Refonte: Un millier de réservistes de l’armée de l’Air renoncent à leur service volontaire
Pilotes, opérateurs de drones, contrôleurs aériens demandent au gouvernement de « parvenir à un consensus », à défaut de quoi ils cesseront leur contribution à la réserve
Emanuel Fabian est le correspondant militaire du Times of Israël.
Plus de 1 100 réservistes de l’armée de l’air israélienne, parmi lesquels des centaines de pilotes, ont publié vendredi une lettre annonçant leur intention de se retirer de la réserve en signe d’opposition à la réforme judiciaire.
Il s’agit de la dernière déclaration choc en date à frapper l’armée israéliennes, déjà ébranlée par le grand nombre de défections de réservistes opposés à la réforme. Les plus hautes autorités de la Défense estiment que ces défections pourraient avoir un réel impact sur la sécurité nationale en cas de conflit.
Dans cette lettre adressée au gouvernement israélien, au chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi, et au chef de l’armée de l’air, le major-général Tomer Bar, les 1 142 réservistes avertissent que la poursuite de la réforme voulue par le gouvernement aura pour conséquence de les amener à ne plus prêter leur concours à la réserve opérationnelle.
Les réservistes demandent au gouvernement de « parvenir à un consensus » sur la question de la réforme judiciaire, « restaurer la confiance dans le système judiciaire dans toutes les couches de la société et garantir son indépendance ».
La plupart des Israéliens qui ont fait leur service militaire – obligatoire – sont tenus de prendre part à un exercice annuel au titre de la réserve, mais ceux qui ont servi dans des unités spéciales – cela vaut pour les pilotes – sont normalement volontaires pour continuer à effectuer les mêmes tâches au titre de la réserve. Compte tenu de la nature très spécifique de leur mission, les soldats des forces spéciales et pilotes de la réserve ont tendance à participer plus fréquemment que les autres aux entraînements et missions.
Ces derniers mois, de nombreux réservistes ont fait savoir qu’ils ne se mettraient pas au service d’un Israël non démocratique, ce que risque de devenir le pays, disent-ils, si le projet de réforme aboutit.
« Ces lois qui affectent le caractère juif et démocratique de l’État d’Israël ne peuvent être mises en œuvre que par l’entremise de négociations et d’un large consensus au sein de la population », ont écrit les 1 142 réservistes.
« Ces lois qui permettent au gouvernement d’agir de manière on ne peut plus déraisonnable ont un effet négatif sur la sécurité de l’État d’Israël : elles suscitent une perte de confiance et nous amènent à remettre en question notre consentement à risquer notre vie et avec une immense tristesse, nous obligent à renoncer à notre statut de réservistes volontaires », ont-ils ajouté.
Cette lettre est signée par 235 pilotes de chasse, 98 pilotes de fret, 89 pilotes d’hélicoptère, 173 opérateurs de drones, 124 contrôleurs aériens, 167 membres du personnel du quartier général de l’Armée de l’Air, 91 membres du personnel des services de formation, 80 membres de l’unité d’élite de recherche et sauvetage 669 et 85 membres de l’unité de commando Shaldag.
Jeudi, le major-général Bar a déclaré que l’Armée de l’Air fonctionnait comme tous les autres jours, en dépit des appels des réservistes à faire défection, en gage d’opposition au projet de réforme. Il a toutefois ajouté que tout ceci causait de profonds dégâts qui mettraient « des années à se réparer ».
« Les déclarations très sévères à l’encontre de l’armée dans son ensemble et de l’armée de l’air en particulier, de ses soldats et réservistes, ces derniers jours, n’ont pas leur place dans notre société. Elles ont d’ores et déjà causé un fort préjudice à la cohésion de l’armée. Je les condamne sans réserve », a-t-il ajouté.
Les manifestations contre la réforme judiciaire affectent Tsahal depuis maintenant des mois : des centaines de réservistes ont annoncé ces derniers jours qu’ils ne seraient plus disponibles au titre de la réserve pour exercer leurs fonctions spécialisées – notamment celles de pilote – si le gouvernement faisait aboutir son projet.
Leurs mises en garde se sont précisées à mesure qu’avançait le projet de loi du gouvernement limitant l’utilisation par le système judiciaire du critère de « caractère raisonnable », un des pans du projet de réforme judiciaire.
Jeudi toujours, Tsahal a critiqué une vidéo diffusée en ligne, et relayée par des ministres, supposée montrer des pilotes de l’armée de l’air israélienne en train de refuser d’aider des soldats attaqués par des ennemis en raison de leur opposition au projet de réforme judiciaire.
Par voie de communiqué, le porte-parole de l’Armée, le contre-amiral Daniel Hagari, a déclaré que cette mise en scène sordide, conçue pour provoquer et « inciter aux troubles » au sein de Tsahal, devait être condamnée avec la lus grande fermeté.
Les plus hautes autorités du ministère de la Défense et politiciens de l’opposition comme de la majorité ont rappelé que des défections massives auraient pour conséquence de rendre Israël vulnérable aux menaces extérieures.
L’Armée a fait savoir qu’elle sanctionnerait ou limogerait les soldats d’active qui refuseraient d’obéir aux ordres, assurant qu’aucune mesure ne serait prise contre les réservistes qui n’auront fait que menacer de ne pas prendre part aux entraînements.
On ignore à ce stade quelles mesures pourraient être prises contre les réservistes qui ne se présenteraient effectivement pas aux entraînements.
L’Armée israélienne a fait savoir qu’elle traiterait chaque cas individuellement, en utilisant tout le spectre disciplinaire possible, de la suspension aux peines de prison en passant par la radiation des cadres.