aurais aimé qu’il y aille en premier (…) Il faut vraiment que notre solidarité soit à toute épreuve », a lancé le chef de file des sénateurs républicains, Bruno Retailleau, mercredi sur Radio J.
Soutien sans faille
L’Elysée répond à cette demande en expliquant que le président a parlé à tous les dirigeants de la région, parfois plusieurs fois, depuis le 7 octobre, et que son soutien à Israël est sans faille, tout comme ses efforts pour empêcher une escalade dans la région et obtenir la libération des otages pris par le Hamas.
« Je vais continuer les consultations, les discussions, mais ma volonté, c’est de pouvoir m’y déplacer quand nous pourrons obtenir un accord concret, soit sur la non-escalade, soit sur les questions humanitaires », a indiqué le président français depuis Tirana, précisant qu’il pourrait y aller « peut-être dans les prochains jours, peut-être dans les prochaines semaines ».
Il a aussi évoqué des « discussions intenses » qui « avancent » pour la libération des otages détenus par le Hamas, après que la mère d’une Franco-Israélienne, Mia Shem, dont une vidéo a été publiée par le Hamas, a supplié mardi les dirigeants du monde à faire libérer sa fille enlevée le 7 octobre en Israël.
« Je veux ici me montrer très prudent, vous comprendrez que je n’en dise pas davantage, pour d’abord ne pas créer des attentes qui seraient déçues et surtout pour ne pas mettre en péril les discussions intenses que nous sommes en train de conduire. Mais elles avancent, nous sommes heure par heure au suivi de ces discussions », a déclaré le président français, qui a évoqué des « contacts, évidemment, avec les autorités israéliennes » mais aussi avec des « puissances amies intermédiaires avec le Hamas pour obtenir la libération de nos otages et de tous les otages ».
Certains responsables français, la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Catherine Colonna et une délégation de dix députés LR et Renaissance, se sont eux rendus en personne en Israël ces derniers jours, faisant part de la solidarité de la France.
« Prendre le temps, pour ne pas dire de bêtises »
Le contexte n’est peut-être pas non plus le plus favorable pour une visite du président français alors que chaque camp fourbit ses armes et que le monde arabe – chauffé à blanc par la mort de nombreux Palestiniens dans les raids aériens israéliens de représailles – risque de s’embraser contre l’Occident, accusé de soutenir sans réserve Israël.
Des milliers de manifestants se sont de nouveau rassemblés mercredi devant l’ambassade de France à Tunis pour exprimer leur colère après un tir meurtrier sur un hôpital de Gaza mardi soir, dénonçant des « Français et Américains alliés des sionistes ». Israël dément toute responsabilité dans cette frappe, qu’il impute à une erreur de tir du Jihad islamique côté palestinien – ce que Joe Biden et les renseignements américains ont confirmé.
« Les visites de Joe Biden et Olaf Scholz [en Israël] ont dû être écourtées », a relevé le député de la majorité présidentielle, Sacha Houlié, sur Sud Radio. « Ecourtées parce que Olaf Scholz essuie des tirs, sur place, et parce que le président Biden n’a pas été reçu en Jordanie » après le drame de l’hôpital. « Cela montre qu’il est parfois inutile de se rendre sur place (…) qu’il faut prendre le temps, pour ne pas dire de bêtises », a-t-il conclu.
Dimanche, Emmanuel Macron a aussi « mis en garde » le président iranien Ebrahim Raïssi « contre toute escalade ou extension du conflit », lors d’un entretien téléphonique, alors que la frontière nord d’Israël est sous tension, après de multiples échanges de tirs avec le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, soutenu par l’Iran. Lors de leur appel, ils avaient aussi certainement évoqué le cas de la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, retenue depuis 2019 en Iran, libérée en février dernier mais empêchée de quitter le territoire jusqu’à mardi, et finalement rentrée en France le même jour.