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Pourquoi mettre les caricatures et la Shoah sur le même plan est impossible

Rudy Reichstadt, fondateur de Conspiracy Watch, a répondu à un compte musulman qui mettait sur le même plan l'humour noir concernant l'islam et la Shoah

Le premier numéro de Charlie Hebdo publié après les attentats du 7 janvier 2015. (Crédit : Bertrand Guay/AFP)
Le premier numéro de Charlie Hebdo publié après les attentats du 7 janvier 2015. (Crédit : Bertrand Guay/AFP)

Samedi, le compte Twitter « Dômes&Minarets », qui se présente comme le « Journal des Mosquées de France », a publié un tweet (en arabe) répondant à Emmanuel Macron, qui avait déclaré sur la chaine Al-Jazeera son attachement à la liberté d’expression, dans un contexte de tensions avec le monde musulman, qui lui reproche de soutenir la publication de caricatures de Mahomet.

« Pouvez-vous dire la même chose, par exemple, de l’Holocauste ? Oserez-vous dire que les dessinateurs ont le droit de se moquer de tout, même de l’Holocauste ? », a écrit le compte.

Dans une série de messages largement partagés, Rudy Reichstadt, directeur de l’Observatoire du conspirationnisme et des théories du complot, a répondu à l’interrogation du compte musulman.

« Ce tweet appelle quelques remarques », a-t-il écrit.

« 1/ En France, la liberté d’expression est un principe constitutionnel. La loi encadre cette liberté principalement dans deux cas de figures : préserver la liberté de chacun de ne pas être diffamé, injurié ou dénigré injustement ; sanctionner les discours incitant à la haine ou à la discrimination qui sont conçus comme facilitant le passage à l’acte violent. En droit français, le négationnisme (visant l’extermination des Juifs par les nazis) est pénalisé précisément en ce qu’il relève de l’incitation à la haine. Depuis 2017, les mêmes dispositions s’appliquent concernant la négation du génocide des Tutsi du Rwanda. C’est d’ailleurs contre les propos négationnistes de Louis Darquier qu’en 1978, Wolinski avait fait une couverture de Charlie Hebdo qui, lue hors contexte, pourrait être vue comme choquante car perçue comme une manière de tourner l’Holocauste en dérision (il n’en est rien). On peut donc très librement, en France, faire de l’humour, de l’humour noir et même très noir, sur les événements les plus épouvantables et les plus tragiques de l’histoire, l’Holocauste n’échappant pas à la règle. À condition que cela ne relève pas de l’incitation à la haine. »

« 2/ L’analogie introduite par @domes_minarets est douteuse à plus d’un titre : elle joue subrepticement sur une forme de compétition victimaire, identifiant le blasphème (qui n’est plus un délit depuis… 1791) à une forme de racisme ; mettant sur le même plan un événement historique (l’Holocauste) et une croyance particulière (Dieu, son prophète présumé, etc.), elle brouille la frontière entre fait établi et opinion, connaissance et croyance, savoir et foi, histoire et mythologie ; partant, elle suggère que le génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale est un dogme (le parallélisme des formes suggérerait pourtant qu’on se demande s’il est possible, en France, de se moquer par exemple des prophètes de la religion juive plutôt que de ‘l’Holocauste’). »

« 3/ Enfin, là où la question posée par @domes_minarets est problématique (admettons un instant qu’elle soit sincère et dénuée d’arrière-pensée), c’est qu’elle fait complètement fi du contexte. Le contexte, le voici : cela fait plus de 8 ans que la France est victime d’attentats terroristes commis au nom de l’islam et, la semaine dernière, plusieurs dirigeants de pays à majorité musulmane appellent à boycotter… la France ! Comme si ce n’était pas la France qui était attaquée. Mais ce qu’il faut rappeler inlassablement, c’est que le débat sur la liberté d’expression et ses limites s’efface complètement derrière l’irruption de violence inouïe à laquelle on a assisté à Conflans, à Nice et ailleurs avant cela. »

« Si @domes_minarets demeure malgré tout attaché à son analogie Mahomet/Holocauste, il faut rappeler que personne n’a jamais été assassiné pour avoir fait des dessins irrévérencieux, vulgaires, choquants ou même haineux sur ‘l’Holocauste’. Jamais. Ni avant ni après la loi Gayssot », a conclu Rudy Reichstadt.

Logo du site Conspiracy Watch.

En réponse, le fondateur de Conspiracy Watch assure avoir été bloqué par le compte Dômes&Minarets, qui a également écrit : « Le tweet a pour objectif de dire qu’on ne peut pas tout dire ou rire de tout. Il y a des limites. Il n’était nullement question d’inciter au négationnisme contrairement à ce qu’a voulu faire croire Rudy Reichstadt, un type qui prétend lutter contre les complots (LOL). »

Dans son entretien à la chaîne Al-Jazeera diffusé samedi, le président français Emmanuel Macron a tenté d’apaiser la colère qui monte dans le monde musulman en assurant comprendre que des musulmans puissent être « choqués » par les caricatures de Mahomet, tout en dénonçant « la violence ».

Il a dénoncé les « manipulations » autour de ses propos sur les caricatures de Mahomet, « parfois de dirigeants politiques et religieux » qui ont laissé penser que ces dessins seraient « une émanation du gouvernement français » contre l’islam.

« Les réactions du monde musulman ont été dues à beaucoup de mensonges, et au fait que les gens ont cru comprendre que moi, j’étais favorable à ces caricatures. (…) Je suis favorable à ce qu’on puisse écrire, penser, dessiner librement dans mon pays parce que je pense que c’est important, que c’est un droit, ce sont nos libertés », a affirmé le chef de l’Etat.

« Ça ne veut pas dire que je soutiens à titre personnel tout ce qu’on dit, qu’on dessine », a-t-il souligné.

Des Palestiniens manifestent contre les propos du président français Emmanuel Macron en défense des caricatures du prophète Mahomet dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 30 octobre 2020. (Crédit : Ahmad GHARABLI / AFP)

Soulignant vouloir « l’apaisement », il a martelé ne pas vouloir « renoncer parce que ce serait inconstitutionnel et ce serait une perte de souveraineté pour nous terrible », tout en tenant à souligner qu’il n’y avait pas de « stigmatisation » du monde musulman en France.

« Pour cela, parce que les gens confondent cette position qui, à mon avis, est inattaquable avec le fait de les soutenir, ils se mettent à attaquer un État », a-t-il poursuivi.

« Mais je le dis aussi à beaucoup de dirigeants, en France la presse est libre », a-t-il insisté, ajoutant que « dans beaucoup de pays qui ont appelé au boycott, il n’y a plus de presse libre, c’est-à-dire qu’il n’y a plus de possibilité de caricaturer mais pas seulement le prophète ou Dieu ou Moïse ou qui que ce soit, mais les dirigeants mêmes du pays ».

« On fait parfois la caricature de dirigeants étrangers, pas du pays où l’on vit parce qu’on a cassé les mains des caricaturistes ou des dessinateurs, parce qu’on a parfois tué des journalistes ou qu’on les a mis en prison. Ça n’est pas le cas de la France », a-t-il insisté.

A LIRE : Les Emirats soutiennent Macron face aux critiques

L’AFP a participé à cet article.

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